Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Eni France a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les titres de recettes émis à son encontre par la Ville de Paris, n° 303926 en date du 20 octobre 2020 pour un montant de 79 078 euros et n° 211340 en date du 1er octobre 2021 pour un montant de 121 752 euros.
Par deux jugements n° 2100326 et n° 2127021 du 30 mai 2023, le tribunal administratif de Paris a annulé ces titres de recettes.
Procédure devant la Cour :
I - Par une requête et un mémoire, enregistrés les 26 juillet 2023 et 3 avril 2024 sous le n° 23PA03346, la société Eni France, représentée par Me Amblard, demande à la Cour :
1°) d'annuler l'article 3 du jugement n° 2100326 du 30 mai 2023 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de la décharger du paiement de la somme de 79 078 euros ;
3°) de mettre à la charge de la Ville de Paris le versement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- le titre de recettes litigieux est illégal, d'une part, en l'absence d'occupation domaniale, l'obligation de dépollution ne correspondant pas aux obligations incombant à l'occupant en application de l'article 16 de la convention d'occupation et, d'autre part, en raison de l'illégalité de la délibération n° 2016 DVD 78.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 février 2024, la Ville de Paris, représentée par Me Falala, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la société requérante, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens n'est fondé.
II - Par une requête et un mémoire, enregistrés les 26 juillet 2023 et 3 avril 2024 sous le n° 23PA03347, la société Eni France, représentée par Me Amblard, demande à la Cour :
1°) d'annuler l'article 3 du jugement n° 2127021 du 30 mai 2023 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de la décharger du paiement de la somme de 121 752 euros ;
3°) de mettre à la charge de la Ville de Paris le versement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- le titre de recettes litigieux est illégal, d'une part, en l'absence d'occupation domaniale et, d'autre part, en raison de l'illégalité de la délibération n° 2016 DVD 78.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 février 2024, la Ville de Paris, représentée par Me Falala, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la société requérante, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens n'est fondé.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Jasmin-Sverdlin,
- les conclusions de M. Doré, rapporteur public,
- les observations de Me Amblard, avocat pour la société Eni France,
- et les observations Me Goulard substituant Me Falala, avocat, pour la Ville de Paris.
Vu les notes en délibéré présentées pour la société Eni France dans les dossiers n° 23PA03346 et n° 23PA03347, enregistrées le 27 juin 2024.
Considérant ce qui suit :
1. Le 8 août 2007, la société Eni France a signé avec la Ville de Paris une convention d'occupation du domaine public, pour l'occupation et l'exploitation des stations-service du parc de stationnement de la Maison de la Radio, portant, d'une part, sur une superficie de 1 200 m2 située 1, avenue du Président Kennedy (Paris 16ème) et, d'autre part, sur une superficie de 700 m2 située voie Georges Pompidou (Paris 16ème) et comprenant deux boutiques, des réserves et une aire de lavage, deux pistes de distribution de carburants et des cuves de stockage de carburants. Cette convention étant conclue jusqu'au 5 avril 2010, la société requérante a néanmoins continué à exploiter les stations-service jusqu'au 1er juillet 2017. Par lettre du 25 janvier 2019, la société Eni France a informé la Ville de Paris de la réalisation de son obligation de remise en état des lieux et de son souhait de restituer les deux sites au plus tôt, a convoqué la Ville, par lettre du 28 février suivant, à une réunion à cette fin le 1er mars 2019 et a fait constater par un huissier, à cette même date, la libération des terrains occupés. A la suite de l'émission par la Ville de deux titres de recettes à son encontre, n° 303926 du 20 octobre 2020, pour un montant de 79 078 euros et n° 211340 du 1er octobre 2021, pour un montant de 121 752 euros correspondant, pour le premier, à la " redevance dépollution -cessation d'activité 2019 au Pont de Grenelle " et, pour le second, à la " redevance cessation d'activité 2020 Pont de Grenelle selon contrat du 8 août 2007 ", la société Eni France a saisi le tribunal administratif de Paris de deux requêtes tendant à l'annulation de ces titres et à la décharge des sommes qui lui sont réclamées. La société Eni France relève appel des jugements n° 2100326 n° 2127021 du 30 mai 2023 du tribunal administratif de Paris, en tant que ces jugements n'ont pas fait droit à ses conclusions à fin de décharge.
Sur la jonction :
2. Les deux requêtes n° 23PA03346 et n° 23PA03347, présentées par la société Eni France, sont dirigées contre deux jugements du 30 mai 2023 par lesquels le tribunal administratif de Paris a annulé deux titres de recettes n° 303926 du 20 octobre 2020 et n° 211340 du 1er octobre 2021, émis à son encontre par la Ville de Paris correspondant, pour le premier, à la " redevance dépollution -cessation d'activité 2019 au Pont de Grenelle " et pour le second à la " redevance cessation d'activité 2020 Pont de Grenelle selon contrat du 8 août 2007 ". Il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt.
Sur le bien-fondé des jugements attaqués :
3. D'une part, aux termes du premier aliéna de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous. ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 2125-1 de ce code : " Toute occupation ou utilisation du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L.1 donne lieu au paiement d'une redevance sauf lorsque l'occupation ou l'utilisation concerne l'installation par l'Etat des équipements visant à améliorer la sécurité routière ou nécessaires à la liquidation et au constat des irrégularités de paiement de toute taxe perçue au titre de l'usage du domaine public routier. ". Enfin, selon l'article L. 2125-3 du même code : " La redevance due pour l'occupation ou l'utilisation du domaine public tient compte des avantages de toute nature procurés au titulaire de l'autorisation. ".
4. D'autre part, aux termes de l'article 16 de la convention d'occupation du 8 août 2007 : " A l'expiration du contrat (...) l'occupant ou ses ayants cause sont tenus, si la ville de Paris l'exige, de supprimer les aménagements réalisés et d'enlever les matériaux dans les trois mois qui suivront la notification qui leur sera faite. / Faute pour eux de s'y conformer, il y sera, sans autre avis, procédé d'office et à leurs frais, par les soins de l'Administration. / En outre, l'occupant et ses ayants cause devront supporter les frais de modification, de réfection ou de rétablissement des ouvrages municipaux dans leur état primitif. Ces travaux, dont le montant sera majoré de 10% pour frais généraux et de surveillance, seront exécutés par l'administration. / Après expiration du délai prévu au premier aliéna susvisé (...), la remise en état des parcelles à la ville de Paris donnera lieu à visite contradictoire et établissement d'un procès-verbal. (...) ".
5. Enfin, aux termes de l'article L. 512-12-1 du code de l'environnement : " Lorsque l'installation soumise à déclaration est mise à l'arrêt définitif, l'exploitant place le site dans un état tel qu'il ne puisse porter atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 et qu'il permette un usage futur comparable à la dernière période d'activité de l'installation. ".
6. Tout d'abord, il ressort de l'article 16 précité de la convention d'occupation du 8 août 2007, relatif à la remise en état des lieux, que, si la suppression des aménagements réalisés et l'enlèvement des matériaux incombent à l'occupant, les travaux de modification, de réfection ou de rétablissement des ouvrages municipaux dans leur état primitif doivent être exécutés par l'administration, le montant des frais de ces travaux majoré de 10 % étant à la charge de l'occupant. En outre, la remise en état des sites accueillant une installation classée pour la protection de l'environnement relève de la compétence du préfet, alors, au demeurant, que l'article L. 512-12-1 précité du code de l'environnement ne se réfère pas à la remise des sites dans " leur état primitif " et que la Ville de Paris n'a défini aucune exigence, en matière de remise en état, ni apporté d'élément quant à l'utilisation future des sites. En conséquence, la société Eni France est fondée à soutenir que les deux titres de recettes émis par la Ville de Paris à son encontre sont illégaux, en tant qu'ils mettent à sa charge, pour ce qui concerne le titre n° 303926 du 20 octobre 2020, correspondant, à la " redevance dépollution -cessation d'activité 2019 au Pont de Grenelle ", la somme de 79 078 euros et, pour ce qui concerne le titre n° 211340 du 1er octobre 2021, correspondant à la " redevance cessation d'activité 2020 Pont de Grenelle selon contrat du 8 août 2007 ", la somme de 121 752 euros.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la société Eni France est fondée à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions à fins de décharge des sommes réclamées.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. L'exécution du présent arrêt implique, en application des dispositions de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, que la société Eni France soit déchargée de l'obligation de payer les sommes de 79 078 euros et de 121 752 euros, réclamées par la Ville de Paris par les titres de recettes n° 303926 du 20 octobre 2020 et n° 211340 du 1er octobre 2021.
Sur les frais de l'instance :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Eni France, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la Ville de Paris à ce titre.
10. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Ville de Paris le versement à la société Eni France de la somme de 2 000 euros sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 3 des jugements n° 2100326 et n° 2127021 du 30 mai 2023 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La société Eni France est déchargée de l'obligation de payer les sommes de 79 078 euros et de 121 752 euros.
Article 3 : La Ville de Paris versera à la société Eni France la somme de 2 000 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la Ville de Paris à fin d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Eni France et à la Ville de Paris.
Copie en sera adressée à la Direction régionale des finances publiques d'Île-de-France.
Délibéré après l'audience du 27 juin 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- Mme Jasmin-Sverdlin, première conseillère,
- M. Gobeill, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 juillet 2024.
La rapporteure, Le président,
I. JASMIN-SVERDLIN J. LAPOUZADE
La greffière,
Y. HERBER
La République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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Nos 23PA03346, 23PA03347