Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société civile de construction vente (SCCV) Villa les Châtaigniers a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté n° PC 93048 19 B0183 du 13 octobre 2020 et l'arrêté n° PC 93048 20 B00035 du même jour par lesquels le maire de Montreuil (Seine-Saint-Denis) a refusé de lui délivrer des permis de construire deux immeubles sur un terrain situé 16-18 rue de la Convention.
Par un jugement n°s 2014155-2014160 du 18 novembre 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 14 janvier et 27 septembre 2022, la SCCV Villa les Châtaigniers, représentée par Me Tirard-Rouxel, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°s 2014155-2014160 du 18 novembre 2021 ;
2°) d'annuler les arrêtés du maire de Montreuil du 13 octobre 2020 ;
3°) d'enjoindre à la Ville de Montreuil de lui délivrer les permis de construire sollicités dans un délai de 15 jours sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de la Ville de Montreuil le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- il n'est pas établi que le jugement a été signé par les personnes mentionnées à l'article L. 741-7 du code de justice administrative ;
Sur le refus de permis de construire n° PC 93048 19 B0183 :
- contrairement à ce qu'a relevé le jugement, la décision ne pouvait se fonder sur l'avis négatif du 24 janvier 2020 de l'architecte des bâtiments de France sur le premier dossier de permis de construire, dès lors qu'il devait être regardé comme ayant donné un avis implicite favorable suite au dépôt de nouvelles pièces ;
- les plans communiqués à l'instance sont bien ceux transmis au service instructeur ;
- les moyens soulevés étaient accompagnés des plans pertinents ;
- aucun des motifs opposés par la décision n'est justifié ;
Sur le refus de permis de construire n° PC 93048 20 B000355 :
- sur la façade Nord, le tribunal a appliqué à tort la règle de hauteur maximale pour calculer le prospect minimal à respecter dès lors que ces dispositions poursuivent des finalités différentes, alors qu'il aurait dû calculer la hauteur de la partie de la construction susceptible de générer un prospect, la pergola située au-dessus de l'acrotère étant dissociable et ne générant pas de prospect ;
- sur la façade Est, la hauteur mesurée du pied du bâtiment jusqu'à l'acrotère est de 15 mètres, le panneau en béton dissociable de l'acrotère et du bâtiment faisant office de garde-corps et ne pouvant être pris en compte ;
- sur la limite Sud, les pare-vues sont des éléments mobiliers rapportés dissociables de la construction qui ne peuvent être pris en compte dans le calcul des règles d'implantation ;
- comme l'a jugé le tribunal, le motif de la décision fondé sur la méconnaissance de l'article 2 e) du règlement du plan local d'urbanisme est illégal ;
Par un mémoire en défense enregistré le 28 juin 2022, la commune de Montreuil, représentée par Me Moghrani, conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à la mise à la charge de la société civile de construction vente Villa les Châtaigniers de la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Gobeill,
- les conclusions de M. Doré, rapporteur public,
- les observations de Me Baysan substituant Me Tirard-Rouxel, avocat, représentant la SCCV Villa les Châtaigniers,
- et les observations de Me Moghrani, avocat, représentant la commune de Montreuil.
Une note en délibéré a été présentée pour la SCCV Villa les Châtaigniers le 27 juin 2024.
Considérant ce qui suit :
1. Par un dossier déposé le 29 novembre 2019, et enregistré sous le numéro PC 93048 19 B0183, la SCCV Villa les Châtaigniers a sollicité un permis de construire deux immeubles de 22 logements et un commerce de 183 m², d'une surface de plancher totale de 1 678 m², sur un terrain situé aux 16-18 rue de la Convention à Montreuil (Seine-Saint-Denis). Par un dossier déposé le 13 mars 2020, et enregistré sous le numéro PC 93048 20 B0035, la même société a sollicité un permis de construire deux immeubles de 16 logements, un commerce et 2 chambres d'hôtel, d'une surface de plancher totale de 1 849,50 m² sur ce même terrain. Par deux arrêtés du 13 octobre 2020, le maire de Montreuil a refusé de lui délivrer les permis de construire sollicités. La SCCV Villa les Châtaigniers a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler ces arrêtés. Par un jugement du 18 novembre 2021 dont elle relève appel, le tribunal a rejeté ses demandes.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ". Il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement a été signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. Par suite, le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative auraient été méconnues manque en fait.
Sur le bien-fondé du jugement :
Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté rejetant la demande de permis de construire n° PC 93048 19 B0183 :
3. La décision contestée oppose en premier lieu le motif tiré de ce que l'architecte des Bâtiments de France n'a pas donné son accord au projet dans son avis du 24 janvier 2020 et qu'il n'a pas formulé de nouvel avis suite au dépôt de pièces complémentaires déposées le 13 mars 2020.
4. D'une part, aux termes de l'article L. 424-2 du code de l'urbanisme : " Le permis est tacitement accordé si aucune décision n'est notifiée au demandeur à l'issue du délai d'instruction. Un décret en Conseil d'Etat précise les cas dans lesquels un permis tacite ne peut être acquis ". Aux termes de l'article R* 424-1 du même code : " A défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction déterminé comme il est dit à la section IV du chapitre III ci-dessus, le silence gardé par l'autorité compétente vaut, selon les cas : / (...) b) Permis de construire, permis d'aménager ou permis de démolir tacite ". Aux termes de l'article R*. 424-3 du même code : " Par exception au b de l'article R*424-1, le défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction vaut décision implicite de rejet lorsque la décision est soumise à l'accord de l'architecte des Bâtiments de France et que celui-ci a notifié, dans les délais mentionnés aux articles R*423-59, R*423-67 et R*423-67-1, un avis défavorable ou un avis favorable assorti de prescriptions (...) ". Aux termes de l'article R*. 423-23 du même code : " Le délai d'instruction de droit commun est de (...) / c) Trois mois pour les autres demandes de permis de construire et pour les demandes de permis d'aménager ". Aux termes de l'article R. 423-24 du même code : " Le délai d'instruction de droit commun prévu par l'article R. 423-23 est majoré d'un mois : (...) / c) Lorsque le projet est situé dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable ou dans les abords des monuments historiques (...) ". Aux termes de l'article R*. 423-25 du même code : " Le délai d'instruction prévu par le b et le c de l'article R*423-23 est majoré de deux mois : / a) Lorsqu'il y a lieu de consulter une commission départementale ou régionale (...) ".
5. D'autre part, aux termes de l'article R*423-59 du code de l'urbanisme : " Sous réserve des dispositions des articles L. 752-4, L. 752-14 et L. 752-17 du code de commerce et des exceptions prévues aux articles R*423-60 à R*423-71-1, les collectivités territoriales, services, autorités ou commissions qui n'ont pas fait parvenir à l'autorité compétente leur réponse motivée dans le délai d'un mois à compter de la réception de la demande d'avis sont réputés avoir émis un avis favorable ". Aux termes de l'article R. 423-67 du même code : " Par exception aux dispositions de l'article R. * 423-59, le délai à l'issue duquel l'architecte des Bâtiments de France est réputé avoir donné son accord ou, dans les cas mentionnés à l'article
L. 632-2-1 du code du patrimoine, émis son avis favorable est de deux mois lorsque le projet soumis à permis est situé dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable ou dans les abords des monuments historiques (...) ".
6. En l'absence de dispositions expresses du code de l'urbanisme y faisant obstacle, il est loisible à l'auteur d'une demande de permis de construire d'apporter à son projet, pendant la phase d'instruction de sa demande et avant l'intervention d'une décision expresse ou tacite, des modifications qui n'en changent pas la nature, en adressant une demande en ce sens accompagnée de pièces nouvelles qui sont intégrées au dossier afin que la décision finale porte sur le projet ainsi modifié. Cette demande est en principe sans incidence sur la date de naissance d'un permis tacite déterminée en application des dispositions mentionnées ci-dessus. Toutefois, lorsque du fait de leur objet, de leur importance ou de la date à laquelle ces modifications sont présentées, leur examen ne peut être mené à bien dans le délai d'instruction, compte tenu notamment des nouvelles vérifications ou consultations qu'elles impliquent, l'autorité compétente en informe par tout moyen le pétitionnaire avant la date à laquelle serait normalement intervenue une décision tacite, en lui indiquant la date à compter de laquelle, à défaut de décision expresse, la demande modifiée sera réputée acceptée. L'administration est alors regardée comme saisie d'une nouvelle demande se substituant à la demande initiale à compter de la date de la réception par l'autorité compétente des pièces nouvelles et intégrant les modifications introduites par le pétitionnaire. Il appartient le cas échéant à l'administration d'indiquer au demandeur dans le délai d'un mois prévu par l'article R. 423-38 du code de l'urbanisme les pièces manquantes nécessaires à l'examen du projet ainsi modifié.
7. En l'espèce, la demande de permis de construire a été déposée le 29 novembre 2019. Le terrain d'assiette du projet se trouvant dans les abords de l'église Saint-Pierre Saint-Paul classée monument historique, l'architecte des Bâtiments de France a été saisi le 6 décembre 2019 et a rendu un avis défavorable le 24 janvier 2020. Toutefois, postérieurement à cet avis, et afin de tenir compte des observations formulées dans ce dernier avis et lors d'une réunion tenue le 12 février 2020, la société pétitionnaire a déposé, le 13 mars 2020, de nouveaux plans modifiant le premier projet et notamment l'aspect extérieur. L'architecte des Bâtiments de France ayant été saisi de ces nouveaux plans le 19 mars 2020 et n'ayant pas émis de nouvel avis, le silence gardé sur cette nouvelle demande a fait naître un avis favorable implicite en application des dispositions précitées. Il en résulte que saisie d'une nouvelle demande la commune ne pouvait légalement s'opposer à la demande pour le motif rappelé au point 3.
8. En deuxième lieu, la décision a également opposé à la demande le motif tiré de la méconnaissance des dispositions du chapitre 2 b) de la zone UG du règlement du plan local d'urbanisme relatif à l'implantation en limites séparatives aux termes duquel : " en cas de retrait, les constructions ou parties de constructions doivent être implantées à une distance minimale égale à la moitié de la hauteur de la construction, mesurée en tout point, comptée horizontalement au droit des façades avec un minimum de 3 mètres ".
9. La société requérante soutient d'une part que sur la façade Nord, le tribunal a appliqué à tort la règle de hauteur maximale pour calculer le prospect minimal à respecter dès lors que ces dispositions poursuivent des finalités différentes, alors qu'il aurait dû calculer la hauteur de la partie de la construction susceptible de générer un prospect, la pergola, qui est une demande de l'architecte des Bâtiments de France, étant dissociable de l'ensemble. Outre que l'avis du 14 février 2020 de l'architecte des Bâtiments de France a prescrit, non la création d'une pergola, mais que la façade sur rue forme une pergola métallique disjointe de la façade placée en retrait dans le respect des prospects imposés par le plan local d'urbanisme, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment des illustrations, que l'élément qualifié de pergola, réalisé en béton blanc, serait disjoint de la construction. Il en résulte que cet élément ne pouvait être retranché du calcul de la hauteur du bâtiment.
10. La société soutient d'autre part que sur la façade Est, la hauteur mesurée du pied du bâtiment jusqu'à l'acrotère est de 15 mètres, ainsi que le démontre un plan réalisé à l'échelle, de sorte que le retrait de 7,50 mètres respectait les dispositions précitées, le panneau en béton dissociable de l'acrotère et du bâtiment faisant office de garde-corps et ne pouvant dans ces circonstances être pris en compte. Toutefois, il ressort des mentions précises et non contestées du plan de masse PC 2 et du plan de façade du 20 avril 2020 que, pour le calcul du retrait du niveau R+4 du bâtiment principal du projet par rapport à la limite séparative, la hauteur à l'acrotère à prendre en compte est de 90,00 mètres nivellement général de la France (NGF), pour un niveau du sol au maximum à 74,05 mètres NGF de hauteur à cet endroit, soit une différence de 15,95 mètres, même sans tenir compte du panneau de béton, ledit panneau n'étant, en tout état de cause, pas dissociable du bâtiment.
11. La société requérante soutient enfin que sur la limite Sud, les pare-vues sont des éléments mobiliers rapportés dissociables de la construction qui ne peuvent être pris en compte dans le calcul des règles d'implantation. Outre qu'il ressort des mentions de la notice architecturale que les pare-vues sont constitués de " panneaux béton de remplissage texturés associés à des vitrages fixes translucides ", il ne ressort d'aucune pièce du dossier, notamment des plans et des illustrations, que ces pare-vues ne seraient pas solidaires de la construction. Il en résulte que ces éléments ne pouvaient être retranchés du calcul de la hauteur du bâtiment.
Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté rejetant la demande de permis de construire n° PC 93048 20 B0035 :
12. Cette décision étant fondée sur les mêmes motifs tirés de la méconnaissance des dispositions du chapitre 2 b) de la zone UG du règlement du plan local d'urbanisme, les moyens soulevés par la SCCV Villa les Châtaigniers à l'encontre de cette décision ne peuvent qu'être écartés pour les mêmes motifs que ceux relevés aux points 8 à 11 du présent arrêt.
13. Il résulte de ce qui précède que la SCCV Villa les Châtaigniers n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'annulation et d'injonction ne peuvent dès lors qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Montreuil qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la SCCV Villa les Châtaigniers demande au titre des frais exposés par elle. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la SCCV Villa les Châtaigniers une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Montreuil.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société civile de construction vente Villa les Châtaigniers est rejetée.
Article 2 : La société civile de construction vente Villa les Châtaigniers versera une somme de 1 500 euros à la commune de Montreuil.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile de construction vente Villa les Châtaigniers et à la commune de Montreuil.
Délibéré après l'audience du 27 juin 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- Mme Labetoulle première conseillère,
- M. Gobeill, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 juillet 2024.
Le rapporteur, Le président,
J.-F. GOBEILL J. LAPOUZADE
La greffière,
Y. HERBER
La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Saint-Denis en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA00196