Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 6 mai 2021 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a refusé de lui reconnaître la qualité d'apatride.
Par un jugement n° 2210688 du 25 octobre 2023, le tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision attaquée et enjoint à l'OFPRA de reconnaître à M. B... le statut d'apatride.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 7 décembre 2023, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), représenté par Me Laymond, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 25 octobre 2023 ;
2°) de rejeter la demande de première instance de M. B....
Il soutient que :
- le jugement contesté est entaché d'irrégularité en l'absence de conclusions du rapporteur public, le litige ne relevant pas des cas de dispense énumérés à l'article R. 732-1 du code de justice administrative ;
- les juges de première instance ont entaché leur jugement d'erreurs de droit et d'appréciation et d'une dénaturation des pièces du dossier ;
- le jugement contesté est entaché d'une contradiction de motifs et d'une omission à statuer ;
- c'est à tort que les juges de première instance ont retenu que M. B... ne pouvait se prévaloir de la nationalité azerbaïdjanaise ;
- le jugement supplétif du tribunal de grande instance de Bobigny du 28 mai 2019 ne pouvait à lui seul constituer la preuve de son apatridie et l'intéressé n'a pas entrepris de démarches suffisantes répétées et appropriées auprès des autorités azerbaïdjanaises pour obtenir la nationalité de ce pays.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 mars 2024, M. A... B..., représenté par Me Griolet, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'OFPRA la somme de 1 500 euros en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens soulevés par l'OFPRA ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 janvier 2024.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de New York du 28 septembre 1954 relative au statut des apatrides ;
- la loi sur la citoyenneté de la République d'Azerbaïdjan du 30 septembre 1998 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lorin,
- les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public,
- et les observations de Me Griolet, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 6 mai 2021, le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté la demande de reconnaissance de la qualité d'apatride sollicitée par M. B.... Par un jugement du 25 octobre 2023, dont l'OFPRA relève régulièrement appel, le tribunal administratif de Montreuil a annulé cette décision et enjoint à l'office de reconnaître à M. B... le statut d'apatride. Par la présente requête, l'OFPRA doit être regardé comme demandant l'annulation des articles 1er et 2 de ce jugement.
2. Aux termes du paragraphe 1er de l'article 1er de la convention de New York du 28 septembre 1954 : " Aux fins de la présente Convention, le terme " apatride " désigne une personne qu'aucun Etat ne considère comme son ressortissant par application de sa législation (...) ". Aux termes de l'article L. 812-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La qualité d'apatride est reconnue à toute personne qui répond à la définition de l'article 1er de la convention de New York, du 28 septembre 1954, relative au statut des apatrides. Ces personnes sont régies par les dispositions applicables aux apatrides en vertu de cette convention ". Aux termes de l'article L. 582-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La qualité d'apatride est reconnue à toute personne qui répond à la définition de l'article 1er de la convention de New York, du 28 septembre 1954, relative au statut des apatrides. Ces personnes sont régies par les dispositions applicables aux apatrides en vertu de cette convention ". Aux termes de l'article L. 582-2 du même code : " L'Office français de protection des réfugiés et apatrides reconnaît la qualité d'apatride aux personnes remplissant les conditions mentionnées à l'article L. 582-1, au terme d'une procédure définie par décret en Conseil d'Etat ". La reconnaissance de la qualité d'apatride implique d'établir que l'Etat susceptible de regarder une personne comme son ressortissant par application de sa législation ne la considère pas comme tel.
3. Pour rejeter la demande d'apatridie présentée par M. B..., l'OFPRA a relevé qu'en dépit de la production d'un acte d'état civil délivré sur le fondement d'un jugement supplétif du tribunal de grande instance de Bobigny rendu le 28 mai 2019, l'identité de M. B..., qui n'était pas recensée par les autorités azerbaïdjanaises selon les informations obtenues auprès de l'Ambassade de France à Bakou, n'était pas formellement établie. L'office a ainsi retenu que l'intéressé devait être considéré comme se présentant sous une fausse identité et a remis en cause la pertinence de ses démarches en vue d'obtenir la nationalité azerbaïdjanaise devant les autorités de ce pays, dès lors qu'elles avaient été entreprises sous une identité fallacieuse. L'office a relevé au surplus qu'à supposer que l'intéressé rapporte la preuve de son identité et de son état-civil, il serait fondé à se prévaloir de la nationalité azerbaïdjanaise en application de l'article 11 de la loi sur la nationalité de la République d'Azerbaïdjan.
4. Pour faire droit à la demande de M. B..., les juges de première instance ont retenu, d'une part, que l'OFPRA n'avait pu remettre en cause l'authenticité de l'état civil de l'intéressé tel qu'il ressortait du jugement supplétif du tribunal de grande instance de Bobigny en l'absence de tout autre élément et, d'autre part, que les démarches répétées et assidues de l'intéressé auprès des autorités azerbaïdjanaises permettaient de retenir une erreur commise par l'Office dans l'appréciation de sa situation, M. B... étant par suite en droit de se prévaloir de la qualité d'apatride.
5. Il ressort des pièces du dossier qu'aux termes du jugement supplétif prononcé le 28 mai 2019 dont les mentions ne sont pas sérieusement remises en cause par l'Office par de simples suspicions de fraude, que M. B... est né le 10 octobre 2002 à Bakou après l'indépendance de la République d'Azerbaïdjan proclamée en 1991. Il est ainsi, à la date d'édiction de la décision de l'OFPRA, susceptible d'acquérir la citoyenneté azerbaïdjanaise en application de l'article 11 de la loi du 30 septembre 1998, dont les dispositions couvrent notamment la situation des personnes nées sur le territoire de la République d'Azerbaïdjan. L'intéressé n'invoque aucun élément permettant de considérer que ces dispositions ne lui seraient pas applicables. S'il ressort des pièces du dossier que M. B... a sollicité sans succès et à plusieurs reprises depuis 2017 la délivrance d'un acte d'état civil, pièce nécessaire à ses démarches de reconnaissance de la citoyenneté azerbaïdjanaise en application de l'article 6 de la loi du 30 septembre 1998, il ne justifie pas avoir présenté une demande en ce sens ou même tenté de le faire et ne démontre pas que les autorités de la République d'Azerbaïdjan auraient formellement refusé de lui reconnaître cette nationalité. Par suite, M. B... ne justifie pas, à la date de la décision attaquée, avoir engagé en vain des démarches répétées et assidues auprès de la République d'Azerbaïdjan pour se voir reconnaître la nationalité de ce pays ou s'être vu opposer un refus par les autorités azerbaïdjanaises après examen de sa demande. Dans ces conditions et alors même qu'il n'y a pas trace dans les registres de l'état civil azerbaïdjanais de son acte de naissance, M. B... n'établit pas entrer dans le champ d'application des stipulations précitées de l'article 1er de la convention de New-York du 28 septembre 1954. Par suite, l'OFPRA est fondé à soutenir que M. B... ne pouvait se voir reconnaître la qualité d'apatride au sens de ces stipulations.
6. Il appartient à la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens éventuels soulevés devant le tribunal administratif et devant la Cour. Toutefois, en l'espèce, aucun autre moyen n'a été soulevé.
7. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement contesté, que l'OFPRA est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montreuil a annulé sa décision du 6 mai 2021. Il y a lieu en conséquence d'annuler ce jugement et de rejeter les conclusions aux fins d'annulation et d'injonction de la demande de M. B... auxquelles il a été fait droit en première instance. Par suite, ses conclusions présentées au titre des frais liés à l'instance doivent également être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er: Les articles 1er et 2 du jugement n° 2210688 du 25 octobre 2023 du tribunal administratif de Montreuil sont annulés.
Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Montreuil est rejetée.
Article 3: Les conclusions de M. B... présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et à M. A... B....
Délibéré après l'audience du 21 juin 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président,
- M. Soyez, président assesseur,
- Mme Lorin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 5 juillet 2024.
La rapporteure,
C. LORIN
Le président,
S. CARRERE
La greffière,
E. LUCE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA05058