Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 25 octobre 2023 par lequel le préfet de Seine-et-Marne a rejeté sa demande d'admission exceptionnelle au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination pour son éloignement.
Par une ordonnance n° 2312585 du 22 janvier 2024, la présidente du tribunal administratif de Melun a donné acte du désistement de la requête de M. A....
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 8 février 2024 M. A..., représenté par Me Hervet, demande à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 2312585 du 22 janvier 2024 de la présidente du Tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler l'arrêté du 25 octobre 2023 par lequel le préfet de Seine-et-Marne a rejeté sa demande d'admission exceptionnelle au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination pour son éloignement ;
3°) à titre principal, d'enjoindre à toute autorité administrative compétente de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre à toute autorité administrative compétente de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
Il soutient que :
- le Tribunal ne pouvait régulièrement considérer qu'il s'est désisté de sa requête sans lui adresser une mise en demeure de produire un mémoire ampliatif ;
- la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ;
- elle est illégale en l'absence d'examen particulier de sa situation ;
- elle méconnaît les articles L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire est illégale par exception d'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de destination pour son éloignement est insuffisamment motivée.
Par un mémoire en défense enregistré le 31 mai 2024, le préfet de Seine-et-Marne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Hamon a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant de la Côte d'Ivoire, né le 1er novembre 1984, a sollicité le 31 juillet 2023 son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 25 octobre 2023, le préfet de Seine-et-Marne a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination pour son éloignement. M. A... fait appel de l'ordonnance du 22 janvier 2024, par laquelle la présidente du tribunal administratif de Melun a donné acte du désistement de sa requête tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : 1' Donner acte des désistements (...) ".
3. Aux termes de l'article R. 776-10 du code de justice administrative : " Les dispositions de la présente sous-section sont applicables aux recours formés, en application des articles L. 614-4 ou L. 614-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, contre les décisions d'obligation de quitter le territoire français prise sur le fondement de l'article L. 251-1 ou des 3°, 5° ou 6° de l'article L. 611-1 du même code et les autres décisions mentionnées à l'article R. 776-1 du présent code, lorsque l'étranger n'est pas placé en rétention, ni assigné à résidence. ", et l'article R. 776-1 du même code dispose que : " Sont présentées, instruites et jugées selon les dispositions du chapitre IV du titre I du livre VI du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article L. 732-8 du même code, ainsi que celles du présent code, sous réserve des dispositions du présent chapitre, les requêtes dirigées contre : / 1° Les décisions portant obligation de quitter le territoire français, prévues aux articles L. 241-1 et L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les décisions relatives au séjour notifiées avec les décisions portant obligation de quitter le territoire français, lorsque l'étranger n'est pas placé en rétention administrative ou assigné à résidence (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 776-12 du même code : " Lorsqu'une requête sommaire mentionne l'intention du requérant de présenter un mémoire complémentaire, la production annoncée doit parvenir au greffe du tribunal administratif dans un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle la requête a été enregistrée. / Si ce délai n'est pas respecté, le requérant est réputé s'être désisté à la date d'expiration de ce délai, même si le mémoire complémentaire a été ultérieurement produit. Il est donné acte de ce désistement. ".
4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a saisi le tribunal par le biais d'une requête intitulée " recours sommaire ", enregistrée le 24 novembre 2023, qui annonçait expressément la production d'un mémoire complémentaire. En l'absence de toute production de ce mémoire dans le délai prescrit, par ordonnance du 22 janvier 2024, la présidente du Tribunal administratif de Melun a considéré que M. A... était réputé s'être désisté et a, sur le fondement des dispositions du 1° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, donné acte du désistement de sa requête.
5. Toutefois, la requête présentée par l'intéressé devant le tribunal comportait l'exposé de plusieurs moyens, tirés notamment de la méconnaissance de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que de l'erreur manifeste d'appréciation. Dans ces conditions, bien que la requête ait fait état de l'intention de déposer un mémoire complémentaire, elle ne revêtait pas le caractère d'une requête sommaire au sens des dispositions précitées de l'article R. 776-12 du code de justice administrative. La présidente du Tribunal administratif de Melun ne pouvait donc, sans entacher son ordonnance d'irrégularité, donner acte du désistement de M. A... sur le fondement de ces dispositions.
6. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu, pour la Cour, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête relatifs à la régularité de l'ordonnance attaquée, de prononcer l'annulation de celle-ci et de statuer, par la voie de l'évocation, sur l'ensemble des conclusions présentées par M. A..., tant devant la Cour qu'en première instance.
Sur la décision de refus de titre de séjour :
7. En premier lieu l'arrêté attaqué, qui énonce les considérations de fait et de droit, non stéréotypées, sur lesquelles il se fonde, est suffisamment motivé.
8. En deuxième lieu, il ne ressort pas des termes de l'arrêté litigieux, ni des pièces du dossier que le préfet de Seine-et-Marne n'aurait pas procédé à un examen de sa situation personnelle avant de prendre la décision attaquée.
9. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. ".
10. Il ressort des pièces du dossier que si M. A... réside en France, où il est entré irrégulièrement, depuis 2017 et y exerçait, à la date de la décision attaquée, une activité salariée dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée depuis deux ans, ces seules circonstances ne sont pas de nature à caractériser des circonstances humanitaires ou des motifs exceptionnels, alors qu'il est par ailleurs sans attaches familiales en France, son enfant mineur ainsi que le reste de sa famille résidant en Côte d'Ivoire, où il a vécu jusqu'à l'âge d'au moins 30 ans. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le refus de lui délivrer un titre de séjour aurait méconnu ces dispositions ni, pour les mêmes motifs, qu'il serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
11. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui".
12. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 10, M. A..., qui a par ailleurs fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français notifiée le 28 juin 2018 selon l'arrêté en cause, n'est pas fondé à soutenir que le refus de lui délivrer un titre de séjour aurait porté une atteinte excessive à sa vie privée et familiale en France et, par suite, méconnu ces stipulations.
Sur la décision d'obligation de quitter le territoire français :
13. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à exciper, à l'appui des conclusions dirigées contre cette décision, de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour qui lui a été opposée.
14. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 10 à 12, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ni qu'elle méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur la décision fixant le pays de destination :
15. En relevant que M. A... n'alléguait pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et que la décision ne méconnaissait pas les stipulations de l'article 3 de cette convention qui proscrit les traitements inhumains ou dégradants, le préfet a suffisamment motivé la décision de fixer comme pays de destination la Côte d'Ivoire, dont M. A... est ressortissant, ou tout autre pays où il est légalement admissible comme pays de destination pour son éloignement.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de Seine-et-Marne du 25 octobre 2023. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des frais de l'instance ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : L'ordonnance n° 2312585 du 22 janvier 2024 de la présidente du Tribunal administratif de Melun est annulée.
Article 2 : La demande de M. A... présentée devant le Tribunal administratif de Melun et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne.
Délibéré après l'audience du 18 juin 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Auvray, président de chambre,
- Mme Hamon, présidente-assesseure,
- M. Desvigne Repusseau, premier conseiller
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2024.
La rapporteure,
P. HAMONLe président,
B. AUVRAY
La greffière,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24PA00619 2