Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 10 octobre 2023 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné.
Par un jugement n° 2325131/8 du 28 décembre 2023, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris, après avoir admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire, a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 25 janvier 2024 et 29 avril 2024, M. A..., représenté par Me Kati, demande à la Cour :
1°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
2°) d'annuler l'article 2 de ce jugement du 28 décembre 2023 ;
3°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 10 octobre 2023 ;
4°) d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation ;
5°) à titre subsidiaire, de suspendre l'exécution de l'arrêté du préfet de police du 10 octobre 2023 jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci ;
6°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle n'est pas motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation ;
- elle a été prise au terme d'une procédure irrégulière dès lors que la décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ne lui a pas été notifiée dans sa langue maternelle ;
- le principe du contradictoire n'a pas été respecté ;
- cette décision est entachée d'une erreur de droit en s'étant fondée à tort sur les dispositions du b) du 2° de l'article L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination ;
- elle méconnaît les dispositions des articles L. 612-12 et L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qu'elle comporte des mentions imprécises ;
- elle est illégale en ce qu'elle fixe " l'Emirat islamique d'Afghanistan " comme pays de destination, alors que cet Etat n'est pas reconnu par la France ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 avril 2024, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du Tribunal judiciaire de Paris du 1er mars 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Desvigne-Repusseau,
- et les observations de Me Tovia Vila, substituant Me Kati, avocate de M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant afghan né le 21 mars 1999, est entré en France le 8 août 2021 selon ses déclarations afin d'y solliciter l'asile. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision du 30 septembre 2022 du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), confirmée par une décision du 29 mars 2023 de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Ayant constaté que la demande de réexamen de la demande d'asile de M. A... avait été rejetée, pour irrecevabilité, par une décision du directeur général de l'OFPRA du 24 juillet 2023, notifiée le 26 juillet 2023, le préfet de police, par un arrêté du 10 octobre 2023, l'a obligé à quitter le territoire français en application des dispositions du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lui a octroyé un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné. M. A... fait appel du jugement du 28 décembre 2023 en tant que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
2. Il ressort des pièces du dossier que, par une décision du 1er mars 2024 postérieure à l'introduction de la requête, le bureau d'aide juridictionnelle du Tribunal judiciaire de Paris a statué sur la demande d'admission à l'aide juridictionnelle de M. A.... Par suite, sa demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle est devenue sans objet.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
3. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) / 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° / (...) ". Aux termes de l'article L. 542-1 de ce code : " (...) / Lorsqu'un recours contre la décision de rejet de l'office a été formé dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français prend fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, à la date de la notification de celle-ci ". Aux termes de l'article L. 542-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 542-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin : / 1° Dès que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a pris les décisions suivantes : / (...) / b) une décision d'irrecevabilité en application du 3° de l'article L. 531-32, en dehors du cas prévu au b du 2° du présent article / (...) / 2° Lorsque le demandeur : / (...) / b) a introduit une première demande de réexamen, qui a fait l'objet d'une décision d'irrecevabilité par l'office en application du 3° de l'article L. 531-32, uniquement en vue de faire échec à une décision d'éloignement / (...) ". Aux termes de l'article L. 531-32 du même code : " L'Office français de protection des réfugiés et apatrides peut prendre une décision d'irrecevabilité écrite et motivée, sans vérifier si les conditions d'octroi de l'asile sont réunies, dans les cas suivants : / (...) / 3° En cas de demande de réexamen lorsque, à l'issue d'un examen préliminaire effectué selon la procédure définie à l'article L. 531-42, il apparaît que cette demande ne répond pas aux conditions prévues au même article ". Aux termes de l'article L. 531-42 du même code : " A l'appui de sa demande de réexamen, le demandeur indique par écrit les faits et produit tout élément susceptible de justifier un nouvel examen de sa demande d'asile / L'Office français de protection des réfugiés et apatrides procède à un examen préliminaire des faits ou des éléments nouveaux présentés par le demandeur intervenus après la décision définitive prise sur une demande antérieure ou dont il est avéré qu'il n'a pu en avoir connaissance qu'après cette décision / Lors de l'examen préliminaire, l'office peut ne pas procéder à un entretien / Lorsque, à la suite de cet examen préliminaire, l'office conclut que ces faits ou éléments nouveaux n'augmentent pas de manière significative la probabilité que le demandeur justifie des conditions requises pour prétendre à une protection, il peut prendre une décision d'irrecevabilité ".
4. En premier lieu, si M. A... soutient que le principe du contradictoire n'a pas été respecté dès lors qu'il n'a pas pu exposer oralement de nouveaux éléments dans le cadre de la procédure de réexamen de sa demande d'asile suivie devant l'OFPRA, cette circonstance est en tout état de cause sans incidence sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français attaquée. Par suite, ce moyen doit être écarté.
5. En deuxième lieu, M. A... reprend en appel les moyens invoqués en première instance et tirés de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français attaquée n'est pas motivée et est entachée d'un défaut d'examen de sa situation. Il y a lieu de rejeter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge.
6. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que pour obliger M. A... à quitter le territoire français sur le fondement des dispositions du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de police, après avoir visé les dispositions précitées de l'article L. 531-42 du même code, a tiré de la décision du 24 juillet 2023 par laquelle le directeur général de l'OFPRA a rejeté la demande de réexamen de la demande d'asile de M. A... comme étant irrecevable sur le fondement des dispositions du 3° de l'article L. 531-32, qui renvoient elles-mêmes à l'article L. 531-42 dudit code, que cette demande de réexamen avait été déposée uniquement en vue de faire échec à une décision d'éloignement. Alors même qu'il ressort des pièces du dossier que la demande de réexamen a en effet été introduite avant l'intervention de la décision portant obligation de quitter le territoire français en litige, le motif tiré du caractère dilatoire de cette demande, certes erroné, est en tout état de cause sans incidence sur la légalité de la mesure d'éloignement dès lors, ainsi qu'il vient d'être dit, que le préfet de police s'est également fondé sur le motif, suffisant en l'espèce, tiré de ce que les éléments présentés par M. A... à l'OFPRA n'augmentent pas de manière significative la probabilité qu'il justifie des conditions requises pour prétendre à une protection. Dans ces conditions, le requérant avait perdu, en application des dispositions précitées de l'article L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le droit de se maintenir sur le territoire français dès l'intervention de la décision du 24 juillet 2023 du directeur général de l'OFPRA, et le préfet de police pouvait pour ce motif, sans commettre d'erreur de droit, l'obliger à quitter le territoire français en application des dispositions précitées du 4° de l'article L. 611-1 du même code.
7. En dernier lieu, ainsi qu'il a été dit plus haut, la demande de réexamen de la demande d'asile de M. A... a été rejetée par le directeur général de l'OFPRA le 24 juillet 2023 comme étant irrecevable. Ainsi, en application des dispositions précitées de l'article L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le droit du requérant de se maintenir sur le territoire français a pris fin dès le 24 juillet 2023, date d'intervention de la décision du directeur général de l'OFPRA, et non à compter de la date de notification de cette décision à l'intéressé. Dans ces conditions, M. A... ne peut utilement soutenir que la décision du 24 juillet 2023 du directeur général de l'OFPRA ne lui aurait pas été notifiée dans sa langue maternelle. Par suite, ce moyen doit être écarté.
En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de destination :
8. En premier lieu, aux termes de l'article L. 612-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français mentionne le pays (...) à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office ". Aux termes de l'article L. 721-4 de ce code : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : / 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu la qualité de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile / 2° Un autre pays pour lequel un document de voyage en cours de validité a été délivré en application d'un accord ou arrangement de réadmission européen ou bilatéral / 3° Ou, avec l'accord de l'étranger, tout autre pays dans lequel il est légalement admissible / (...) ".
9. En disposant qu'il " pourra être reconduit d'office à la frontière à destination du pays dont il a la nationalité ou de tout pays pour lequel il établit être légalement admissible ", la décision fixant le pays de destination n'est pas, contrairement à ce que soutient M. A..., insuffisamment précise et, par suite, ne méconnaît pas les dispositions précitées des articles L. 612-12 et L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ce moyen doit, dès lors, être écarté.
10. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient M. A..., il ressort des pièces du dossier que la décision fixant le pays de destination ne désigne pas " l'Emirat islamique d'Afghanistan ", mais le pays dont il a la nationalité ou tout pays dans lequel il est légalement admissible. Ainsi, le requérant, qui est de nationalité afghane, ne peut utilement se prévaloir pour contester la légalité de la décision en litige de la circonstance que la France ne reconnaît pas le régime des Talibans depuis leur retour au pouvoir dans ce pays. Par ailleurs, si M. A... indique qu'il n'est pas légalement admissible dans un autre pays, une telle circonstance est en tout état de cause sans incidence sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi dès lors qu'elle relève seulement des conditions d'exécution de la mesure d'éloignement. Par suite, le moyen soulevé par le requérant doit être écarté.
11. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
12. M. A... reprend en appel le moyen invoqué en première instance et tiré de ce que la décision fixant le pays de destination attaquée méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il y a lieu de rejeter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 10 octobre 2023.
Sur la demande de suspension de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français :
14. Aux termes de l'article L. 752-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont le droit au maintien sur le territoire a pris fin en application des b ou d du 1° de l'article L. 542-2 et qui fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français peut, dans les conditions prévues à la présente section, demander au tribunal administratif la suspension de l'exécution de cette décision jusqu'à l'expiration du délai de recours devant la Cour nationale du droit d'asile ou, si celle-ci est saisie, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la cour, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci ".
15. A supposer que la CNDA n'ait pas encore statué sur la demande de réexamen de la demande d'asile de M. A... à la date du présent arrêt, les éléments nouveaux dont l'intéressé se prévaut en appel ne constituent pas des éléments suffisamment sérieux de nature à justifier son maintien sur le territoire français jusqu'à l'examen de son recours par la CNDA. Par suite, les conclusions de M. A... tendant à la suspension de l'exécution de la décision du 10 octobre 2023 par laquelle le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
16. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle de M. A....
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 18 juin 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Auvray, président de chambre,
- Mme Hamon, présidente-assesseure,
- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2024.
Le rapporteur,
M. DESVIGNE-REPUSSEAULe président,
B. AUVRAY
La greffière,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 24PA00383