Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 3 janvier 2023 par laquelle le préfet de police a classé sans suite le dossier de sa demande de titre de séjour.
Par un jugement n° 2310257/2-2 du 22 janvier 2024, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 24 janvier 2024 et 21 avril 2024, M. A..., représenté par Me Sangue, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 22 janvier 2024 ;
2°) d'annuler la décision du préfet de police du 3 janvier 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de procéder à l'enregistrement de sa demande de titre de séjour et à son examen ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision attaquée n'est pas motivée ;
- elle est entachée d'incompétence ;
- elle méconnaît les dispositions des articles L. 212-1 et L. 212-2 du code des relations entre le public et l'administration ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation ;
- elle est entachée d'une erreur de droit ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 avril 2024, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- à titre principal, la demande de M. A... est irrecevable dès lors que la décision attaquée est insusceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir ;
- à titre subsidiaire, les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Desvigne-Repusseau a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par deux arrêtés distincts du 9 septembre 2021, le préfet de police a obligé M. A..., ressortissant sénégalais né en 1979, à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de vingt-quatre mois. Par un jugement n° 2119177/8 du 13 septembre 2021, devenu définitif, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a confirmé la légalité des décisions contenues dans ces arrêtés. M. A... a présenté à la préfecture de police de Paris, le 6 décembre 2022, une demande de titre de séjour en qualité de parent d'enfant français. Par une décision du 3 janvier 2023, le préfet de police a classé sans suite le dossier de sa demande de titre de séjour au motif que l'intéressé fait l'objet, depuis le 9 septembre 2021, d'une mesure d'éloignement assortie d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de vingt-quatre mois. M. A... fait appel du jugement du 22 janvier 2024 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision préfectorale du 3 janvier 2023.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
2. Les dispositions législatives et règlementaires du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoient la procédure de dépôt, d'instruction et de délivrance des différents titres autorisant les étrangers à séjourner en France. Ainsi, selon l'article R. 431-10 de ce code : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiants de son état civil / 2° Les documents justifiants de sa nationalité / 3° Les documents justifiants de l'état civil et de la nationalité de son conjoint, de ses enfants et de ses parents lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour pour motif familial / La délivrance du premier récépissé et l'intervention de la décision relative au titre de séjour sollicité sont subordonnées à la production de ces documents / (...) ". L'article R. 431-12 du même code dispose que : " L'étranger admis à souscrire une demande de délivrance ou de renouvellement de titre de séjour se voit remettre un récépissé qui autorise sa présence sur le territoire pour la durée qu'il précise (...) ". Ainsi que le précise l'article L. 431-3 du même code, la délivrance d'un tel récépissé ne préjuge pas de la décision définitive qui sera prise au regard de son droit au séjour. En outre, selon l'article R. 431-11 dudit code : " L'étranger qui sollicite la délivrance d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande les pièces justificatives dont la liste est fixée par arrêté annexé au présent code ", cet arrêté dressant une liste de pièces pour chaque catégorie de titre de séjour.
3. Il résulte de ces dispositions, qui constituent des dispositions spéciales régissant le traitement par l'administration des demandes de titres de séjour, qu'en dehors du cas d'une demande à caractère abusif ou dilatoire, l'autorité administrative chargée d'instruire une demande de titre de séjour ne peut refuser de l'enregistrer, et de délivrer le récépissé y afférent, que si le dossier présenté à l'appui de cette demande est effectivement incomplet. Le refus d'enregistrer une telle demande pour un motif ne relevant pas du caractère incomplet du dossier ou du caractère abusif ou dilatoire de la demande constitue une décision faisant grief susceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir.
4. Pour refuser d'instruire la demande de titre de séjour de M. A..., le préfet de police s'est fondé uniquement sur la circonstance que le requérant a fait l'objet, le 9 septembre 2021, d'une mesure d'éloignement assortie d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de vingt-quatre mois, qu'il n'établit pas avoir exécutées. Toutefois, ce motif, alors qu'aucune disposition du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne subordonne l'examen d'une demande de titre de séjour à la condition de l'exécution préalable, par le demandeur, de la mesure d'éloignement ou, le cas échéant, de l'interdiction de retour sur le territoire français dont il serait éventuellement l'objet, ne pouvait valablement justifier l'impossibilité de poursuivre l'instruction de la demande. Il suit de là que la fin de non-recevoir opposée par le préfet de police, qui n'a relevé aucun motif d'incomplétude de la demande de M. A... ni opposé son caractère abusif ou dilatoire, tirée de ce que la décision attaquée, qui a été analysée par le requérant comme un refus d'enregistrement, est une décision insusceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir dès lors que la demande a été effectivement enregistrée le 6 décembre 2022 sur la plate-forme " demarches-simplifiees.fr " sous le n° 10382224 et que la décision attaquée est en réalité une mesure de classement sans suite, doit être écartée.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
5. Compte tenu de ce qui est jugé au point précédent, le préfet de police a commis, comme le soutient le requérant, une erreur de droit en classant sans suite le dossier de sa demande de titre de séjour faute d'avoir recherché si la demande de titre de séjour était incomplète ou présentait un caractère abusif ou dilatoire.
6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
7. Dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que la demande de titre de séjour de M. A... serait incomplète ou présenterait un caractère abusif ou dilatoire, l'annulation de la décision du 3 janvier 2023 par laquelle le préfet de police a classé sans suite le dossier de sa demande de titre de séjour implique que celle-ci soit examinée. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet de police d'enregistrer la demande de titre de séjour de M. A... et de lui délivrer un récépissé dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et de procéder à son examen en prenant en compte sa situation actuelle. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction de l'astreinte demandée par le requérant.
Sur les frais liés au litige :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2310257/2-2 du Tribunal administratif de Paris du 22 janvier 2024 et la décision du préfet de police du 3 janvier 2023 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police d'enregistrer la demande de titre de séjour de M. A... et de lui délivrer un récépissé dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et de procéder à son examen.
Article 3 : L'État versera à M. A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 18 juin 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Auvray, président de chambre,
- Mme Hamon, présidente-assesseure,
- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2024.
Le rapporteur,
M. DESVIGNE-REPUSSEAULe président,
B. AUVRAY
La greffière,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24PA00371