Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 5 août 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée.
Par un jugement n° 2215807 du 7 décembre 2023, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 10 janvier 2024 et 25 mars 2024, Mme B..., représentée par Me Chartier, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 7 décembre 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 5 août 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) à défaut, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer durant ce réexamen une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 400 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
S'agissant du mémoire en observations de l'Office français de l'immigration et de l'intégration :
- celui-ci est irrecevable dès lors que son auteur n'est pas compétent pour porter une appréciation médicale sur sa situation ni pour rechercher dans la base de données MedCOI les éléments utiles concernant l'accès effectif aux soins dans son pays d'origine ;
S'agissant du jugement attaqué :
- les premiers juges n'ont pas suffisamment motivé leurs réponses aux moyens dirigés contre la décision de refus de titre de séjour et tirés de ce que celle-ci n'est pas motivée et est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
S'agissant de la décision de refus de titre de séjour :
- elle n'est pas motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- elle est entachée de plusieurs vices de procédure dès lors que la commission du titre de séjour n'a pas été saisie préalablement de son cas sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le défaut de production de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ne permet pas de vérifier que le préfet de la Seine-Saint-Denis a effectivement saisi le collège de son cas, ni que cet avis est conforme aux exigences posées par l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'il n'est pas établi que les trois médecins ayant siégé au sein du collège ont été régulièrement désignés par le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, qu'il n'est pas établi que le médecin instructeur n'a pas siégé au sein du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, et qu'il n'est pas établi que les signatures électroniques figurant sur l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ont été régulièrement recueillies ;
- la décision attaquée est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet s'est estimé lié par l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
- elle méconnaît les dispositions des articles L. 423-23, L. 425-9 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions ;
- elle méconnaît les stipulations des article 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ces stipulations ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Par un courrier enregistré le 19 février 2024, Mme B... a, en application des principes dégagés par la décision du Conseil d'État du 28 juillet 2022 n° 441481, donné son accord à la levée du secret médical.
Le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a produit des pièces, enregistrées le 19 février 2024, et présenté des observations, enregistrées le 14 mars 2024.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de ce que les moyens dirigés contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination sont irrecevables dès lors qu'ils ont été soulevés pour la première fois dans le mémoire enregistré à la Cour le 25 mars 2024, soit après l'expiration du délai d'appel.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Desvigne-Repusseau,
- et les observations de Me Chartier, avocate de Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante congolaise (République démocratique du Congo) née en 1978, a sollicité son admission au séjour en France le 29 juillet 2021. Par un arrêté du 5 août 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée. Mme B... fait appel du jugement du 7 décembre 2023 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14 / (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier, notamment de celles produites pour la première fois en appel, que Mme B... justifie d'une résidence habituelle en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté attaqué, en particulier au titre des années 2012 et 2013. Par suite, l'intéressée est fondée à soutenir qu'en application des dispositions précitées de l'article L. 435-1, le préfet de la Seine-Saint-Denis était tenu, avant de statuer sur sa demande tendant à son admission exceptionnelle au séjour, de saisir la commission du titre de séjour mentionnée à l'article L. 432-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, comme le soutient la requérante, le préfet de la Seine-Saint-Denis a entaché la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour d'un vice de procédure. L'illégalité de cette décision entraîne, par voie de conséquence, celle des décisions du même jour par lesquelles le même préfet a obligé Mme B... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée.
4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité du mémoire en observations de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et la régularité du jugement attaqué ni d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
5. D'une part, aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé / (...) ".
6. D'autre part, aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée, (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ".
7. Eu égard au motif d'annulation retenu, et seul susceptible de l'être, le présent arrêt implique seulement que, d'une part, le préfet de la Seine-Saint-Denis procède au réexamen de la situation de Mme B..., après avoir consulté la commission du titre de séjour mentionnée à l'article L. 432-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et prenne une nouvelle décision, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, et que, d'autre part, le même préfet lui délivre sans délai une autorisation provisoire de séjour. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction de l'astreinte demandée par Mme B....
Sur les frais liés au litige :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2215807 du Tribunal administratif de Montreuil du 7 décembre 2023 et l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 5 août 2022 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer la situation de Mme B..., après avoir consulté la commission du titre de séjour mentionnée à l'article L. 432-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de prendre une nouvelle décision dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera à Mme B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Copie en sera adressée au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Délibéré après l'audience du 18 juin 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Auvray, président de chambre,
- Mme Hamon, présidente-assesseure,
- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2024.
Le rapporteur,
M. DESVIGNE-REPUSSEAULe président,
B. AUVRAY
La greffière,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24PA00183