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04/07/2024 | FRANCE | N°23PA05039

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 8ème chambre, 04 juillet 2024, 23PA05039


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 26 avril 2023 par lequel le préfet de police de Paris a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour.



Par jugement n° 2315077/5-3 du 11 octobre 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 7 décembre 2023, M. B..., représenté par Me Dakhli, dem

ande à la cour :



1°) d'annuler le jugement du 11 octobre 2023 du tribunal administratif de Paris ;



2°)...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 26 avril 2023 par lequel le préfet de police de Paris a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour.

Par jugement n° 2315077/5-3 du 11 octobre 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 décembre 2023, M. B..., représenté par Me Dakhli, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 11 octobre 2023 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du 26 avril 2023 du préfet de police de Paris rejetant sa demande de renouvellement de titre de séjour ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de Paris de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué a été pris par une autorité incompétente :

- il est insuffisamment motivé ;

- il procède d'une inexacte application des dispositions des articles L. 432-1 et L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors que les faits retenus par le préfet sont anciens et que sa condamnation n'est pas définitive ;- il méconnaît les stipulations de l'article 10 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 février 2024, le préfet de police de Paris conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Postérieurement à la clôture d'instruction intervenue le 15 mars 2024, le conseil de M. B... a informé la cour que la situation de l'intéressé n'a pas été modifiée, en fait ou en droit, depuis l'intervention de la décision du préfet de police de Paris du 26 avril 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Collet a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant tunisien né le 16 avril 1998, est entré sur le territoire français en 2000 selon ses déclarations. Il s'est vu délivrer, le 30 juin 2016 une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans l'année suivant son dix-huitième anniversaire, en qualité d'étranger résidant en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans, titre renouvelé le 30 juin 2017 pour quatre ans. Le 6 mai 2021, il a sollicité le renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté du 26 avril 2023, le préfet de police de Paris a refusé le renouvellement sollicité, au motif qu'eu égard à la nature des faits délictueux commis par l'intéressé alors qu'il était mineur, sa présence en France constituait une menace pour l'ordre public. Par jugement du 11 octobre 2023, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Il ressort des termes de la décision attaquée que pour refuser le renouvellement du titre de séjour de M. B..., le préfet de police s'est fondé sur la circonstance que celui-ci a été condamné le 11 février 2016 par le tribunal pour enfants à un avertissement solennel pour vol avec arme et vol en réunion, faits commis en 2014, puis le 21 novembre 2022 par le tribunal pour enfants du tribunal judiciaire de Paris à 5 ans d'emprisonnement délictuel, à titre de peine principale, avec exécution provisoire assortie du sursis probatoire partiel à hauteur de 30 mois pour un délai de 2 ans, pour agression sexuelle imposée à un mineur de 15 ans, faits commis en 2016. Il a également relevé qu'après un examen approfondi de sa situation, il n'était pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé à sa vie privée et familiale.

4. Il ressort toutefois des pièces du dossier que M. B..., âgé de 25 ans à la date de la décision attaquée, établit résider de manière habituelle et continue en France depuis au moins l'année 2001, soit depuis plus de 20 ans à la date de l'arrêté attaqué, que sa mère, son frère et sa sœur sont de nationalité française et que son père et sa grand-mère maternelle sont titulaires de cartes de résident pluriannuelles. Il établit que ses grands-parents paternels et que son grand-père maternel sont décédés. Les faits pour lesquels il a été condamné, condamnation dont il a relevé appel, ont été commis respectivement en 2014 et en 2016, ces derniers ayant donné lieu à une incarcération de cinq mois en 2018. Depuis la commission de ces faits, commis neuf et sept ans avant la décision attaquée, et alors qu'il était mineur, il n'a pas été à nouveau connu défavorablement des services de police et a bénéficié de titres de séjour régulièrement délivrés depuis sa majorité. La commission du titre de séjour a rendu, le 4 janvier 2023, un avis favorable au renouvellement de son dernier titre de séjour. Il bénéficie d'un contrat à durée indéterminée depuis le mois de juillet 2021 en qualité d'opérateur de production en produit chimique dans un laboratoire pharmaceutique. Il résulte de l'ensemble de ces circonstances que, compte tenu des attaches familiales en France de l'intéressé, de la durée de son séjour en France, de son jeune âge lorsqu'il y est arrivé, de son insertion professionnelle et de son comportement depuis les faits qui lui ont été reprochés, le préfet de police de Paris a porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par cette mesure de refus de renouvellement de titre de séjour. Dans ces conditions, le préfet de police de Paris en prenant la décision attaquée a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que M. B... peut utilement invoquer eu égard d'une part à la motivation de l'arrêté contesté et, d'autre part, aux effets de cette mesure sur sa situation personnelle.

5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 avril 2023 du préfet de police de Paris.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

6. Eu égard au motif d'annulation retenu ci-dessus et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des éléments de fait ou de droit nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose une nouvelle décision de refus, le présent arrêt implique nécessairement que soit délivré à M. B... le titre de séjour sollicité. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de police de Paris ou à tout préfet territorialement compétent de lui délivrer une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. B... de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2315077/5-3 du 11 octobre 2023 du tribunal administratif de Paris et l'arrêté du préfet de police de Paris du 26 avril 2023 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de Paris ou à tout préfet territorialement compétent de délivrer à M. B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. B... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de police de Paris.

Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Paris.

Délibéré après l'audience du 10 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Menasseyre, présidente,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- Mme Collet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2024.

La rapporteure,

A. Collet La présidente,

A. Menasseyre

La greffière,

N. Couty

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA05039 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA05039
Date de la décision : 04/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: Mme Aude COLLET
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : DAKHLI

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-04;23pa05039 ?
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