Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 26 juillet 2022 par lequel le préfet de police de Paris l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement.
Par jugement n° 2311208/1-2 du 19 septembre 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 19 octobre 2023, M. A..., représenté par Me Boudjellal, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 19 septembre 2023 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du 26 juillet 2022 par lequel le préfet de police de Paris l'a obligé à quitter le territoire français sans délai ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de Paris de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué a méconnu son droit d'être entendu ;
- il est insuffisamment motivé et est entaché d'un défaut d'examen sérieux de sa situation administrative ;
- il méconnaît le 1) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que la menace à l'ordre public n'est nullement caractérisée ;
- il est entaché d'un vice de procédure dès lors qu'il n'a pas été précédé de la saisine des services de la police nationale ou des unités de la gendarmerie nationale compétente pour connaître les suites judiciaires des faits qui lui ont été imputés ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle ;
- la décision refusant un délai de départ volontaire est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 avril 2024, le préfet de police de Paris conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Collet a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant algérien né le 3 septembre 1971, est entré sur le territoire français en 2008 selon ses déclarations. Par arrêté du 26 juillet 2022, le préfet de police de Paris l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement. Par jugement du 19 septembre 2023, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : 1) au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant ". Lorsque la loi prescrit l'attribution de plein droit d'un titre de séjour à un étranger, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français. Ainsi le requérant peut-il utilement faire valoir à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français en litige qu'il satisferait aux conditions posées par les stipulations précitées. Par ailleurs, les stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ne privent pas l'autorité compétente du pouvoir qui lui appartient de refuser à un ressortissant algérien la délivrance du certificat de résidence d'un an lorsque sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public.
3. M. A... a produit, au titre de la période de dix ans précédant l'arrêté en litige, de nombreux documents parmi lesquels figurent notamment de multiples ordonnances de prescriptions médicales, des comptes rendus d'examen ayant nécessité sa présence sur le territoire, des cartes d'admission à l'aide médicale d'Etat pour les années 2013, 2014, 2016, 2017, 2020 à 2022, une attestation de droits à la couverture maladie universelle pour l'année 2018, des bulletins de salaire portant sur l'année 2015, des relevés bancaires faisant apparaître des opérations nécessitant sa présence physique, des avis d'imposition à la taxe d'habitation. Il établit, par les nombreuses pièces diverses et concordantes produites, y compris au titre des années 2014 et 2018, résider habituellement en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté contesté. Par ailleurs, si le préfet de police de Paris fait valoir que le parcours délictuel de l'intéressé fait de lui une menace pour l'ordre public compte tenu des faits de recel de vol pour lesquels il a été interpellé le 26 juillet 2022, il se borne à se prévaloir de cette interpellation et à produire en défense un rapport d'identification dactyloscopique faisant apparaître que M. A... est connu du fichier automatisé des empreintes digitales (FAED) comme étant suspecté d'autres faits de vols ou de recels notamment sous des alias sans faire état d'aucune condamnation pénale prononcée en conséquence à son encontre ni d'aucune précision sur la matérialité des faits qui lui sont reprochés, alors que ces faits n'ont pas été sanctionnés à la date de la décision attaquée et que, comme le précise le document produit, " les motifs de signalisation ne devant pas être considérés comme des antécédents, le présent rapport ne saurait tenir lieu de recherches dans les archives de la police judiciaire ". Il ne peut être, dans ces conditions, être regardé comme établissant que, comme il le soutient, la menace pour l'ordre public que représente la présence sur le territoire de M. A... ferait obstacle à ce que l'intéressé puisse se prévaloir des stipulations citées au point 2. Il suit de là que M. A... est fondé à soutenir qu'il remplissait, à la date de la décision contestée, la condition de résidence en France depuis plus de dix ans posée par les stipulations précitées de l'accord franco-algérien qui font obstacle à ce qu'il fasse l'objet d'une mesure d'éloignement. Par suite, il est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande suite, l'arrêté du préfet de police de Paris lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai et fixant le pays de destination d'une mesure d'éloignement doit être annulé.
4. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 juillet 2022 par lequel le préfet de police de Paris l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Le présent arrêt, qui annule l'arrêté du préfet de police de Paris faisant obligation de quitter le territoire français sans délai à M. A..., implique qu'il soit enjoint au préfet de police de Paris ou à tout préfet territorialement compétent de réexaminer la situation de M. A... et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour.
Sur les frais d'instance :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme demandée de 1 000 euros à M. A... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du 19 septembre 2023 du tribunal administratif de Paris et l'arrêté du 26 juillet 2022 du préfet de police de Paris portant obligation de quitter le territoire sans délai sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de Paris ou à tout préfet territorialement compétent de réexaminer la situation de M. A... et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente.
Article 3 : L'Etat versera à M. A... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de police de Paris.
Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Paris.
Délibéré après l'audience du 10 juin 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Menasseyre, présidente,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- Mme Collet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2024.
La rapporteure,
A. Collet La présidente,
A. Menasseyre
La greffière,
N. Couty
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23PA04398 2