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04/07/2024 | FRANCE | N°23PA02902

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 8ème chambre, 04 juillet 2024, 23PA02902


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 26 octobre 2022 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.



Par jugement n° 2215910 du 9 mai 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal a

dministratif de Montreuil a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une re...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 26 octobre 2022 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par jugement n° 2215910 du 9 mai 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces complémentaires enregistrées le 30 juin et le 4 juillet 2023 et le 7 juin 2024, ces dernières n'ayant pas été communiquées, M. B..., représenté par Me Vitel, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2215910 du 9 mai 2023 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler l'arrêté du 26 octobre 2022 du préfet des Hauts-de-Seine ;

3°) d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard et de lui délivrer, dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de procéder à l'effacement de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle est entachée d'erreurs de fait ;

- elle a été prise en méconnaissance du principe du contradictoire ainsi que de son droit à être entendu tels que garantis par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- elle méconnaît les articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- le préfet s'est estimé à tort en situation de compétence liée ;

- la décision contestée méconnaît les articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- elle est illégale en raison de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français et refus d'octroi d'un délai de départ volontaire ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle méconnaît l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- elle méconnaît l'article R. 613-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

-elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 septembre 2023, le préfet des Hauts-de-Seine conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 17 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Collet ;

- et les observations de Me De Grazia, avocate de M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant tunisien né le 26 avril 1979 et entré en France le 28 janvier 2018 muni d'un visa de type C valable du 18 janvier au 18 mars 2018 a été interpellé le 26 octobre 2022 démuni de tout document l'autorisant à circuler ou à séjourner en France. Par un arrêté du 26 octobre 2022, le préfet des Hauts-de-Seine l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Par un jugement du 9 mai 2023, dont M. B... relève appel, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, la décision en litige vise notamment la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en particulier ses articles 3 et 8 ainsi que les dispositions du 2° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En particulier, la décision mentionne que M. B..., de nationalité tunisienne et qui a déclaré être entré régulièrement sur le territoire français en 2018 muni d'un visa sans en apporter la preuve, a dépassé la durée de validité de son visa ainsi que la durée du séjour autorisée. La décision précise également que l'intéressé se déclare marié avec quatre enfants à charge et relève que les membres de la famille étant en situation irrégulière, rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale se recompose à l'étranger. Enfin, la décision mentionne que ses liens personnels et familiaux en France ne pouvant être regardés comme suffisamment anciens, intenses et stables, il n'était pas porté, dans ces circonstances, une atteinte disproportionnée aux droits, à la situation personnelle et à la vie familiale de M. B..., qui n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans le pays dont il est ressortissant. Dans ces conditions, et alors que le préfet n'était pas tenu de reprendre l'ensemble des éléments relatifs à la situation personnelle de M. B..., ni de viser la convention internationale relative aux droits de l'enfant, la décision en litige comporte l'énoncé suffisant des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision contestée doit être écarté.

3. En deuxième lieu, il ne ressort ni des pièces du dossier ni des termes de la décision contestée que le préfet des Hauts-de-Seine n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. B... avant de l'obliger à quitter le territoire français.

4. En troisième lieu, M. B... reprend en appel le moyen développé en première instance tiré de ce que la décision en litige aurait été prise en méconnaissance du principe du contradictoire ainsi que de son droit à être entendu tels que garantis par les dispositions de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Cependant l'intéressé, en se bornant à faire état de ce que certaines des informations portées à la connaissance de l'administration lors de son audition du 23 octobre 2022 auraient été omises ou de ce qu'elles n'auraient pas été correctement reprises dans la décision en litige, ne développe au soutien de ce moyen aucun argument de droit ou de fait pertinent de nature à remettre en cause l'analyse et la motivation retenues par le tribunal administratif. Il y a lieu, dès lors, d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge au point 5 du jugement attaqué.

5. En quatrième lieu, M. B... soutient qu'il doit être regardé comme ayant sollicité son admission exceptionnelle au séjour et comme disposant d'un droit provisoire à se maintenir sur le territoire français dès lors que seule l'impossibilité d'obtenir un rendez-vous en préfecture a fait obstacle au dépôt de sa demande de titre de séjour. Si M. B... établit, par la production de nombreuses captures d'écran et de courriels adressés par son conseil à la sous-préfecture du Raincy, qu'il n'a pu être mis à même de déposer sa demande de titre de séjour, il ressort toutefois de ces mêmes pièces que l'intéressé n'a entrepris ses démarches qu'à compter du mois d'octobre 2021 alors qu'il est entré en France le 28 janvier 2018 muni d'un visa de type C valable du 18 janvier au 18 mars 2018 . En tout état de cause, les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers ne prescrivent pas la délivrance de plein droit d'un titre de séjour susceptible de faire échec à une mesure d'éloignement. Dans ces conditions, cette circonstance ne faisait pas obstacle à ce que le préfet des Hauts-de-Seine prononce à son encontre une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des dispositions du 2° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

6. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ". De même, aux termes de l'article de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

7. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré en France le 28 janvier 2018 sous couvert d'un visa court séjour valable jusqu'au 18 mars 2018, en compagnie de son épouse ainsi que de ses trois enfants, C..., né le 28 août 2003, Wajih, né le 17 novembre 2008 et Chahinez née le 29 décembre 2010, et que l'ensemble des membres de la famille réside habituellement sur le territoire français depuis cette date. M. B... fait valoir qu'il justifie de liens personnels stables et forts dans la société française dès lors que ses trois enfants sont scolarisés en France, que son quatrième enfant est né sur le territoire français et que son frère ainsi que la sœur de son épouse résident régulièrement sur le territoire français sous couvert d'une carte de résident. Toutefois, il est constant que l'intéressé, qui n'établit pas qu'il entretiendrait des liens particuliers avec son frère ou sa belle-sœur, est entré en France à l'âge de 39 ans et que la famille, à l'exception de la petite Layen, née le 19 février 2020 à Paris, a vécu la majeure partie de sa vie en Tunisie, pays dont tous les membres ont la nationalité. En outre, l'intéressé ne peut utilement se prévaloir de ce que ce que son premier fils, C..., au demeurant majeur à la date de la décision en litige, aurait obtenu un titre de séjour " étudiant " le 2 décembre 2022 ni que ses trois autres enfants pourraient solliciter, s'agissant de Wajih et Chahinez, un titre de séjour à l'âge de 16 ans, sur le fondement de l'article 7 ter de l'accord-franco-tunisien ou, s'agissant de Layen, la nationalité française dès l'âge de 13 ans, dès lors que ces éléments, au demeurant hypothétiques pour les trois plus jeunes enfants, sont postérieurs à l'édiction de la décision en litige. De même, M. B... n'est pas davantage fondé à se prévaloir de ce que son épouse serait titulaire d'une autorisation provisoire de séjour pour avoir déposé une demande de titre de séjour dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que cette demande n'a été enregistrée que postérieurement à l'édiction de la décision contestée. Enfin, si M. B... fait valoir qu'il justifie d'une intégration professionnelle dans la société française dès lors qu'il bénéficie depuis le 1er janvier 2021 d'un contrat à durée indéterminée en qualité d'ouvrier polyvalent dans le bâtiment, toutefois cette expérience professionnelle reste relativement récente à la date de la décision contestée. Dans ces conditions, eu égard aux conditions de séjour de l'ensemble des membres de la famille, compte tenu du caractère relativement récent de l'insertion professionnelle de l'intéressé et dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la vie familiale et la scolarisation des enfants ne pourraient se poursuivre en Tunisie, le préfet des Hauts-de-Seine, en obligeant M. B... à quitter le territoire français n'a pas porté, eu égard aux objectifs poursuivis par cette mesure, une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

8. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Ces stipulations sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

9. D'une part, M. B... ne peut utilement se prévaloir de ce que la décision en litige méconnaîtrait l'intérêt supérieur de son premier fils, C..., celui-ci étant majeur à la date de la décision en litige. D'autre part, ainsi qu'il a été dit au point 6, il ne ressort pas des pièces du dossier que Wajih et Chahinez, respectivement inscrits en classe de 4ème et en classe de 6ème à la date de la décision en litige, ne pourraient poursuivre leur scolarité en Tunisie, pays dans lequel Wajih a par ailleurs effectué la majeure partie de sa scolarité. Dans ces conditions, et alors que la décision contestée n'a pas pour effet de séparer la cellule familiale, tous les membres de la famille ayant la nationalité tunisienne, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

10. En sixième lieu, M. B... soutient que c'est à tort que le préfet des Hauts-de-Seine a considéré que l'ensemble des membres de la famille était en situation irrégulière. Toutefois, ainsi qu'il a été dit aux points 5 et 7, ni M. B..., ni son épouse et leurs trois plus jeunes enfants ne pouvaient être regardés comme étant en situation régulière sur le territoire français. En outre, la circonstance que son premier fils, C..., bénéficiait à la date de la décision en litige, d'un récépissé de demande de séjour ne permet pas davantage de le regarder comme étant en situation régulière sur le territoire français dès lors que ce document n'octroie à son bénéficiaire le droit de se maintenir sur le territoire français que pendant la durée de l'instruction de la demande. Enfin, il ressort des termes de la décision contestée que, contrairement à ce que soutient l'intéressé, le préfet des Hauts-de-Seine ne lui a pas opposé la circonstance qu'il était entré en France démuni de tout visa en cours de validité mais a seulement considéré que l'intéressé n'établissait pas, à l'occasion de son interpellation, la preuve de l'entrée régulière dont il se prévalait. Par suite le moyen tiré de ce que la décision contestée serait entachée d'erreurs de fait doit être écarté.

11. En septième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 5, 7, 9 et 10, le préfet des Hauts-de-Seine, en obligeant M. B... à quitter le territoire français, n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.

Sur la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

12. En premier lieu, les moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ayant été écartés, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision, invoqué à l'appui des conclusions de M. B... dirigées contre la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, ne peut qu'être écarté par voie de conséquence.

13. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 613-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les décisions relatives au refus et à la fin du délai de départ volontaire prévues aux articles L. 612-2 et L. 612-5 (...) sont distinctes de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Elles sont motivées. ".

14. La décision en litige vise les articles L. 612-2, L. 612-3 et L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle mentionne que l'autorité administrative peut décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français s'il existe un risque qu'il se soustraie à cette obligation, que M. B... ne justifie d'aucune circonstance particulière pour s'être maintenu irrégulièrement sur le territoire français, qu'il n'a jamais sollicité la délivrance d'un titre de séjour et qu'il a explicitement déclaré lors de son audition par les services de police qu'il n'envisageait pas un retour dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le préfet des Hauts-de-Seine a suffisamment énoncé les considérations de droit et de fait fondant sa décision refusant d'accorder au requérant un délai de départ volontaire. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision en litige doit être écarté.

15. En troisième lieu, il ne ressort ni des pièces du dossier, ni des termes de la décision contestée que le préfet des Hauts-de-Seine n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. B... avant de lui refuser l'octroi d'un délai de départ volontaire.

16. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) / 2° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa (...) sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / (...) 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; (...) / 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5. ".

17. Il ressort des termes de la décision en litige que pour refuser à M. B... l'octroi d'un délai de départ volontaire, le préfet des Hauts-de-Seine a estimé qu'il existait un risque que l'intéressé se soustraie à l'exécution de la décision portant obligation de quitter le territoire français dès lors qu'il s'était maintenu au-delà de la durée de validité de son visa sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour et qu'il avait explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à cette décision. Si M. B... soutient qu'il dispose d'un passeport en cours de validité et d'une résidence stable, de sorte que le risque défini au 3° de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas établi, toutefois, le préfet des Hauts-de-Seine pouvait, pour les seuls motifs prévus aux 2° et 4° de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lui refuser l'octroi d'un délai de départ volontaire. Par suite, et alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet des Hauts-de-Seine se serait estimé à tort en situation de compétence liée, le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

Sur la décision fixant le pays de destination :

18. En premier lieu, les moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ayant été écartés, le moyen tiré, par voie d'exception de l'illégalité de cette décision, invoqué à l'appui des conclusions de M. B... dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi, ne peut qu'être écarté par voie de conséquence.

19. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

20. En troisième lieu, eu égard à la situation personnelle de l'intéressé telle que rappelée au point 7, le préfet des Hauts-de-Seine, en fixant la Tunisie comme pays de destination de la mesure d'éloignement, n'a pas commis une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de M. B....

Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an :

21. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 (...), l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

22. En premier lieu, les moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ayant été écartés, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision, invoqué à l'appui des conclusions de M. B... dirigées contre la décision prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, ne peut qu'être écarté par voie de conséquence.

23. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 613-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les (...) décisions d'interdiction de retour (...) prévues aux articles L. 612-6 (...) sont distinctes de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Elles sont motivées ".

24. Il ressort des termes mêmes des dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.

25. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

26. La décision prononçant à l'encontre de M. B... une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en particulier ses articles 3 et 8 ainsi que le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment son article L. 612-6. Il ressort également des termes de cette décision que le préfet des Hauts-de-Seine a, pour fixer la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français, relevé que l'intéressé ne justifiait d'aucune circonstance humanitaire particulière, que s'il faisait valoir sa présence en France depuis 2019, sa situation familiale ne faisait pas état de fortes attaches sur le territoire et que, compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, la durée de l'interdiction de retour d'un an ne portait pas une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au regard de sa vie privée et familiale. Dans ces conditions, la décision comporte l'énoncé suffisant des considérations de droit et de fait qui en constitue le fondement. Par suite le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté.

27. En troisième lieu, il ne ressort ni des pièces du dossier ni des termes de la décision contestée que le préfet des Hauts-de-Seine n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. B... avant de prononcer à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

28. En quatrième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4, le moyen tiré de ce que la décision en litige aurait été prise en méconnaissance du principe du contradictoire ainsi que de son droit à être entendu tels que garantis par les dispositions de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne doit être écarté.

29. En cinquième lieu, il ressort du point 17 du présent arrêt que le préfet des Hauts-de-Seine pouvait légalement refuser d'accorder à M. B... un délai de départ volontaire. Il s'ensuit qu'en application des dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet pouvait assortir sa décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. En outre, compte tenu de la durée de présence de l'intéressé sur le territoire français, des conditions de son séjour et de la nature de ses liens personnels dans la société française tels que rappelés au point 7, et même si le comportement de M. B... n'était pas constitutif d'une menace à l'ordre public, en fixant à une année la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français, le préfet n'a pas fait une inexacte application de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.

30. En sixième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

31. En septième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 9, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

32. En huitième lieu, aux termes de l'article R. 613-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel est notifiée une interdiction de retour sur le territoire français est informé du caractère exécutoire de cette décision et de ce que la durée pendant laquelle il lui est interdit de revenir sur le territoire commence à courir à la date à laquelle il satisfait à son obligation de quitter le territoire français. Il est également informé des conditions d'exécution de la décision portant obligation de quitter le territoire français mentionnées à l'article R. 711-1, ainsi que des conditions dans lesquelles il peut justifier de sa sortie du territoire français conformément aux dispositions de l'article R. 711-2. ".

33. Il résulte des dispositions de l'article R. 613-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'elles définissent les informations, figurant notamment aux articles R. 711-1 et R. 711-2 du même code, devant être communiquées à un étranger faisant l'objet d'une interdiction de retour sur le territoire français, postérieurement au prononcé de cette interdiction. Dès lors, ces dispositions, qui sont relatives aux conditions d'exécution de l'interdiction, sont sans incidence sur sa légalité et ne peuvent être utilement invoquées au soutien de conclusions tendant à son annulation. Il s'ensuit que M. B... ne peut utilement soutenir que la décision contestée serait illégale faute pour l'administration de lui avoir délivré les informations prévues par l'article R. 613-6 du code de l'entrée.

34. En neuvième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 29, 30, 31 et 33, le moyen tiré de ce que le préfet des Hauts-de-Seine, en prononçant à l'encontre de M. B... une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle doit être écarté.

35. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 octobre 2022. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Il appartiendra, toutefois, au préfet compétent avant, le cas échéant, de mettre à exécution la mesure d'éloignement de reconsidérer l'ensemble de la situation familiale de M. B... et notamment les circonstances, postérieures à cet arrêté, tenant à la délivrance d'un titre de séjour temporaire à son épouse et à leur fils aîné.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie du présent arrêt sera adressée au préfet des Hauts-de-Seine.

Délibéré après l'audience du 10 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Menasseyre, présidente,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- Mme Collet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2024.

La rapporteure,

A. Collet La présidente,

A. Menasseyre

La greffière,

N. Couty

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA02902


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA02902
Date de la décision : 04/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: Mme Aude COLLET
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : SELARL AEQUAE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-04;23pa02902 ?
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