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04/07/2024 | FRANCE | N°23PA02790

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 8ème chambre, 04 juillet 2024, 23PA02790


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 23 juin et 22 novembre 2023, la société à responsabilité (SARL) Média Bonheur, représentée par le cabinet François Pinet, demande à la cour :



1°) d'annuler la décision du 29 mars 2023 par laquelle l'autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) a autorisé la société RFM Entreprises à exploiter, dans la zone de Rennes, le service de radio de catégorie D dénommé RFM ;



2°) d'annuler la décision du 29 mars 202

3 par laquelle l'ARCOM a autorisé la société Sodera à exploiter, dans la zone de Rennes, le service de r...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 23 juin et 22 novembre 2023, la société à responsabilité (SARL) Média Bonheur, représentée par le cabinet François Pinet, demande à la cour :

1°) d'annuler la décision du 29 mars 2023 par laquelle l'autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) a autorisé la société RFM Entreprises à exploiter, dans la zone de Rennes, le service de radio de catégorie D dénommé RFM ;

2°) d'annuler la décision du 29 mars 2023 par laquelle l'ARCOM a autorisé la société Sodera à exploiter, dans la zone de Rennes, le service de radio de catégorie D dénommé RTL2 ;

3°) d'annuler la décision du 29 mars 2023 par laquelle l'ARCOM a rejeté sa candidature en vue d'exploiter, dans la zone de Rennes, un service de radio de catégorie B dénommé A... Bonheur ;

4°) d'enjoindre à l'ARCOM de réexaminer sa candidature dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'ARCOM le versement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les décisions attaquées méconnaissent les dispositions de l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986 dès lors qu'elles ne respectent pas l'impératif prioritaire tenant à l'intérêt de chaque projet pour le public au regard de la nécessité de sauvegarder le pluralisme des courants d'expression socioculturels et de diversification des opérateurs ;

- elles sont entachées d'une erreur d'appréciation dès lors que la singularité du programme chansons françaises et accordéon dédié aux seniors de A... Bonheur et sa grande popularité dans sa zone de diffusion sont davantage susceptibles de répondre à l'intérêt du public et l'impératif prioritaire de la sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socio-culturels dans la zone de Nantes que les programmes de RFM et de RTL 2, dont le genre musical pop-rock est déjà très fortement représenté dans la zone de Rennes ;

- elles sont entachées d'une erreur de droit dès lors que l'ARCOM ne pouvait sélectionner RFM et RTL 2 au motif que la disparition de ces services, qui bénéficient d'une expérience dans la zone, serait de nature à mécontenter l'auditoire de la zone ;

- elles entraînent une surreprésentation dans la zone de Rennes des services de catégorie D ;

- elles méconnaissent le principe de diversité des opérateurs et l'impératif prioritaire d'éviter les abus de position dominante et les pratiques entravant le libre exercice de la concurrence.

Par des mémoires en défense enregistrés les 27 septembre et 21 décembre 2023, l'ARCOM conclut au rejet de la requête de la société Média Bonheur.

Elle soutient que les moyens soulevés par la société Média Bonheur ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 novembre 2023, la société RFM entreprises, représentée par la société Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, Rameix, conclut au rejet de la requête et à ce que le versement de la somme de 3 500 euros soit mis à la charge de la société Média Bonheur au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la société Média Bonheur ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 janvier 2024, la société Sodera, représentée par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Média Bonheur au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la société Média Bonheur ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vrignon-Villalba,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,

- et les observations de Me Pinet pour la société Média Bonheur, de Me Poupot pour la société RFM Entreprises et de Me Weigel pour la société Sodera.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision n° 2021-1195 du 24 novembre 2021, modifiée par la décision n° 2022-177 du 23 mars 2022, le conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), devenu Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM), a lancé, sur le fondement des dispositions de l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986, un appel à candidatures pour l'exploitation de services de radio par voie hertzienne terrestre en modulation de fréquence à temps complet dans le ressort du comité territorial de l'audiovisuel de Rennes. La société Média Bonheur a présenté sa candidature en vue d'exploiter un service de radio de catégorie B dénommé A... Bonheur dans la zone de Rennes. Par une décision du 29 mars 2023, notifiée le 23 mai 2023, l'ARCOM a rejeté la candidature de la société Média Bonheur. Par deux décisions n° 2023-388 et n° 2023-390 du 29 mars 2023, publiées au journal officiel de la République française du 25 avril 2023, l'ARCOM a autorisé la société RFM Entreprises et la société Sodera à exploiter, dans la zone de Rennes, respectivement, le service de radio de catégorie D dénommé RFM et le service de radio de catégorie D dénommé RTL2. La société Média Bonheur demande l'annulation de ces trois décisions.

Sur la légalité des décisions attaquées :

2. L'article 29 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication prévoit que l'usage des fréquences pour la diffusion de services de radio par voie hertzienne terrestre est autorisé par le conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), devenu l'ARCOM le 1er janvier 2022, dans les conditions prévues par cet article et que, pour les zones géographiques et les catégories de services qu'il a préalablement déterminées, le CSA publie une liste de fréquences disponibles ainsi qu'un appel à candidatures. Aux termes de ce même article, dans sa rédaction issue de la loi du 25 octobre 2021 relative à la régulation et à la protection de l'accès aux œuvres culturelles à l'ère numérique : " L'autorité accorde les autorisations en appréciant l'intérêt de chaque projet pour le public, au regard des impératifs prioritaires que sont la sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socio-culturels, la diversification des opérateurs, et la nécessité d'éviter les abus de position dominante ainsi que les pratiques entravant le libre exercice de la concurrence. / Elle tient également compte : 1° De l'expérience acquise par le candidat dans les activités de communication ; / 2° Du financement et des perspectives d'exploitation du service notamment en fonction des possibilités de partage des ressources publicitaires entre les entreprises de presse écrite et les services de communication audiovisuelle ; /3° Des participations, directes ou indirectes, détenues par le candidat dans le capital d'une ou plusieurs régies publicitaires ou dans le capital d'une ou plusieurs entreprises éditrices de publications de presse ; / 4° Pour les services dont les programmes comportent des émissions d'information politique et générale, des dispositions envisagées en vue de garantir le caractère pluraliste de l'expression des courants de pensée et d'opinion, l'honnêteté de l'information et son indépendance à l'égard des intérêts économiques des actionnaires, en particulier lorsque ceux-ci sont titulaires de marchés publics ou de délégations de service public ; / 5° De la contribution à la production de programmes réalisés localement ; / (...) / L'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique veille, sur l'ensemble du territoire, à ce qu'une part suffisante des ressources en fréquences soit attribuée aux services édités par une association et accomplissant une mission de communication sociale de proximité, entendue comme le fait de favoriser les échanges entre les groupes sociaux et culturels, l'expression des différents courants socio-culturels, le soutien au développement local, la protection de l'environnement ou la lutte contre l'exclusion. / L'autorité veille également au juste équilibre entre les réseaux nationaux de radiodiffusion, d'une part, et les services locaux, régionaux et thématiques indépendants, d'autre part. / Elle s'assure que le public bénéficie de services dont les programmes contribuent à l'information politique et générale. (...) ".

3. Par deux communiqués n° 34 du 29 août 1989 et n° 281 du 10 novembre 1994, le conseil supérieur de l'audiovisuel, faisant usage de la compétence qui lui a été conférée par l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, a déterminé cinq catégories de services en vue de l'appel à candidature pour l'exploitation de services de radiodiffusion sonore par voie hertzienne terrestre. Ces cinq catégories sont ainsi définies : services associatifs éligibles au fonds de soutien, mentionnés à l'article 80 (catégorie A), services locaux ou régionaux indépendants ne diffusant pas de programme national identifié (catégorie B), services locaux ou régionaux diffusant le programme d'un réseau thématique à vocation nationale (catégorie C), services thématiques à vocation nationale (catégorie D), et services généralistes à vocation nationale (catégorie E).

4. Il ressort des pièces du dossier, notamment de l'extrait du procès-verbal du collège plénier du 29 mars 2023, que dans la zone de Rennes étaient autorisés, avant l'appel à candidatures du 2 décembre 2021, les services C'LAB en catégorie A, les services Fun A..., M A..., Nostalgie et A... classique en catégorie D, ainsi que les radios du service public France Bleu Armorique, France Culture, France Info, France Inter, France Musique et Mouv'. Dix-huit fréquences étaient disponibles dans cette zone et trente candidatures ont été considérées comme recevables. A l'issue de l'appel à candidatures, l'ARCOM a retenu les candidatures des services Canal B, A... Rennes et RCF Alpha en catégorie A, Beau soleil programme Alouette, Hit Ouest et A... Caroline en catégorie B, Chérie FM Rennes, NRJ Rennes et Europe 2 Ouest en catégorie C, BFM Business, A... FG, RFM, Rire et chansons, RTL2 et Skyrock en catégorie D et Europe 1, RMC et RTL en catégorie E.

5. Pour rejeter la candidature de la société A... Bonheur et retenir celles des sociétés RFM Entreprise et Sodera, l'ARCOM a estimé que, dès lors que sa programmation musicale, consacrée aux titres de variété " gold " complétée par de l'accordéon le week-end, à destination d'un public senior, s'avérait déjà au moins en partie représentée par celle de M A..., Nostalgie et, dans une moindre mesure, par celle de France Bleu Armorique, services autorisés dans la zone avant l'appel, le service A... Bonheur était ainsi susceptible de contribuer dans une moindre mesure à la sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socio-culturels et de répondre dans une moindre mesure à l'intérêt du public de la zone que les services radio retenus, qui proposaient une programmation musicale plus diversifiée et susceptible d'attirer un public plus large et de compléter ainsi utilement l'offre radiophonique dans la zone, et au surplus, que la disparition des services RFM et RTL 2, préalablement autorisés et bénéficiant d'une expérience importante, serait de nature à mécontenter l'auditoire de la zone de Rennes.

En ce qui concerne l'intérêt du public et l'impératif prioritaire de la sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socio-culturels :

6. D'une part, la société Média Bonheur France soutient que sa présence dans la zone de Rennes est justifiée par le fait que le nombre de seniors y est en forte progression, alors que les autres radios ne ciblent pas spécifiquement cette catégorie de la population. Elle se prévaut de la spécificité de son public senior, avec des auditeurs très âgés, de la singularité de sa programmation, d'une plus grande diversité de chansons que RFM et RTL2 et de la diffusion d'artistes, notamment d'artistes locaux, non diffusés par les autres radios françaises. Toutefois, d'une part, à supposer même que le contenu de la programmation de A... Bonheur, axée sur la variété avec une place importante à la diffusion de titres gold et complétée par de l'accordéon à raison de trois à quatre titres par heure, corresponde aux souhaits de cet auditorat cible âgé de plus de soixante ans, les dispositions précitées de l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986 n'impliquent cependant pas qu'une autorisation soit nécessairement accordée à un service visant exclusivement ce public. Il ressort des pièces du dossier que plusieurs radios déjà autorisées dans cette zone, et dont la programmation musicale vise un public adulte et senior, sont susceptibles d'intéresser les seniors, à savoir notamment Nostalgie, qui propose un programme musical axé sur la variété comportant, selon l'extrait du baromètre Yacast produit par l'ARCOM, 95 % de titres gold des années 1960 à 1980, 49 % de titres francophones et 43 % de titres français, ayant pour cible les seniors et les adultes et qui a un auditoire, selon les chiffres de l'enquête Médiamétrie, composé en moyenne de 73,3 % de personnes âgées de 50 ans et plus sur les périodes de septembre 2017 à juin 2018, de septembre 2018 à juin 2019 et de septembre 2019 à juin 2020 et de 41,8 % d'auditeurs de plus de soixante ans sur la dernière période. France Bleu Armorique était également présente dans la zone avant l'appel à candidatures et propose une programmation musicale composée de 43 % de variété française et de 10 % de variété internationale, et accorde une place significative aux titres gold (61 %). Parmi les titres gold diffusés, 20 % relèvent de la décennie 1980 et 14 % des décennies antérieures. Par ailleurs, M A... propose une programmation axée majoritairement sur la variété et complétée par du pop-rock, et composée de 50 à 60 % de titres " gold " des décennies 1980 à 2010 et de 10 à 20 % de nouveautés. D'après le baromètre de la société Yacast, son répertoire est 100 % francophone et composé de 85 % de variété française et de 12 % de pop-rock. Les décisions contestées ont en outre conduit à retenir des services s'adressant aussi bien aux seniors qu'à d'autres tranches d'âge. Ainsi, le service Chérie FM Rennes, autorisé dans la zone à l'issue de l'appel, diffuse en complément de son programme d'intérêt local le programme musical du service de catégorie D Chérie FM. Sa programmation musicale est axée sur la variété, principalement française, et accorde une place importante à la diffusion de titres gold des années 1980 à 2010 (entre 50 et 60 %).

7. D'autre part, la société Média Bonheur France soutient que la programmation proposée par les sociétés RFM Entreprises et Sodera vient compléter une offre musicale " pop-rock " déjà fortement représentée dans la zone, avec les radios Beau Soleil programme Alouette, Hit West, A... Caroline, NRJ Rennes, Europe 2 Ouest, Rire et Chansons et Skyrock. Il ressort toutefois des pièces du dossier que les services locaux Beau soleil programme, Alouette, Hit West et A... Caroline ont été choisis en raison de leur programmation généraliste de proximité, que les services Europe 2 Ouest et NRJ Rennes ont été retenus en raison de la diversité des genres musicaux proposés outre le pop-rock, et, s'agissant de Europe 2 Ouest, en raison des programmes d'intérêt local composés de différentes chroniques locales, notamment d'informations culturelles, sportives et de loisirs. En outre, si la programmation musicale de Rire et Chansons est principalement axée sur le pop-rock, elle est proposée en alternance avec des séquences humoristiques. Enfin, s'agissant de Skyrock, la programmation est axée sur les musiques urbaines, principalement le rap et dans une moindre mesure le groove/R'n'B, genre dont l'ARCOM soutient sans être contredite qu'il est peu représenté dans la zone alors qu'il suscite un vif intérêt du jeune public.

8. De troisième part, pour apprécier l'intérêt de chaque projet pour le public, l'ARCOM pouvait, sans commettre d'erreur de droit, également tenir compte de l'expérience acquise dans la zone par les différents candidats et, en particulier, en l'espèce, de la circonstance que la disparition des services RFM et RTL2, qui bénéficient d'une expérience et d'un auditoire important dans la zone de Rennes, serait de nature à mécontenter les auditeurs de la zone.

9. Enfin, eu égard à ce qui a été dit précédemment, la seule circonstance que A... Bonheur détient des parts d'audience importantes dans les Côtes d'Armor, et plus généralement en Bretagne, dans les départements limitrophes et par internet, ne suffit pas pour démontrer que, dans la zone de Rennes, elle répondrait davantage aux attentes du public que les radios RFM et RTL 2 retenues par l'ARCOM, qui bénéficient dans cette zone de durées d'écoute et de parts d'audience significatives.

10. Dans ces conditions, en rejetant la candidature de la société Média Bonheur et en retenant les candidatures de la société RFM Entreprises et de la société Sodera pour le service RTL 2, au motif que ces services étaient davantage susceptibles de compléter utilement l'offre radiophonique que celle de la société Média Bonheur, l'ARCOM n'a pas entaché ses décisions d'erreur d'appréciation.

En ce qui concerne la répartition des services radios entre les différentes catégories de services :

11. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'issue de l'appel à candidatures, la zone de Rennes compte au total quatre radios en catégorie A, trois radios en catégorie B, trois radios en catégorie C, dix radios en catégorie D et trois radios en catégorie E. La société requérante soutient que l'ARCOM a privilégié les radios en catégorie D au détriment des autres catégories et que ce " déséquilibre " porte atteinte au pluralisme des courants d'expression socio-culturels. Toutefois, la seule circonstance qu'il existe un nombre plus élevé de radios en catégorie D que dans les autres catégories est insuffisante pour établir l'existence d'une atteinte au pluralisme des courants d'expression socio-culturels, alors au demeurant que la catégorie D regroupe, ainsi qu'il a déjà été dit, les services de radio thématiques à vocation nationale, généralement musicales. En outre, la zone de Rennes comptant dix services radio en catégories A, B et C pour treize services radio en catégories D et E, l'ARCOM n'a pas méconnu le juste équilibre entre les réseaux nationaux de radiodiffusion, d'une part, et les services locaux, régionaux et thématiques indépendants, d'autre part.

En ce qui concerne l'impératif prioritaire de diversification des opérateurs et la nécessité d'éviter les abus de position dominante :

12. Il appartient à l'ARCOM, lorsqu'elle statue sur l'attribution des autorisations d'exploiter des services radiophoniques, d'apprécier l'intérêt de chaque projet pour le public au regard de l'impératif de la sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socioculturels. Lorsque ces projets présentent un intérêt équivalent pour le public, elle peut se déterminer en prenant en compte la nécessité d'assurer la diversification des opérateurs.

13. La société Média Bonheur soutient que l'ARCOM a méconnu l'impératif prioritaire de diversification des opérateurs et la nécessité d'éviter les abus de position dominante, eu égard au fait que les groupes Lagardère Active, M6 et NRJ Group bénéficient de plus de fréquences que les autres opérateurs. Toutefois, et en tout état de cause, eu égard à ce qui a été dit aux points 6 à 11, en l'absence d'intérêt équivalent pour le public, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'ARCOM aurait dû se déterminer en prenant en compte la nécessité d'assurer la diversification des opérateurs. En tout état de cause, il ressort des pièces du dossier qu'avant l'appel à candidatures, le groupe Lagardère ne disposait d'aucune fréquence dans la zone, alors que le groupe M6 disposait d'une fréquence. Après attribution des fréquences les groupes Lagardère et M6 disposaient chacun de trois fréquences. La circonstance que les groupes Lagardère et M6 disposent à eux deux de six des vingt-trois fréquences de la zone de Rennes, n'est pas, à elle seule, de nature à établir que l'ARCOM aurait méconnu l'impératif de diversification des opérateurs. Il en résulte que ce moyen doit être écarté.

14. Il résulte de tout ce qui précède que la société Média Bonheur n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision de l'ARCOM du 29 mars 2023 rejetant sa candidature en vue d'exploiter le service de radio A... Bonheur dans la zone de Rennes, ni des décisions du même jour par lesquelles l'ARCOM a retenu les candidatures de la société RFM Entreprises et de la société Sodera.

Sur les frais liés à l'instance :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'ARCOM, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société Média Bonheur demande au titre des frais liés à l'instance.

16. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Média Bonheur le versement à la société RFM Entreprises et à la société Sodera, chacune, de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Média Bonheur est rejetée.

Article 2 : La société Média Bonheur versera à la société RFM Entreprise et à la société Sodera, chacune, la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Média Bonheur, à l'autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, à la SAS RFM Entreprises et à la SA Sodera.

Délibéré après l'audience du 10 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Menasseyre, présidente de chambre,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente-assesseure,

- Mme Collet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la cour, le 4 juillet 2024.

La rapporteure,

C. Vrignon-VillalbaLa présidente,

A. Menasseyre

La greffière

N. Couty

La République mande et ordonne à la ministre de la culture en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA02790


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA02790
Date de la décision : 04/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: Mme Cécile VRIGNON-VILLALBA
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN & THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-04;23pa02790 ?
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