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04/07/2024 | FRANCE | N°23PA02644

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 8ème chambre, 04 juillet 2024, 23PA02644


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 25 janvier 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement.



Par un jugement n° 2203240 du 17 mai 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.



Procé

dure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 15 juin 2023, Mme A..., représentée par Me Paturea...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 25 janvier 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2203240 du 17 mai 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 juin 2023, Mme A..., représentée par Me Patureau, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2203240 du 17 mai 2023 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler l'arrêté du 25 janvier 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis ou à tout préfet territorialement compétent de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement des articles L. 435-1 ou L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", sur le fondement du pouvoir discrétionnaire de régularisation du préfet ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté attaqué a été pris par une autorité incompétente ;

- il est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'un vice de procédure au regard de l'article L. 435-1 alinéa 2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que la commission du titre de séjour aurait dû être saisie puisqu'elle réside en France depuis plus de dix ans ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- il méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- il méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Postérieurement à la clôture d'instruction intervenue le 24 avril 2024, le préfet de la Seine-Saint-Denis et le conseil de Mme A... ont informé la cour que la situation de Mme A... n'a pas été modifiée, en fait ou en droit, depuis l'intervention de la décision du préfet de la Seine-Saint-Denis du 25 janvier 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal relative à la circulation et au séjour des personnes, signée à Dakar le 1er août 1995 ;

- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal relatif à la gestion concertée des flux migratoires, signé à Dakar le 23 septembre 2006 et l'avenant à cet accord, signé à Dakar le 25 février 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Collet ;

- et les observations de Me Djeodis, avocat de Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante sénégalaise née le 8 décembre 1977, est entrée en France en 2010 sous couvert d'un visa de court séjour valable jusqu'au 9 octobre 2010. Elle a bénéficié d'un titre de séjour pour raisons médicales valable du 14 avril 2015 au 18 décembre 2019. Par un arrêté du 24 janvier 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de délivrance de titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Elle a sollicité le 7 mai 2021 la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou portant la mention " salarié " sur le fondement des articles 4 et 5 de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal relative à la circulation et au séjour des personnes, signée à Dakar le 1er août 1995. Par un arrêté du 25 janvier 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de délivrance de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement. Par jugement du 17 mai 2023, dont Mme A... relève appel, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".

3. Si Mme A..., qui a bénéficié de titres de séjour du mois de juillet 2015 au mois de novembre 2018, soutient résider de manière continue depuis le 29 septembre 2010 sur le territoire français, toutefois elle n'établit le caractère habituel de sa résidence en France qu'à compter de l'année 2013. Elle fait valoir qu'elle est la mère d'une enfant née en France le 11 mars 2014, âgée ainsi de huit ans à la date de l'arrêté contesté, scolarisée sur le territoire français depuis le 4 septembre 2017 et dont le père, ressortissant ivoirien, est désormais français pour avoir acquis la nationalité française par un décret de naturalisation du 17 juin 2020. Si pour établir la communauté de vie dont elle se prévaut depuis plus de huit ans avec le père de son enfant, elle produit un contrat de location établi au nom des deux intéressés à compter du 9 février 2016, il ressort des pièces du dossier qu'elle a, par ailleurs, déclaré auprès des services fiscaux avoir perçu une pension alimentaire versée par le père de son enfant durant les années 2016 et 2018, qu'elle a déposé une demande de logement locatif social tendant à loger uniquement deux personnes et, enfin, que le père de son enfant est devenu le père d'un autre enfant né le 25 janvier 2021, issu d'une autre filiation maternelle. Dans ce contexte, et alors que, le préfet a estimé que la communauté de vie invoquée ne présentait pas un caractère stable et durable et que la relation du couple constituait un concubinage de complaisance visant à permettre à la requérante d'obtenir un titre de séjour après le refus opposé à sa demande de renouvellement de titre de séjour le 24 janvier 2020, les seuls éléments produits par l'intéressée sont insuffisants à démontrer la communauté de vie alléguée. Concernant son insertion professionnelle, Mme A... n'établit occuper un emploi stable et à temps plein qu'à compter de l'année 2020, année avant laquelle les emplois d'agent de service, d'agent de propreté, d'assistante de vie et d'agent des services hospitaliers qu'elle a exercés étaient discontinus et à temps partiel. Dans ce contexte, il n'apparaît pas qu'en prenant à son encontre l'arrêté attaqué, et en estimant que la situation de Mme A... ne répondait pas à des considérations humanitaires ou à des motifs exceptionnels justifiant son admission au séjour, le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait méconnu l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. (...) ". Aux termes de de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui énonce notamment que " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ".

5. Pour les mêmes motifs qu'au point 3 ci-dessus, la situation de Mme A... et la présence de son enfant née en France, dont l'existence de liens avec son père français ne ressort pas des pièces du dossier, ne permettent pas de caractériser l'existence de liens personnels et familiaux tels qu'en prenant à son encontre l'arrêté attaqué, le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait méconnu l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, il ne résulte pas de ce qui précède que le préfet de la Seine-Saint-Denis en prenant cet arrêté aurait entaché d'erreur manifeste son appréciation des conséquences de cette mesure sur la situation personnelle de Mme A....

6. En troisième lieu, aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

7. Il ressort des pièces du dossier que l'enfant de Mme A..., âgée de huit ans à la date de l'arrêté contesté est scolarisée depuis le 4 septembre 2017 en France et que son père, ressortissant ivoirien, est devenu français le 17 juin 2020. Toutefois, ainsi qu'il a été exposé ci-dessus, l'existence d'une communauté de vie entre les parents n'apparaît pas démontrée. Il n'apparaît pas, par ailleurs, que le père de l'enfant contribue à son éducation ou à son entretien, alors que Mme A... indique qu'il subvient à l'entretien et à l'éducation de l'autre enfant, de nationalité française, qu'il a eue d'une deuxième union. Dans ce contexte, alors que la scolarité de cette jeune enfant peut se poursuivre au Sénégal, et au vu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, les éléments dont fait état Mme A..., ne permettent pas de considérer que, par la mesure contestée, le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait porté atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant et méconnu ainsi l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990.

8. En dernier lieu, Mme A... invoque les moyens tirés de l'incompétence de l'autorité qui a pris la décision du 25 janvier 2022, l'insuffisance de motivation de cette décision et le vice de procédure qui entacherait cette décision au regard de l'article L. 435-1 alinéa 2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en l'absence de consultation de la commission du titre de séjour aurait dû être saisie puisqu'elle réside en France depuis plus de dix ans. Toutefois, elle n'apporte à l'appui de ces moyens, déjà soulevés devant le tribunal administratif de Montreuil, aucun élément nouveau susceptible de remettre en cause l'appréciation portée à juste titre par les premiers juges. Il y a dès lors lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par ces derniers aux points 2 à 5 du jugement attaqué.

9. Il résulte de ce tout qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 janvier 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement. Ses conclusions tendant l'annulation de ce jugement et de cet arrêté ainsi que par voie de conséquence ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et celles qu'elle a présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis .

Délibéré après l'audience du 10 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Menasseyre, présidente,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- Mme Collet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2024.

La rapporteure,

A. Collet La présidente,

A. Menasseyre

La greffière,

N. Couty

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA02644 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA02644
Date de la décision : 04/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: Mme Aude COLLET
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : PATUREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-04;23pa02644 ?
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