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04/07/2024 | FRANCE | N°23PA01034

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 7ème chambre, 04 juillet 2024, 23PA01034


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Squish Holdings Ltd a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 décembre 2014, 2015 et 2016, ainsi que des pénalités correspondantes ou, à titre subsidiaire, d'imputer le montant de la retenue à la source sur celui de l'impôt sur les sociétés dû.





Par un jugement n° 1911974/9 du 20 janvier 2

023, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.





Procédure devant la Cour :



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Squish Holdings Ltd a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 décembre 2014, 2015 et 2016, ainsi que des pénalités correspondantes ou, à titre subsidiaire, d'imputer le montant de la retenue à la source sur celui de l'impôt sur les sociétés dû.

Par un jugement n° 1911974/9 du 20 janvier 2023, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires en réplique enregistrés le 12 mars 2023, le 24 juin 2023 et le 29 janvier 2024 la société Squish Holdings Ltd, représentée par Me Vendeville, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1911974 du 20 janvier 2023 du Tribunal administratif de Montreuil ;

2°) à titre principal, de prononcer la décharge des cotisations à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 décembre 2014, 2015 et 2016, ainsi que des pénalités correspondantes ;

3°) à titre subsidiaire, de prononcer une décharge partielle correspondant à la prise en compte de la retenue à la source acquittée, ainsi que la décharge de la pénalité de 40 % ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la procédure de taxation d'office a été mise en œuvre à tort dès lors que la société Seeso a déclaré les produits financiers revenant à l'usufruitier et que la déclaration de la société Squish n'était pas tardive, un délai supplémentaire lui ayant été accordé ;

- les revenus en litige relevaient de la retenue à la source et non de l'impôt sur les sociétés dès lors que la société Seeso, non soumise à l'impôt sur les sociétés, doit être regardée comme un établissement payeur de dividendes au sens du 4° de l'article 75 et du 4° de l'article 79 de l'annexe II au code général des impôts, dividendes soumis à la retenue à la source au niveau de Squish Holding Ltd, associée ;

- la doctrine administrative référencée RPPM-RCM-30-30-10-80 prévoit que le caractère de revenus distribués doit être reconnu à toutes les sommes prélevées sur des bénéfices effectivement soumis à l'impôt sur les sociétés, ou légalement exonérés de cet impôt, sans qu'il y ait lieu de rechercher si les bénéficiaires de ces prélèvements ont ou non la qualité d'associés ;

- à titre subsidiaire, à supposer qu'elle soit redevable de l'impôt sur les sociétés, la retenue à la source acquittée par la société Seeso au taux de 5 % en application de la convention fiscale entre la France et l'Ile Maurice, qui est applicable aux dividendes, aurait dû s'imputer sur son impôt sur les sociétés ;

- l'application de la majoration de 40 % n'est pas justifiée.

Par un mémoire en défense enregistré le 25 mai 2023 le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Hamon,

- les conclusions de Mme Jurin, rapporteure publique,

- et les observations de Me Vendeville pour la société Squish Holdings.

Considérant ce qui suit :

1. La société de droit mauricien Squish Holdings, qui n'exerce pas d'activité en France, a acquis, en vertu d'un acte de cession du 31 décembre 2013 enregistré en France et pour une durée de douze ans à compter du 1er janvier 2014, l'usufruit temporaire de 1345 parts de la société civile de portefeuille SEESO dont le siège social est situé dans la commune de Vallauris (06220), laquelle exerce l'activité de gestionnaire d'un portefeuille de valeurs mobilières. La société SEESO a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, qui a porté sur les exercices clos les 31 décembre 2014, 2015 et 2016, à l'issue de laquelle l'administration, estimant que la société Squish Holdings était la bénéficiaire des dividendes perçus par la société SEESO à raison des participations qu'elle détient dans plusieurs sociétés, lui a notifié des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés assorties de pénalités, au titre des exercices clos les 31 décembre 2014, 31 décembre 2015 et 31 décembre 2016. La société Squish fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'intégralité des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2014, 2015 et 2016, soit la somme de 604 698 euros, dont 162 862 euros de pénalités.

Sur le bien-fondé des impositions :

2. D'une part, aux termes de l'article 8 du code général des impôts : " Sous réserve des dispositions de l'article 6, les associés des sociétés en nom collectif et les commandités des sociétés en commandite simple sont, lorsque ces sociétés n'ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société. En cas de démembrement de la propriété de tout ou partie des parts sociales, l'usufruitier est soumis à l'impôt sur le revenu pour la quote-part correspondant aux droits dans les bénéfices que lui confère sa qualité d'usufruitier (...) / Il en est de même, sous les mêmes conditions : / 1° Des membres des sociétés civiles qui ne revêtent pas, en droit ou en fait, l'une des formes de sociétés visées au 1 de l'article 206 et qui, sous réserve des exceptions prévues à l'article 239 ter, ne se livrent pas à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35 (...) ". Aux termes de l'article 238 bis K de ce même code : " Lorsque des droits dans une société ou un groupement mentionnés aux articles 8 , 8 quinquies (...) sont inscrits à l'actif d'une personne morale passible de l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun ou d'une entreprise industrielle, commerciale, artisanale ou agricole imposable à l'impôt sur le revenu de plein droit selon un régime de bénéfice réel, la part de bénéfice correspondant à ces droits est déterminée selon les règles applicables au bénéfice réalisé par la personne ou l'entreprise qui détient ces droits. (...).

3. Les sociétés régies par l'article 8 du code général des impôts ont une personnalité distincte de celle de leurs membres et exercent une activité qui leur est propre. Ainsi, dès lors que cette activité est exercée en France, les bénéfices réalisés par ces sociétés sont, en principe, imposables en France entre les mains de leurs membres, y compris de ceux qui résident hors de France, qu'il s'agisse de personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés comme tel est le cas de la société Squish, ou de personnes physiques, à proportion des droits qu'ils détiennent dans la société.

4. D'autre part, aux termes de l'article 119 bis du code général des impôts : " (...) 2. Les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé à l'article 187 lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France (...) Un décret fixe les modalités et conditions d'application de cette dispositions (...) " ; aux termes de l'article 1672 de ce code : (...) 2. La retenue à la source prévue au 2 de l'article 119 bis est versée au Trésor par la personne établie en France qui assure le paiement des revenus. / (...) 4. Un décret fixe les modalités et les conditions d'application des 2 et 3 et, notamment, les obligations auxquelles doivent se soumettre les personnes chargées d'opérer la retenue ". Aux termes de l'article 75 de l'annexe II à ce même code : " Sont regardées comme établissements payeurs : / (...) 4° Les sociétés visées à l'article 8 du code général des impôts, pour les revenus définis au 4 de l'article 79 ". Le 4 de l'article 79 de cette même annexe dispose que : " Les sociétés visées au 4° de l'article 75 sont réputées verser à chacun de leurs associés la quote-part des revenus correspondant à ses droits, le jour où elles ont-elles-mêmes encaissé lesdits revenus ou en ont été créditées de leur montant. Elles prélèvent à la même date la retenue à la source visée au 2 de l'article 119 bis du code général des impôts qui est due, à raison de leurs quotes-parts respectives, par les associés dont le domicile réel ou le siège social est situé hors de la France métropolitaine et des départements d'outre-mer ".

5. Il résulte de ces dispositions que lorsqu'une société régie par l'article 8 du code général des impôts perçoit des revenus de capitaux mobiliers de la nature de ceux qui sont visés aux articles 108 et suivants du code général des impôts et qui constituent ainsi tout ou partie de son résultat propre, elle est tenue de prélever la retenue à la source définie au 2 de l'article 119 bis du même code qui est due, à raison de leurs quotes-parts respectives, par les associés qui résident à l'étranger, sans qu'y fassent obstacle les dispositions de l'article 238 bis K dudit code eu égard à la nature des revenus en cause.

6. En conséquence, la requérante est fondée à soutenir qu'il appartient à la société civile SEESO, en tant qu'établissement payeur au sens des dispositions du 4° de l'article 75 de l'annexe II au code général des impôts, d'appliquer, en vertu des dispositions du 4 de l'article 79 de la même annexe, aux dividendes qu'elle perçoit des sociétés dont elle est associée, la retenue à la source prévue aux articles 119 bis du code général des impôts, qu'elle a au demeurant acquittée, et que, par suite, elle n'est elle-même pas passible de l'impôt sur les sociétés à raison des mêmes dividendes. Dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, la société Squish Holdings Ltd est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions en litige.

Sur les frais de l'instance :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros à la société Squish Holdings Ltd au titre des frais qu'elle a exposés à l'occasion du présent litige et qui ne sont pas compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1911974/9 du 20 janvier 2023 du Tribunal administratif de Montreuil est annulé.

Article 2 : La société Squish Holdings Ltd est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2014, 2015 et 2016.

Article 3 : L'Etat versera à la société Squish Holdings Ltd la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Squish Holdings Ltd et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris (pôle contrôle fiscal et affaires juridiques - SCAD).

Délibéré après l'audience du 18 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Auvray, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente-assesseure,

- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2024

La rapporteure,

P. HAMONLe président,

B. AUVRAY

La greffière,

C. BUOT La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA01034


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA01034
Date de la décision : 04/07/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. AUVRAY
Rapporteur ?: Mme Perrine HAMON
Rapporteur public ?: Mme JURIN
Avocat(s) : VENDEVILLE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-04;23pa01034 ?
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