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04/07/2024 | FRANCE | N°23PA00140

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 7ème chambre, 04 juillet 2024, 23PA00140


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision implicite du 26 avril 2019 par laquelle le maire de Villejuif a rejeté sa demande tendant au bénéfice de la protection fonctionnelle, d'enjoindre à la commune de Villejuif de lui octroyer le bénéfice de la protection fonctionnelle et de condamner cette commune à lui verser la somme globale de 95 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de fautes commises par la com

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Par un jugement n° 1905900 du 3 novembre 2022, le Tribunal administrat...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision implicite du 26 avril 2019 par laquelle le maire de Villejuif a rejeté sa demande tendant au bénéfice de la protection fonctionnelle, d'enjoindre à la commune de Villejuif de lui octroyer le bénéfice de la protection fonctionnelle et de condamner cette commune à lui verser la somme globale de 95 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de fautes commises par la commune.

Par un jugement n° 1905900 du 3 novembre 2022, le Tribunal administratif de Melun a annulé la décision attaquée du 26 avril 2019 et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de Mme A....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 10 janvier 2023 et le 29 février 2024, Mme A..., représentée par Me Mazza, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1905900 du 3 novembre 2022 du Tribunal administratif de Melun en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;

2°) de condamner la commune de Villejuif à lui verser la somme de 95 000 euros en réparation des préjudices subis ;

3°) d'enjoindre à la commune de Villejuif de lui octroyer sa protection fonctionnelle et de lui verser, à ce titre, la somme de 8 000 euros au titre des frais et honoraires de justice ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Villejuif le versement d'une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le Tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de ce que la commune avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité en ne respectant pas son obligation de protection de la santé et de la sécurité de ses agents ;

- elle établit, par les éléments produits, avoir été victime, dans l'exercice de ses fonctions, d'un harcèlement moral de nature à engager la responsabilité de la commune ;

- la commune a commis une faute distincte de nature à engager sa responsabilité en ne respectant pas son obligation de sécurité et de protection de ses agents, notamment contre les risques psychosociaux ;

- elle a subi un préjudice financier à hauteur de 10 000 euros, un préjudice de santé qui doit être réparé à hauteur de 25 000 euros, un préjudice à raison de son harcèlement moral qui doit être réparé à hauteur de 30 000 euros et un manquement aux obligations de protection qui doit être réparé à hauteur de 30 000 euros ;

- au titre de la protection fonctionnelle dont le refus a été annulé, la commune doit lui rembourser une somme de 8 000 euros au titre des frais engagés pour sa défense.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 novembre 2023 la commune de Villejuif, représentée par Me Magnaval, conclut au rejet de la requête et à ce que le versement d'une somme de 2 500 euros soit mis à la charge de Mme A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conclusions aux fins d'injonction sont irrecevables ;

- les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 85-603 du 10 juin 1985 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Hamon,

- les conclusions de Mme Jurin, rapporteur public,

- et les observations de Me Mazza pour Mme A....

.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., recrutée le 1er février 2011 par la commune de Villejuif en qualité d'éducatrice de jeunes enfants, a été nommée directrice adjointe d'une crèche de cette commune en 2012, puis à compter de septembre 2013, directrice d'une crèche nouvellement créée dans cette même commune. Par un courrier réceptionné le 26 février 2019, Mme A... a demandé à la commune, d'une part, de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle en raison du harcèlement moral dont elle estimait être victime, et, d'autre part, d'indemniser les différents préjudices qu'elle estimait subir du fait des fautes commises par la commune, par l'allocation d'une somme globale de 95 000 euros. La commune a opposé à ces demandes des décisions implicites de rejet dont Mme A... a vainement demandé la communication des motifs. Elle a en conséquence saisi le Tribunal administratif de Melun d'une demande tendant à l'annulation de ce refus de protection fonctionnelle et à la condamnation de la commune à lui verser une somme globale de 95 000 euros. Par un jugement du 3 novembre 2022, le Tribunal a annulé la décision implicite de refus de protection fonctionnelle née le 26 avril 2019, et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Mme A... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ce surplus de conclusions.

Sur la régularité du jugement :

2. Contrairement à ce que soutient la requérante il ressort des termes du jugement attaqué, notamment de ses points 17 et 18, que le Tribunal n'a pas omis de statuer sur le moyen qu'elle avait soulevé, tiré de ce que la commune a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en ne respectant pas son obligation de protection de la santé et de la sécurité de ses agents. Le moyen tiré de ce que le jugement serait irrégulier à raison de cette omission doit par suite être écarté.

Sur la responsabilité de la commune :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 11, alors applicable, de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " I.-A raison de ses fonctions et indépendamment des règles fixées par le code pénal et par les lois spéciales, le fonctionnaire ou, le cas échéant, l'ancien fonctionnaire bénéficie, dans les conditions prévues au présent article, d'une protection organisée par la collectivité publique qui l'emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire. / (...) IV.- La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. ". Par ailleurs, aux termes de l'article 6 quinquies, alors applicable, de la même loi : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / (...) ".

4. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour être qualifiés de harcèlement moral, les agissements invoqués doivent excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique.

5. Pour soutenir qu'elle a été victime de harcèlement moral de la part de sa supérieure hiérarchique et de la commune qui l'emploie Mme A... fait valoir, en appel, les mêmes éléments que ceux avancés en première instance dans la partie de sa requête consacrée à la " discussion ", sans apporter aucun élément de fait ou de droit nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation portée sur ce moyen par les premiers juges. Par suite, il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par le Tribunal.

6. En second lieu, aux termes de l'article 2-1 du décret du 10 juin 1985 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la médecine professionnelle et préventive dans la fonction publique territoriale : " Les autorités territoriales sont chargées de veiller à la sécurité et à la protection de la santé des agents placés sous leur autorité ". Aux termes de l'article 3 de ce décret : " En application de l'article 108-1 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée, dans les services des collectivités et établissements mentionnés à l'article 1er, les règles applicables en matière de santé et de sécurité sont, sous réserve des dispositions du présent décret, celles définies aux livres Ier à V de la quatrième partie du code du travail et par les décrets pris pour leur application (...) ". Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail : " L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs (...) ". En vertu de ces dispositions, il appartient aux autorités administratives de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et morale de leurs agents.

7. Si, pour soutenir que la commune aurait manqué à son obligation de protéger la sécurité et la santé de ses agents, Mme A... invoque sans plus de précisions l'absence de prévention des risques psycho-sociaux liés à l'ouverture d'une nouvelle crèche, la mise aux normes tardive de barrières de sécurité, la survenance d'un dégât des eaux, les difficultés administratives et relationnelles rencontrées lors de l'examen de la titularisation d'une stagiaire ainsi que l'absence de réponse satisfaisante aux multiples courriers de doléances qu'elle a adressés à sa hiérarchie concernant le fonctionnement de la crèche dont elle était la directrice, pas plus en appel qu'en première instance elle n'établit, par l'invocation de ces faits qui ne mettent pas directement en cause sa sécurité ni sa santé physique et morale, et auxquels les services de la commune ont apporté une réponse appropriée et normalement diligente, que la commune aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité en omettant de prendre les mesures, qu'au demeurant elle ne caractérise pas, nécessaires à la protection de sa santé et de sa sécurité.

8. En l'absence de harcèlement moral et de toute autre faute commise par la commune de Villejuif, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par cette dernière, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de la commune à lui verser la somme de 95 000 euros en réparation des préjudices invoqués, ainsi qu'à ce qu'il soit enjoint à la commune de lui octroyer sa protection fonctionnelle et de lui verser à ce titre la somme de 8 000 euros, au demeurant non justifiée, en remboursement de frais de justice exposés.

Sur les frais de justice :

9. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la commune de Villejuif présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Villejuif présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la commune de Villejuif.

Délibéré après l'audience du 18 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Auvray, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente-assesseure,

- M. Desvigne Repusseau, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2024

La rapporteure,

P. HAMONLe président,

B. AUVRAYLa greffière,

C. BUOT La République mande et ordonne au préfet du Val-de-Marne en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 23PA00140


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA00140
Date de la décision : 04/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. AUVRAY
Rapporteur ?: Mme Perrine HAMON
Rapporteur public ?: Mme JURIN
Avocat(s) : MAZZA

Origine de la décision
Date de l'import : 07/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-04;23pa00140 ?
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