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04/07/2024 | FRANCE | N°22PA03122

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 8ème chambre, 04 juillet 2024, 22PA03122


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 24 juin 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté son recours administratif préalable obligatoire formé devant la commission des recours des militaires tendant à l'annulation du tableau d'avancement au grade de capitaine de corvette au titre de l'année 2019 en tant qu'il n'est pas promu à ce grade.



Par jugement n° 1918224/5-1 du 13 mai 2022, le tribunal administrat

if de Paris a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par un arrêt av...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 24 juin 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté son recours administratif préalable obligatoire formé devant la commission des recours des militaires tendant à l'annulation du tableau d'avancement au grade de capitaine de corvette au titre de l'année 2019 en tant qu'il n'est pas promu à ce grade.

Par jugement n° 1918224/5-1 du 13 mai 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par un arrêt avant dire droit du 29 décembre 2023, la cour a décidé qu'il serait, avant de statuer sur la requête de M. A..., ordonné au ministre des armées de produire, dans un délai d'un mois, le tableau de classement des officiers de marine sous contrat ayant une ancienneté de 6 à 9 ans ayant conduit à leur avancement au grade de capitaine de corvette au titre de l'année 2019 ainsi que les éléments de comparaison des mérites et de la qualité des services des militaires sous contrat ayant une ancienneté de 6 à 9 ans ayant conduit à leur promotion au titre de l'année 2019 de préférence à celle des officiers de marine sous contrat ayant une ancienneté de 10 ans et en particulier à celle de M. A....

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 8 juillet 2022, 12 mai 2023 et 5 février 2024, M. A..., représenté par Me Maumont, demande à la cour dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement n° 1918224/5-1 du 13 mai 2022 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du 24 juin 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté son recours administratif préalable obligatoire formé devant la commission des recours des militaires tendant à l'annulation du tableau d'avancement au grade de capitaine de corvette au titre de l'année 2019 en tant qu'il n'est pas promu à ce grade ;

3°) d'enjoindre au ministre des armées de l'inscrire au tableau d'avancement au grade de capitaine de corvette au titre de l'année 2019 et de le rétablir dans l'ensemble de ses fonctions, droits, prérogatives et autres intérêts dont il aurait été privé et de reconstituer sa carrière en lui attribuant l'ancienneté et l'indice de solde correspondant, outre les arriérés de solde qui pourraient en découler, sans délai et sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il demande l'annulation du tableau d'avancement au grade de capitaine de corvette au titre de l'année 2019 dans son ensemble et ainsi sa requête est recevable ;

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé s'agissant du moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont est entachée la décision du 24 juin 2019 attaquée ;

- la décision attaquée a été prise par une autorité incompétente ;

- elle est entachée d'un vice de procédure en l'absence d'examen de l'appréciation réalisée par la commission d'avancement sur les mérites des candidats à l'occasion de la procédure de recours administratif préalable obligatoire devant la commission des recours des militaires ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît le principe d'égalité de traitement.

Par des mémoires en défense enregistrés les 12 avril et 27 août 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête de M. A... est irrecevable dès lors qu'il demande l'annulation du tableau d'avancement au grade de capitaine de corvette au titre de l'année 2019 en tant que son nom n'y figure pas alors qu'il s'agit d'un acte indivisible ;

- la requête de M. A... est irrecevable dès lors qu'elle est tardive ;

- les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la défense ;

- le décret n° 2008-938 du 12 septembre 2008 ;

- le décret n° 2008-939 du 12 septembre 2008 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Collet,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,

- et les observations de Me Maumont, avocat de M. B... A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., officier de marine sous contrat depuis le 1er août 2002 et lieutenant de vaisseau depuis le 1er janvier 2009, a formé, le 6 février 2019, un recours administratif préalable obligatoire devant la commission des recours des militaires, reçu le 11 février suivant, contre la décision du 13 décembre 2018 portant inscription au tableau d'avancement pour l'année 2019 au grade de capitaine de corvette et sur lequel son nom ne figurait pas. Par une décision du 24 juin 2019, la ministre des armées a rejeté son recours. Par jugement n° 1918224 du 13 mai 2022, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision. Par un arrêt avant dire droit du 29 décembre 2023, la cour a décidé après avoir jugé que le jugement attaqué était régulier et que les fins de non-recevoir opposées par le ministre des armées n'étaient pas fondées qu'il serait, avant de statuer sur la légalité de la décision du 24 juin 2019, ordonné au ministre des armées de produire, dans un délai d'un mois, le tableau de classement des officiers de marine sous contrat ayant une ancienneté de 6 à 9 ans ayant conduit à leur avancement au grade de capitaine de corvette au titre de l'année 2019 ainsi que les éléments de comparaison des mérites et de la qualité des services des militaires sous contrat ayant une ancienneté de 6 à 9 ans ayant conduit à leur promotion au titre de l'année 2019 de préférence à celle des officiers de marine sous contrat ayant une ancienneté de 10 ans et en particulier à celle de M. A....

Sur la légalité de la décision du 24 juin 2019 :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 4136-1 du code de la défense : " L'avancement de grade a lieu soit au choix, soit au choix et à l'ancienneté, soit à l'ancienneté. Sauf action d'éclat ou services exceptionnels, les promotions ont lieu de façon continue de grade à grade et nul ne peut être promu à un grade s'il ne compte dans le grade inférieur un minimum de durée de service, fixé par voie réglementaire ". Aux termes de l'article L. 4136-2 de ce code : " L'ancienneté des militaires dans leur grade est déterminée par le temps passé en position d'activité et, dans chaque cas, par celui pris en compte pour l'avancement au titre des autres positions statutaires prévues par le présent statut. / Sauf pour les militaires commissionnés et les volontaires, les militaires prennent rang sur une liste d'ancienneté établie par grade en fonction de leur ancienneté dans chaque corps et, s'il y a lieu, par arme, service ou spécialité. L'avancement à l'ancienneté a lieu dans chaque corps dans l'ordre de la liste d'ancienneté. ". Aux termes de l'article L. 4136-3 de ce code : " Nul ne peut être promu au choix à un grade autre que ceux d'officiers généraux s'il n'est inscrit sur un tableau d'avancement établi, au moins une fois par an, par corps. ". Aux termes de l'article L. 4136-4 de ce code : " I. - Les statuts particuliers fixent : / 1° Les conditions requises pour être promu au grade supérieur ; / 2° Les proportions respectives et les modalités de l'avancement à la fois au choix et à l'ancienneté, pour les corps et dans les grades concernés ; / 3° Les conditions d'application de l'avancement au choix. / II. - Au titre des conditions pour être promu au grade supérieur, les statuts particuliers peuvent prévoir : / 1° Que l'ancienneté des militaires de carrière dans le grade inférieur n'excède pas un niveau déterminé. (...) ".

3. D'autre part, en application des dispositions de l'article 28 du décret du 12 septembre 2008 portant statut particulier des corps des officiers de marine et des officiers spécialisés de la marine : " Sont promus au grade de capitaine de corvette pour partie au choix lorsqu'ils ont au moins quatre ans de grade et pour partie à l'ancienneté à dix ans de grade les lieutenants de vaisseau qui sont titulaires de l'un des diplômes de l'enseignement militaire supérieur du premier degré, désigné à cet effet par arrêté du ministre de la défense. / Le nombre de lieutenants de vaisseau promus chaque année au grade de capitaine de corvette à l'ancienneté ne peut excéder 25 pour 100 du nombre total d'officiers promus à ce grade la même année. ". Aux termes de l'article 7 du décret du 12 septembre 2008 relatif aux officiers sous contrat : " L'avancement des officiers sous contrat a lieu au choix, dès lors qu'ils détiennent une ancienneté minimum dans le grade au moins égale à celle exigée pour les officiers de carrière du corps de rattachement et qu'ils n'ont pas accédé à l'échelon exceptionnel de leur grade. Toutefois, la promotion au grade de lieutenant et de capitaine ou grades correspondants intervient dans les mêmes conditions que celles du corps de rattachement. / Les officiers sous contrat concourent entre eux pour l'avancement à l'intérieur de leur corps de rattachement et sont inscrits au tableau d'avancement dans les mêmes conditions que celles des officiers de carrière du corps de rattachement. Le rang des officiers sous contrat, entre eux, est déterminé par l'ancienneté de grade. A égalité d'ancienneté de grade, il se détermine par l'ancienneté dans le grade précédent, s'il y a lieu, par l'ancienneté dans les grades inférieurs et, en dernier ressort, suivant l'ordre décroissant des âges ".

4. Il résulte de ces dispositions que tant la promotion au grade de capitaine de corvette, à laquelle postulait M. A..., que son inscription préalable au tableau élaboré à cette fin ne constitue pas un droit et relève d'une appréciation comparée des mérites et de la qualité des services des militaires remplissant les conditions exigées pour l'inscription audit tableau.

5. Le juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un recours tendant à l'annulation d'un arrêté portant inscription au tableau d'avancement et nomination dans un grade supérieur, ne peut se borner, dans le cadre de son contrôle restreint, à apprécier la valeur professionnelle d'un candidat écarté et doit analyser les mérites comparés de cet agent et de ceux des autres candidats à ce même grade.

6. Or, il ressort des pièces du dossier que pour l'établissement du tableau d'avancement 2019, les officiers susceptibles d'être promus ont été répartis par corps statutaire et par grade par la note n° 0-25235-2018/ARM/DPMM/1/RA/CPO du 11 septembre 2018 selon le volume global autorisé de 145 officiers en fixant à 11 le nombre d'officiers de marine sous contrat pouvant figurer sur le tableau d'avancement pour le grade de capitaine de corvette. L'examen des mérites des officiers de marine sous contrat remplissant les conditions d'inscription a conduit à une répartition des promotions entre les créneaux d'ancienneté de 6 à 9 ans et à ce qu'aucun officier de marine sous contrat ayant une ancienneté de 10 à 12 ans ne soit considéré comme ayant les mérites et la qualité des services rendus d'un niveau suffisant pour être promu. Si le ministre des armées a produit le tableau de classement des 17 officiers de marine sous contrat ayant la même ancienneté de 10 ans que M. A..., il n'a, en revanche, produit aucun élément concernant les officiers de marine sous contrat appartenant aux créneaux d'ancienneté de 6 à 9 ans et qui tendrait à démontrer que l'appréciation comparée des mérites et de la qualité des services des militaires concernés conduirait à leur promotion plutôt qu'à celle des officiers de marine sous contrat ayant, à l'instar de M. A..., une ancienneté de 10 ans et ceci même après l'arrêt avant dire droit du 29 décembre 2023, qui lui avait ordonné de le faire, eu égard au caractère sérieux de l'allégation tirée de ce que la décision attaquée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

7. Par suite, en l'absence d'éléments produits par le ministre des armées permettant de justifier que les mérites et la qualité des services des militaires sous contrat ayant une ancienneté de 6 à 9 ans étaient supérieures à celles des officiers de marine sous contrat ayant une ancienneté de 10 ans et en particulier à celle de M. A... et justifiaient ainsi leur promotion au titre de l'année 2019 par préférence au second, M. A... doit être regardé comme établissant que la décision du 24 juin 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté son recours administratif préalable obligatoire formé devant la commission des recours des militaires tendant à l'annulation du tableau d'avancement au grade de capitaine de corvette au titre de l'année 2019 en tant qu'il n'est pas promu à ce grade est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Ainsi, le jugement du 13 mai 2022 du tribunal administratif de Paris et la décision du 24 juin 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté son recours administratif préalable obligatoire formé devant la commission des recours des militaires tendant à l'annulation du tableau d'avancement au grade de capitaine de corvette au titre de l'année 2019 en tant qu'il n'est pas promu à ce grade doivent être annulés.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

9. Le présent arrêt implique seulement en l'absence d'éléments suffisants au dossier et en présence d'un autre officier mieux classé que M. A... dans sa cohorte d'ancienneté, qu'il soit enjoint au ministre des armées de réexaminer la demande de ce dernier dans un délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A... de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1918224 du 13 mai 2022 du tribunal administratif de Paris et la décision du 24 juin 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté son recours administratif préalable obligatoire formé devant la commission des recours des militaires sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre des armées de réexaminer la demande de M. A... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. A... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 10 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Menasseyre, présidente,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- Mme Collet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2024.

La rapporteure,

A. Collet La présidente,

A. Menasseyre

La greffière,

N. Couty

La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 22PA03122


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA03122
Date de la décision : 04/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: Mme Aude COLLET
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : CABINET MDMH

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-04;22pa03122 ?
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