Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 14 octobre 2022 par lequel le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2225914/8 du 1er mars 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 4 juin 2023, M. A..., représenté par Me Griolet, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 1er mars 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 14 octobre 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", ou à défaut de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à Me Griolet en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté préfectoral du 14 octobre 2022 a été pris au terme d'une procédure irrégulière dès lors que l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) n'a pas été rendu à l'issue d'une délibération, en méconnaissance de l'article R. 425-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'ordonnance du 6 novembre 2014 et du décret du 26 décembre 2014 relatifs aux délibérations à distance des instances administratives à caractère collégial ;
- la décision de refus de titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire enregistré le 16 août 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Paris a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. A... par une décision du 24 avril 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant guinéen né le 30 décembre 1999, déclare être entré en France en 2016. Il a bénéficié d'un titre de séjour valable du 7 juin 2019 au 6 juin 2020, en raison de son état de santé. Par un arrêté du 14 octobre 2022, le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... demande à la cour d'annuler le jugement du 1er mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Les conditions d'application de ces dispositions ont été définies aux articles R. 425-11 à R. 425-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et précisées par l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles
R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du même. Aux termes de l'article R. 425-13 de ce code : " Le collège à compétence nationale mentionné à l'article R. 425-12 est composé de trois médecins, il émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du même article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. / L'avis est rendu par le collège dans un délai de trois mois à compter de la transmission du certificat médical. Lorsque le demandeur n'a pas présenté au médecin de l'office ou au collège les documents justifiant son identité, n'a pas produit les examens complémentaires qui lui ont été demandés ou n'a pas répondu à la convocation du médecin de l'office ou du collège qui lui a été adressée, l'avis le constate. / L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'office. ".
3. Préalablement à l'édiction de la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour à M. A..., le collège de médecins de l'OFII a émis le 6 octobre 2022 un avis relatif à l'état de santé de l'intéressé, en application des dispositions précitées, au vu d'un rapport médical établi le 25 juillet 2022. Il ressort des termes de cet avis, produit par le préfet, que les médecins ont délibéré collégialement, comme en atteste la mention " après en avoir délibéré, le collège des médecins de l'OFII émet l'avis suivant ". Cet avis commun a été rendu par les trois médecins composant le collège, au vu du rapport établi par un quatrième médecin le 25 juillet 2022. Les médecins signataires de l'avis ne sont pas tenus, pour répondre aux questions posées, de procéder à des échanges entre eux, l'avis résultant de la réponse apportée par chacun à des questions auxquelles la réponse ne peut être qu'affirmative ou négative. Par suite, la circonstance que, dans certains cas, ces réponses n'aient pas fait l'objet de tels échanges, oraux ou écrits, est sans incidence sur la légalité de la décision prise par le préfet au vu de cet avis. M. A..., qui ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance de l'ordonnance du 6 novembre 2014 et du décret du 26 décembre 2014 relatifs aux délibérations à distance des instances administratives à caractère collégial, n'est donc pas fondé à soutenir que l'arrêté préfectoral litigieux aurait été pris au terme d'une procédure irrégulière.
4. En deuxième lieu, il résulte des dispositions citées au point 2 du présent arrêt que lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'étranger, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Pour déterminer si un étranger peut bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire d'un traitement médical approprié, au sens des dispositions précitées, il convient de s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès, et non de rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France ou en Europe.
5. Par ailleurs, la partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'accès effectif ou non à un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
6. M. A... soutient qu'il est atteint d'une hépatite B chronique, traitée en France par le médicament Baraclude, qui, selon lui, ne serait pas disponible en Guinée. Toutefois, il n'établit pas par les pièces qu'il produit, notamment un certificat médical rédigé en termes généraux le 1er octobre 2018 par un gastroentérologue, que ce médicament ne serait pas délivré dans son pays d'origine, alors que, comme l'ont relevé les premiers juges, le préfet de police a estimé, s'appuyant notamment sur l'avis émis le 6 octobre 2022 par le collège de médecins de l'OFII, que l'intéressé pouvait bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé en Guinée. Le préfet de police établit en outre que le ténofovir, traitement équivalent, est disponible dans le pays d'origine de M. A..., lequel ne démontre pas l'absence d'équivalence alléguée. L'appelant n'est donc pas fondé à soutenir que le préfet de police aurait méconnu les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en rejetant sa demande de titre de séjour.
7. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ". Et aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
8. M. A... se prévaut de la durée de six de son séjour en France ainsi que de l'exercice d'une activité professionnelle en qualité d'aide plaquiste depuis décembre 2019, et de la circonstance qu'il paie régulièrement son loyer. Il est cependant célibataire et sans charge de famille, et ne se prévaut d'aucun lien personnel suffisamment ancien, stable et intense en France, alors qu'il n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales ou personnelles en Guinée. Dans ces conditions, le préfet de police n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en refusant de lui délivrer un titre de séjour. Il n'a donc pas méconnu les dispositions et stipulations précitées. Il n'a pas, pour les mêmes motifs, commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 14 octobre 2022. Ses conclusions à fin d'annulation ainsi, par voie de conséquence, que ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent donc être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 6 juin 2024 à laquelle siégeaient :
- Mme Marianne Julliard, présidente,
- Mme Marie-Isabelle Labetoulle, première conseillère,
- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juillet 2024.
La rapporteure,
G. C...La présidente,
M. D...Le greffier,
É. MOULIN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23PA02461 2