Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 23 septembre 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un certificat de résidence algérien, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire national pendant une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2109535 du 10 février 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 3 mai 2023, M. B..., représenté par Me Vitel, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 10 février 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 23 septembre 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " sans délai, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, ou à défaut de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, en lui délivrant durant ce réexamen une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il procède à une substitution de motifs en méconnaissance du principe du contradictoire ;
- l'arrêté préfectoral du 23 septembre 2020 n'est pas suffisamment motivé en fait et en droit ;
- il n'a pas été procédé à un examen particulier de sa demande ;
- la commission du titre de séjour devait être saisie dans la mesure où il justifie de sa présence en France durant plus de dix ans ;
- l'arrêté litigieux est entaché d'une erreur de droit en ce qu'il n'a pas pris en compte sa présence en France avant 2013 pour l'application des stipulations de l'article 6-1 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- cet arrêté méconnaît les stipulations de l'article 6-1 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le préfet de la Seine-Saint-Denis a commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle dans l'usage de son pouvoir discrétionnaire ;
- il a violé les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est entachée d'illégalité dès lors que la décision lui refusant un certificat de résidence algérien est illégale ;
- cette décision viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans est entachée d'illégalité dès lors que la décision l'obligeant à quitter le territoire français est illégale ;
- cette décision est entachée d'erreur de droit au regard des dispositions de l'alinéa 4 du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dans son principe et en ce qu'elle fixe à deux ans la durée de l'interdiction ;
- elle viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Paris a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. B... par une décision du 5 avril 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les observations de Me Charles, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant algérien né le 23 avril 1970, déclare être entré en France en mai 2001. Par un arrêté du 23 septembre 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un certificat de résidence algérien, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire national pendant une durée de deux ans. M. B... demande à la cour d'annuler le jugement du
10 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes des dispositions de l'article L. 313-14, alors applicables, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier de première instance que M. B... produit, pour chacune des dix années précédant l'arrêté litigieux, des documents probants, nombreux et variés démontrant sa présence sur le territoire français, notamment des courriers de l'assurance maladie, du syndicat des transports d'Île-de-France, des avis d'impôts sur le revenu, des courriers du centre communal d'action sociale, des ordonnances et comptes-rendus d'imagerie et d'analyses médicales, des avis d'échéance, des bulletins de paie, des factures, des courriers émanant de juridictions ou d'institutions diverses. Il justifie ainsi qu'il résidait en France depuis plus de dix ans à la date de cet arrêté, nonobstant la circonstance qu'il a fait l'objet, au cours de cette période, d'une mesure d'éloignement, opposée à tort par le préfet. Dans ces conditions, le préfet de la Seine-Saint-Denis était tenu de soumettre pour avis sa demande à la commission du titre de séjour. Il s'ensuit que l'arrêté litigieux a été pris au terme d'une procédure irrégulière et doit pour ce motif être annulé.
4. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 23 septembre 2020.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Le présent arrêt implique nécessairement, eu égard à ses motifs, que le préfet de la Seine-Saint-Denis procède au réexamen de la demande de titre de séjour de M. B.... Il y a lieu par suite d'enjoindre à l'autorité préfectorale de réexaminer la demande de l'intéressé dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit nécessaire, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 000 euros à l'avocat de M. B..., qui bénéficie de l'aide juridictionnelle totale, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de son renoncement à percevoir la part contributive de l'État.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2109535 du 10 février 2023 du tribunal administratif de Montreuil, et l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 23 septembre 2020, sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer la demande de M. B... dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'État versera la somme de 1 000 euros à Me Vitel, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de son renoncement à percevoir la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B..., au préfet de la Seine-Saint-Denis et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 6 juin 2024 à laquelle siégeaient :
- Mme Marianne Julliard, présidente,
- Mme Marie-Isabelle Labetoulle, première conseillère,
- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juillet 2024.
La rapporteure,
G. A...La présidente,
M. C...Le greffier,
É. MOULIN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23PA01846
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