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01/07/2024 | FRANCE | N°23PA03442

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 3ème chambre, 01 juillet 2024, 23PA03442


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 5 juillet 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant deux ans.



Par un jugement n° 2211919 du 28 juin 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.r>


Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 29 juillet 2023, M. B......

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 5 juillet 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant deux ans.

Par un jugement n° 2211919 du 28 juin 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 juillet 2023, M. B..., représenté par Me Sadoun, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 28 juin 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 5 juillet 2023 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou à défaut " vie privée et familiale ", dans le délai de deux mois, ou à titre subsidiaire de réexaminer sa demande dans le délai de deux mois et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de supprimer son signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen ;

5°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 900 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté préfectoral litigieux est entaché d'incompétence ;

- il est entaché d'erreur de fait et d'erreur de droit dès lors que le préfet de la Seine-Saint-Denis a examiné sa demande au titre de la vie privée et familiale alors qu'il a demandé son admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié ; l'administration n'aurait pas dû examiner sa demande au regard de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;

- il justifie de motifs exceptionnels permettant son admission au séjour en qualité de salarié ;

- l'arrêté préfectoral contesté viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est dépourvue de base légale dès lors que la décision de refus de titre de séjour est illégale ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision refusant de lui octroyer un délai de départ volontaire n'est pas motivée ;

- elle est dépourvue de base légale dès lors que la décision de refus de titre de séjour et la décision l'obligeant à quitter le territoire français sont illégales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision lui interdisant le retour sur le territoire français est dépourvue de base légale dès lors que la décision de refus de titre de séjour et la décision l'obligeant à quitter le territoire français sans délai sont illégales ;

- elle méconnaît les dispositions des articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987,

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les observations de Me Sadoun, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant marocain né le 31 août 1988, déclare être entré en France en mai 2018. Le 15 octobre 2021, il a sollicité son admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 5 juillet 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant deux ans. M. B... demande à la cour d'annuler le jugement du 28 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 9 de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord... ". L'article 3 du même accord stipule que : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention ''salarié''... ". Ces stipulations n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié.

3. Il ressort des pièces du dossier, et n'est pas contesté en défense par le préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit de mémoire en défense, que M. B..., entré en France en mai 2018, y exerce depuis cette date une activité professionnelle, d'abord à temps partiel pour la société Le Coup d'Eclat entre septembre 2018 et avril 2019, en qualité d'agent de propreté, puis en contrat à durée indéterminée à temps plein pour la société DSL Services depuis avril 2019, en qualité d'agent de service. Il produit ainsi ses contrats de travail ainsi que l'ensemble de ses bulletins de paie pour la période allant d'août 2018 à juin 2022. Dans ces conditions, et nonobstant les circonstances qu'il est diplômé d'une école de commerce marocaine le qualifiant pour des fonctions sans rapport avec les emplois exercés et qu'il a produit une fausse carte d'identité française en vue d'être embauché, le préfet de la Seine-Saint-Denis a commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant l'admission exceptionnelle au séjour de M. B... en qualité de salarié.

4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 5 juillet 2022. Ce jugement ainsi que cet arrêté doivent donc être annulés.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Eu égard au motif d'annulation retenu, le présent arrêt implique nécessairement, sous réserve d'un changement dans la situation de l'intéressé, que le préfet de la Seine-Saint-Denis ou le préfet territorialement compétent délivre à M. B... une carte de séjour temporaire en qualité de salarié. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet de délivrer ce titre dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 000 euros à M. B... en application dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2211919 du 28 juin 2023 du tribunal administratif de Montreuil et l'arrêté du 5 juillet 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis ou au préfet territorialement compétent de délivrer à M. B... une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêté.

Article 3 : L'État versera la somme de 1 000 euros à M. B... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., au préfet de la Seine-Saint-Denis et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 25 juin 2024 à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,

- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er juillet 2024.

La rapporteure,

G. A...Le président,

I. LUBENLa greffière,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA03442 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA03442
Date de la décision : 01/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Gaëlle MORNET
Rapporteur public ?: Mme DÉGARDIN
Avocat(s) : SADOUN

Origine de la décision
Date de l'import : 07/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-01;23pa03442 ?
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