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01/07/2024 | FRANCE | N°23PA02466

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 3ème chambre, 01 juillet 2024, 23PA02466


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 7 novembre 2022 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2216673 du 11 mai 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoire enregistrés les 5 juin 2023 e

t 9 avril 2024, M. A..., représenté par Me Peratou, demande à la cour :



1°) d'annuler le jugement du tribunal admi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 7 novembre 2022 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2216673 du 11 mai 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 5 juin 2023 et 9 avril 2024, M. A..., représenté par Me Peratou, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 11 mai 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 7 novembre 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans le délai de quinze jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le même délai et sous la même astreinte, et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté préfectoral du 7 novembre 2022 n'est pas suffisamment motivé ;

- cet arrêté est entaché d'erreur de droit dès lors que le préfet de police s'est à tort cru lié par les décisions prises par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) ;

- il méconnaît les dispositions des article L. 611-3 et L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il viole les stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et viole les stipulations du paragraphe A, 2° des articles 1er et 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951, ainsi que celles du protocole de New York signé le 31 janvier 1967 ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de destination est dépourvue de base légale dès lors que la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale.

Par un mémoire en défense enregistré le 30 mai 2024, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Paris a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. A... par une décision du 9 août 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951,

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant bangladais né le 14 septembre 1978, déclare être entré en France en décembre 2013. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 3 juin 2014, et par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 19 décembre 2014. Le 6 juillet 2020, il a fait l'objet d'une mesure d'éloignement qu'il n'a pas exécutée. Par un arrêté du 7 novembre 2022, le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination. M. A... demande à la cour d'annuler le jugement du 11 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, l'arrêté du 7 novembre 2022 du préfet de police mentionne les textes de droit et les considérations de fait sur lesquels il est fondé. Ainsi, et alors que le préfet n'était pas tenu d'énoncer l'ensemble des éléments relatifs à la situation personnelle de M. A..., il est suffisamment motivé.

3. En deuxième lieu, il ne ressort ni des termes de l'arrêté attaqué, ni d'aucune autre pièce du dossier, que le préfet de police se serait à tort cru lié par les décisions prises les 3 juin 2014 et 19 décembre 2014 par l'OFPRA puis par la CNDA, rejetant la demande d'asile de M. A.... Le moyen tiré de l'erreur de droit doit donc être écarté.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".

5. Si M. A... soutient que l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions précitées, il est constant qu'il n'a pas présenté de demande de titre de séjour sur le fondement desdites dispositions. Il ne peut dès lors utilement invoquer leur méconnaissance par le préfet de police.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) ". Aux termes de l'article L. 721-4 du même code : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Par ailleurs, aux termes du 2° du paragraphe A de l'article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951, la qualité de réfugié est notamment reconnue à " toute personne qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité ou de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays (...) ". Aux termes de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d'une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi. ". Et aux termes de l'article 3 de cette convention : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".

7. Si M. A... soutient qu'il souffre d'une grave maladie, qu'aucun traitement ne lui sera accessible au Bangladesh, son pays d'origine, et qu'il encourt ainsi des risques en cas de retour dans ce pays, il n'apporte à l'appui de sa demande aucun élément ni aucune pièce permettant d'en apprécier le bien-fondé. Il n'apporte pas davantage d'élément établissant qu'il serait menacé d'agression et persécuté dans son pays d'origine. Il n'est donc pas fondé à soutenir que le préfet de police aurait, en prenant l'arrêté litigieux l'éloignant à destination du Bangladesh ou de tout autre pays dans lequel il établit être légalement admissible, méconnu les dispositions et stipulations précitées.

8. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ". Et aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

9. M. A... soutient qu'il réside en France depuis plusieurs années et que ses amis et ses projets sont sur le territoire français. Il est toutefois célibataire, sans charge de famille, et il a vécu au Bangladesh jusqu'à l'âge de trente-trois ans. Le préfet de police n'a donc pas méconnu les dispositions et stipulations précitées en l'obligeant à quitter le territoire français. Il n'a pas, pour les mêmes motifs, commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de son arrêté sur la situation personnelle de M. A....

10. En dernier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 9 du présent arrêt que la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, la décision fixant le pays de destination n'est pas dépourvue de base légale.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 7 novembre 2022. Ses conclusions à fin d'annulation ainsi, par voie de conséquence, que ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent donc être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 25 juin 2024 à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Marianne Julliard, présidente assesseure,

- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er juillet 2024.

La rapporteure,

G. B...Le président,

I. LUBENLa greffière,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA02466

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA02466
Date de la décision : 01/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JULLIARD
Rapporteur ?: Mme Gaëlle MORNET
Rapporteur public ?: Mme DÉGARDIN
Avocat(s) : PERATOU

Origine de la décision
Date de l'import : 07/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-01;23pa02466 ?
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