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28/06/2024 | FRANCE | N°23PA03025

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 5ème chambre, 28 juin 2024, 23PA03025


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 26 avril 2023 par lequel le préfet des Yvelines l'a maintenu en rétention administrative.



Par un jugement n° 2304276 du 16 mai 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté du 26 avril 2023 du préfet des Yvelines et lui a enjoint d'enregistrer la demande d'asile de M. A... B... en procédure normale dans un délai de sept

jours à compter de la notification du jugement.



Par une requête, enregistrée le 10 juillet ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 26 avril 2023 par lequel le préfet des Yvelines l'a maintenu en rétention administrative.

Par un jugement n° 2304276 du 16 mai 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté du 26 avril 2023 du préfet des Yvelines et lui a enjoint d'enregistrer la demande d'asile de M. A... B... en procédure normale dans un délai de sept jours à compter de la notification du jugement.

Par une requête, enregistrée le 10 juillet 2023, le préfet des Yvelines demande à la Cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Melun.

Il soutient que :

- le moyen retenu par le tribunal est mal fondé dès lors que la demande d'asile déposée par le requérant présentait un caractère dilatoire, peu important la circonstance qu'aucune décision fixant le pays de renvoi n'ait encore été prise ;

- les autres moyens avancés par M. B... dans sa requête de première instance ne sont pas fondés.

La requête du préfet des Yvelines a été communiquée à M. B... qui n'a pas produit d'observations en défense ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Dubois a été entendu lors de l'audience publique du 6 juin 2024.

1. M. B..., ressortissant marocain né le 20 mai 1998 à Laayoune au Maroc, a été condamné le 4 mai 2022 par le tribunal correctionnel de Versailles à une peine de trois ans d'emprisonnement pour des faits de violence par une personne en état d'ivresse manifeste suivie d'incapacité supérieure à huit jours ainsi qu'à la peine complémentaire d'interdiction définitive du territoire français. Il a été incarcéré au centre pénitentiaire de Bois-d'Arcy d'où il a été libéré le 21 avril 2023. Par arrêté du 20 avril 2023, le préfet des Yvelines l'a placé en rétention administrative en application de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, placement prolongé par une ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Meaux du 23 avril 2023. En cours de rétention administrative, M. B... a déposé une demande d'asile le 25 avril 2023 qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 4 mai 2023. Par arrêté du 26 avril 2023, le préfet des Yvelines a maintenu M. B... en rétention administrative en application de l'article L. 754-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet des Yvelines relève appel du jugement du 16 mai 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a annulé cet arrêté et lui a enjoint d'enregistrer la demande d'asile de M. A... B... en procédure normale dans un délai de sept jours à compter de la notification du jugement.

Sur le moyen d'annulation retenu par le juge de première instance :

2. Aux termes de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quarante-huit heures, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision. / Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3 ". Aux termes de l'article L. 731-1 du même code : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : (...) 7° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une peine d'interdiction judiciaire du territoire prononcée en application du deuxième alinéa de l'article 131-30 du code pénal ". Aux termes de l'article L. 754-3 de ce code : " Si la France est l'État responsable de l'examen de la demande d'asile et si l'autorité administrative estime, sur le fondement de critères objectifs, que cette demande est présentée dans le seul but de faire échec à l'exécution de la décision d'éloignement, elle peut prendre une décision de maintien en rétention de l'étranger pendant le temps strictement nécessaire à l'examen de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et, en cas de décision de rejet ou d'irrecevabilité de celle-ci, dans l'attente de son départ ". L'article L. 721-3 du code dispose : " L'autorité administrative fixe, par une décision distincte de la décision d'éloignement, le pays à destination duquel l'étranger peut être renvoyé en cas d'exécution d'office (...) d'une peine d'interdiction du territoire français (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que, hors le cas particulier où il a été placé en rétention en vue de l'exécution d'une décision de transfert vers l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile, il doit en principe être mis fin à la rétention administrative d'un étranger qui formule une demande d'asile. Toutefois, l'administration peut maintenir l'intéressé en rétention, par une décision écrite et motivée, dans le cas où elle estime que sa demande d'asile a été présentée dans le seul but de faire échec à l'exécution de la mesure d'éloignement prise à son encontre.

4. Pour annuler l'arrêté du 26 avril 2023 par lequel le préfet des Yvelines, après avoir estimé que le dépôt par M. B..., le 25 avril 2023, d'une demande d'asile avait pour seul but de faire échec à l'exécution de la mesure d'interdiction judiciaire du territoire français dont il était l'objet, a maintenu M. B... en rétention, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a estimé que, faute de fixation par l'autorité administrative du pays de renvoi de M. B..., la décision d'interdiction judiciaire du territoire ne pouvait recevoir d'exécution, de sorte que la demande d'asile présentée par l'intéressé ne pouvait avoir pour seul but de faire échec à son exécution.

5. Cependant, il ressort des pièces du dossier que M. B... n'a déposé sa demande d'asile que le 25 avril 2023, quatre jours après son placement en rétention, alors que l'intéressé, entré en France en septembre 2020 selon ses affirmations, n'avait jusqu'à présent jamais demandé l'asile ni fait état de menaces en cas de retour dans son pays d'origine. Dans ces conditions, et alors même qu'il n'avait pas pris de décision fixant le pays de renvoi de M. B..., le préfet des Yvelines a pu légalement estimer que la demande d'asile déposée au cours de sa rétention avait pour seul but de faire échec à cette mesure d'interdiction judiciaire du territoire, dont le caractère exécutoire n'était pas subordonné à l'édiction d'une décision distincte fixant le pays de destination. Il s'ensuit que le préfet des Yvelines est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a annulé pour ce motif son arrêté du 26 avril 2023 et lui a enjoint d'enregistrer la demande d'asile de M. B... en procédure normale.

6. Il appartient, toutefois, à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif de Melun.

Sur les autres moyens invoqués devant le tribunal administratif de Melun :

7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 754-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger peut demander au président du tribunal administratif l'annulation de la décision de maintien en rétention prévue à l'article L. 754-3 dans les quarante-huit heures suivant sa notification afin de contester les motifs retenus par l'autorité administrative pour estimer que sa demande d'asile a été présentée dans le seul but de faire échec à l'exécution de la décision d'éloignement ".

8. Il résulte des termes mêmes des dispositions précitées que l'annulation d'une décision par laquelle l'autorité administrative maintient en rétention un étranger pendant le temps strictement nécessaire à l'examen de sa demande d'asile ne peut être utilement demandée que dans la mesure de la contestation des motifs retenus par l'autorité administrative pour estimer que sa demande d'asile a été présentée dans le seul but de faire échec à l'exécution de la mesure d'éloignement. Il s'ensuit que les moyens relevant de la légalité externe de l'arrêté du 26 avril 2023 ainsi que ceux tirés de la méconnaissance du droit au recours effectif, des stipulations de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de celles de l'article R. 521-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peuvent qu'être écartés comme inopérants.

9. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet des Yvelines est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a annulé son arrêté du 26 avril 2023 et lui a enjoint d'enregistrer la demande d'asile de M. B... en procédure normale dans un délai de sept jours à compter de la notification du jugement. Il y a lieu en conséquence d'annuler ce jugement et de rejeter les conclusions de la demande de M. B... auxquelles il a été fait droit en première instance.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2304276 du 16 mai 2023 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... B... devant le tribunal administratif de Melun est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et de l'outre-mer et à M. A... B....

Copie en sera adressée au préfet des Yvelines.

Délibéré après l'audience du 6 juin 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Vinot, présidente de chambre,

M. Marjanovic, président-assesseur,

M. Dubois, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 28 juin 2024.

Le rapporteur,

J. DUBOISLa présidente,

H. VINOT

La greffière,

A. MAIGNAN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA03025


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA03025
Date de la décision : 28/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: M. Jacques DUBOIS
Rapporteur public ?: M. PERROY
Avocat(s) : SELARL CENTAURE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-28;23pa03025 ?
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