La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/06/2024 | FRANCE | N°22PA04183

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 5ème chambre, 28 juin 2024, 22PA04183


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



L'union des syndicats des personnels des affaires culturelles a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler, d'une part, l'arrêté du 12 juillet 2018 de la ministre de la culture portant nomination de M. B... en qualité d'administrateur général de l'Etablissement public du musée du Louvre à compter du 11 juillet 2018 et l'arrêté rectificatif du 12 juillet 2018 portant nomination de M. B... en qualité d'administrateur général de cet établissement à compter du 13 j

uillet 2018, ensemble la décision implicite rejetant son recours gracieux dirigé contre c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'union des syndicats des personnels des affaires culturelles a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler, d'une part, l'arrêté du 12 juillet 2018 de la ministre de la culture portant nomination de M. B... en qualité d'administrateur général de l'Etablissement public du musée du Louvre à compter du 11 juillet 2018 et l'arrêté rectificatif du 12 juillet 2018 portant nomination de M. B... en qualité d'administrateur général de cet établissement à compter du 13 juillet 2018, ensemble la décision implicite rejetant son recours gracieux dirigé contre ces arrêtés et, d'autre part, l'ensemble des décisions prises par M. B... depuis sa nomination ;

Par un jugement n° 1900190 du 13 juillet 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 13 septembre 2022, 31 octobre 2022 et 23 janvier 2024, l'union des syndicats des personnels des affaires culturelles (CGT-Culture), représentée par Me Crusoé, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 13 juillet 2022 ;

2°) de faire droit à ses conclusions de première instance ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- le jugement n'est pas signé par le président, le rapporteur et le greffier de séance ;

- le jugement est entaché d'une contradiction de motifs dès lors que l'article 1er admet

" l'intervention " de l'Etablissement public du musée du Louvre et qu'à l'article 4 et au point 11 des motifs, fait droit aux conclusions présentées par cet établissement au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au regard de sa qualité de " partie à l'instance " ;

- le jugement est insuffisamment motivé s'agissant des motifs permettant de retenir que l'article 61 de la loi du 11 janvier 1984 est inapplicable en l'espèce ;

Sur la légalité des arrêtés contestés :

- ils sont entachés d'un vice d'incompétence de son signataire ;

- la vacance du poste devait être publiée en application de l'article 61 de la loi du 11 janvier 1984, et l'absence de publication constitue un vice de procédure qui entache d'illégalité la nomination de M. B... ;

- les dispositions de l'article 20 du décret du 22 décembre 1992 portant création de l'Etablissement public du musée du Louvre font obstacle à ce que l'emploi de l'administrateur général de l'Etablissement public du musée du Louvre puisse être qualifié d'emploi à la décision du gouvernement ;

- la nomination de M. B... à cet emploi a méconnu le principe d'égal accès à l'emploi public ;

- les arrêtés sont entachés d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 janvier 2023, la ministre de la culture conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de la CGT-Culture une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par deux mémoires en observations enregistrés le 26 avril 2023 et le 6 mars 2024, l'Etablissement public du musée du Louvre (EPML) demande le rejet de la requête et que la CGT-Culture lui verse une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

La procédure a été communiquée à M. B..., qui n'a pas produit d'observations.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative que la Cour est susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité des conclusions tendant à l'annulation de l'ensemble des décisions prises par M. B... dès lors, d'une part, que la requête ne désigne pas de manière suffisamment précise les décisions ainsi attaquées et, d'autre part, que l'Union des syndicats des personnels des affaires culturelles ne justifie pas d'un intérêt à demander leur annulation.

En réponse au moyen soulevé d'office par la Cour, l'union des syndicats des personnels des affaires culturelles (CGT-Culture) a, par un mémoire enregistré le 14 mai 2024, déclaré se désister de ses conclusions portant sur la demande d'annulation de l'ensemble des décisions prises par M. B... depuis sa nomination.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 85-779 du 24 juillet 1985 ;

- le décret n° 92-1338 du 22 décembre 1992 ;

- le décret n° 96-339 du 17 avril 1996 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné Mme Briançon, présidente honoraire, pour exercer les fonctions de rapporteur au sein de la 5ème chambre.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Briançon,

- les conclusions de M. Perroy, rapporteur public,

- les observations de Me Crusoé, représentant l'union des syndicats des personnels des affaires culturelles, de Me Magnaval, représentant la ministre de la culture et de Me Benoit représentant l'Etablissement public du musée du Louvre.

Des notes en délibéré ont été présentées pour l'Etablissement public du musée du Louvre le 24 mai 2024 et pour l'union des syndicats des personnels des affaires culturelles le 29 mai 2024.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 12 juillet 2018, la ministre de la culture a nommé M. B... administrateur général de l'Etablissement public du musée du Louvre (EPML). Par arrêté rectificatif du même jour, il a été précisé que cette nomination intervient à compter du 13 juillet 2018. Le 7 septembre 2018, l'union des syndicats des personnels des affaires culturelles CGT (CGT-Culture) a formé un recours gracieux à l'encontre de ces deux arrêtés. La CGT-Culture relève appel du jugement du 13 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux ainsi que de l'ensemble des décisions prises par M. B... depuis sa nomination.

Sur le désistement partiel :

2. Dans son mémoire enregistré le 14 mai 2024, l'union des syndicats des personnels des affaires culturelles (CGT-Culture) s'est désistée de ses conclusions aux fins d'annulation de l'ensemble des décisions prises par M. B... depuis sa nomination. Ce désistement est pur et simple. Rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte.

Sur la légalité des arrêtés du 12 juillet 2018 :

3. D'une part, aux termes de l'article 61 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, alors applicable : " Les autorités compétentes sont tenues de faire connaître au personnel, dès qu'elles ont lieu, les vacances de tous emplois, sans préjudice des obligations spéciales imposées en matière de publicité par la législation sur les emplois réservés. ". Aux termes de l'article 25 de cette même loi, alors applicable : " Un décret en Conseil d'Etat détermine, pour chaque administration et service, les emplois supérieurs pour lesquels les nominations sont laissées à la décision du Gouvernement. (...) Les nominations aux emplois mentionnés à l'alinéa premier du présent article sont essentiellement révocables, qu'elles concernent des fonctionnaires ou des non-fonctionnaires. ".

4. D'autre part, aux termes de l'article 19 du décret du 22 décembre 1992 portant création de l'Etablissement public du musée du Louvre : " Le président dirige l'établissement public. A ce titre : 1° Il prépare les délibérations du conseil d'administration et en exécute les décisions ; 2° Il est ordonnateur des recettes et des dépenses ; (...) 5° Il représente l'établissement (...) 6° Il gère le personnel (...) 8° Il décide, au nom du ministre chargé de la culture, des acquisitions réalisées dans les conditions prévues à l'article 4-1 (...) 9° Il signe les contrats et conventions engageant l'établissement ; il est la personne responsable des marchés (...) 10° Il conclut les transactions et passe les actes d'acquisition, d'échanges et de vente concernant les immeubles (...) 11° Il préside le comité technique et le comité d'hygiène et de sécurité. / Il rend compte de sa gestion au conseil d'administration ", et aux termes de l'article 20 de ce décret : " L'administrateur général est, sous l'autorité du président, chargé de l'administration et de la gestion de l'établissement public. Il prépare et met en œuvre les décisions du président et du conseil d'administration ".

5. Enfin, aux termes de l'article 2 du décret du 17 avril 1996 portant statut d'emploi de l'administrateur général de l'Etablissement public du musée du Louvre : " L'administrateur général de l'Etablissement public du musée du Louvre est nommé par arrêté du ministre chargé de la culture sur proposition du président de l'établissement. Peuvent être nommés administrateur général de l'Etablissement public du musée du Louvre : 1° Les fonctionnaires titulaires justifiant de huit années d'ancienneté au moins dans l'un des corps recrutés par la voie de l'Ecole nationale d'administration et ayant satisfait à l'obligation de mobilité prévue par le décret n° 2008-15 du

4 janvier 2008 ; 2° Les membres du corps de l'inspection générale des affaires culturelles ; 3° Les fonctionnaires justifiant de dix ans d'ancienneté au moins dans un corps, cadre d'emplois ou emploi de catégorie A ou de même niveau et ayant atteint au moins l'indice brut 901 ". L'article

2 bis de ce décret dispose que " Le fonctionnaire nommé en qualité d'administrateur général de l'Etablissement public du musée du Louvre est placé en position de détachement dans son corps d'origine. / Il est classé à l'échelon comportant un indice immédiatement supérieur à celui dont il bénéficiait dans le grade ou cadre d'emplois qu'il détenait ou l'emploi qu'il occupait au cours des six derniers mois précédant sa nomination. / Il conserve, dans la limite de la durée des services exigée pour l'accès à l'échelon supérieur dans l'emploi d'administrateur général du musée du Louvre, l'ancienneté d'échelon acquise dans son grade, cadre d'emplois ou emploi (...) ". Aux termes de l'article 3 de ce même décret : " Le fonctionnaire occupant l'emploi d'administrateur général de l'Etablissement public du musée du Louvre peut se voir retirer cet emploi dans l'intérêt du service. ".

6. En vertu de l'article 61 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, les autorités compétentes doivent faire connaître au personnel les vacances de tous les emplois. Aucune disposition du décret du 17 avril 1996 portant statut d'emploi de l'administrateur général de l'Etablissement public du musée du Louvre, ouvert uniquement aux fonctionnaires, ou du décret du 22 décembre 1992 portant création de l'Etablissement public du musée du Louvre, ne dispense le ministre de la culture de cette formalité préalablement à la nomination de l'administrateur général de l'Etablissement public du musée du Louvre.

7. Le ministre de la culture et l'Etablissement public du musée du Louvre soutiennent, il est vrai, que la nomination de l'administrateur général de l'Etablissement public du musée du Louvre relève de la dérogation prévue par l'article 25 de la loi du 11 janvier 1984 pour les emplois supérieurs laissés à la décision du Gouvernement.

8. Cependant, en premier lieu, l'emploi de l'administrateur général de l'Etablissement public du musée du Louvre ne figure pas sur la liste des emplois fixée par le décret du

24 juillet 1985 pris en application de cet article qui détermine, pour chaque administration et service, les emplois supérieurs pour lesquels les nominations ne sont pas soumises aux règles fixées par le statut général des fonctionnaires.

9. En second lieu, en application de la combinaison des articles 2 et 2 bis du décret du

17 avril 1996, l'emploi de l'administrateur général de l'Etablissement public du musée du Louvre est ouvert, exclusivement, à plusieurs catégories de fonctionnaires précisément identifiés par cet article, par la voie du détachement. L'article 2 du décret prévoit que la nomination à cet emploi, qui relève de la compétence du seul ministre chargé de la culture, ne peut intervenir que sur proposition du président de l'établissement. Compte tenu des conditions restrictives auxquelles est ainsi soumise la nomination de l'administrateur général de l'Etablissement public du musée du Louvre, cet emploi ne saurait être qualifié d'emploi supérieur à la décision du gouvernement.

10. Par suite, et à supposer que les caractéristiques de l'emploi de l'administrateur général de l'Etablissement public du musée du Louvre, fixées par les dispositions du décret du 22 décembre 1992 portant création de cet établissement, puissent être regardées comme étant de nature à relever d'un emploi supérieur à la décision du gouvernement, la CGT-Culture est fondée à soutenir que les arrêtés du 12 juillet 2018 portant nomination de M. B... sur cet emploi, dont la vacance n'avait pas fait l'objet de la publicité préalable exigée par l'article 61 de la loi du 11 janvier 1984, ont méconnu les dispositions de cet article.

11. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que la CGT-Culture est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué et celle des arrêtés du 12 juillet 2018 portant nomination de M. B... en qualité d'administrateur général de l'Etablissement public du musée du Louvre à compter du

13 juillet 2018.

Sur les frais liés à l'instance :

12. D'une part, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat de versement de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la CGT-Culture et non compris dans les dépens. D'autre part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la CGT-Culture, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à l'Etat et à l'EPML une somme au titre des frais liés à l'instance.

DECIDE:

Article 1er : Il est donné acte du désistement des conclusions de l'union des syndicats des personnels des affaires culturelles (CGT-Culture) tendant à l'annulation des décisions prises par M. B... en qualité d'administrateur général de l'Etablissement public du musée du Louvre.

Article 2 : Le jugement n° 1900190 du 13 juillet 2022 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté la demande de la CGT-Culture tendant à l'annulation des arrêtés du 12 juillet 2018 de la ministre de la culture portant nomination de M. B... en qualité d'administrateur général de l'Etablissement public du musée du Louvre à compter du 13 juillet 2018, et les arrêtés du 12 juillet 2018 de la ministre de la culture, sont annulés.

Article 3 : L'Etat versera à la CGT-Culture une somme de 2 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, respectivement, par l'Etat et par l'Etablissement public du musée du Louvre, sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'union des syndicats des personnels des affaires culturelles (CGT-Culture), à la ministre de la culture, à l'Etablissement public du musée du Louvre et à M. A... B....

Délibéré après l'audience du 23 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de chambre,

- Mme Briançon, présidente honoraire,

- M. Dubois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 juin 2024.

La rapporteure,

C. BRIANÇON

La présidente,

H. VINOT

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne à la ministre de la culture en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

2

N° 22PA04183


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA04183
Date de la décision : 28/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: Mme Claudine BRIANÇON
Rapporteur public ?: M. PERROY
Avocat(s) : CLL AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-28;22pa04183 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award