Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société en nom collectif (SNC) OCS a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 28 octobre 2022 par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a répondu à sa demande de rescrit, présentée sur le fondement du 1° de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, que les offres qu'elle commercialise, comprenant des abonnements à des services de télévision et l'accès à des services de médias audiovisuels à la demande, devaient être soumis au taux normal de 20% de taxe sur la valeur ajoutée, et d'enjoindre sous astreinte au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique de procéder au réexamen de cette demande, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
Par un jugement n° 2226752/2-1 du 26 mars 2024, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 28 octobre 2022, enjoint au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique de procéder au réexamen de la demande de la SNC OCS dans un délai d'un mois et mis à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 18 avril 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande à la Cour :
1°) de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 2226752/2-1 rendu par le Tribunal administratif de Paris le 26 mars 2024.
Il soutient que :
- pour conclure au caractère accessoire des prestations de télévision de rattrapage étendu (TVRE), le tribunal a relevé qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier que l'accès à la TVRE serait prépondérant sur la télévision de rattrapage (TVR), alors qu'une telle prépondérance est sans incidence sur le caractère accessoire de l'un ou l'autre de ces services ; en déduisant de cette prépondérance que les prestations offertes par la SNC OCS relevaient du taux réduit de 10 %, le tribunal a méconnu l'article 279 du code général des impôts ;
- la prestation d'accès à la TVRE n'ayant pas le caractère de prestation accessoire à la prestation principale que serait la télévision linéaire, le tribunal devait rejeter les conclusions aux fins d'annulation présentée par la société OCS.
Par un mémoire en défense enregistré le 10 mai 2024, la SNC OCS, représentée par la société d'avocats CMS Francis Lefebvre, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 13 mai 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 29 mai 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu la requête n° 24PA01785 enregistrée le 18 avril 2024, par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande à la Cour l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Paris n° 2226752/2-1 du 26 mars 2024.
Vu :
- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système de la taxe sur la valeur ajoutée ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme de Phily,
- les conclusions de M. Segretain, rapporteur public,
- et les observations de Me Ashworth et Me Merchadier, pour la société OCS.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article R. 811-15 du code de justice administrative : " Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement ".
2. Aux termes de l'article 257 ter du code général des impôts : " I. Chaque opération imposable à la taxe sur la valeur ajoutée est considérée comme étant distincte et indépendante et suit son régime propre déterminé en fonction de son élément principal ou de ses éléments autres qu'accessoires. /L'étendue d'une opération est déterminée, conformément au II, à l'issue d'une appréciation d'ensemble réalisée du point de vue du consommateur, envisagé comme un consommateur moyen, tenant compte de l'importance qualitative et quantitative des différents éléments en cause ainsi que de l'ensemble des circonstances dans lesquelles l'opération se déroule. /II. Relèvent d'une seule et même opération les éléments qui sont si étroitement liés qu'ils forment, objectivement, une seule prestation économique indissociable dont la décomposition revêtirait un caractère artificiel. /Lorsqu'un élément est accessoire à un ou plusieurs autres éléments, il relève de la même opération que ces derniers. " Aux termes de l'article 278-0 du code général des impôts : " Lorsqu'une opération comprend des éléments autres qu'accessoires relevant de taux différents, le taux applicable à cette opération est le taux le plus élevé parmi les taux applicables à ces différents éléments. ".
3. En premier lieu, le moyen tiré de ce que le tribunal s'est fondé, pour annuler la décision du ministre, sur le caractère prépondérant de l'une des prestations fournies dans le cadre d'une opération unique au sens de l'article 257 ter précité, alors qu'il y a lieu, pour déterminer le caractère accessoire d'une prestation au sens de l'article 278-0 du code général des impôts, de rechercher si ladite prestation n'a aucune logique économique propre en dehors de la prestation principale, paraît en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier l'annulation du jugement attaqué.
4. En deuxième lieu, le moyen tiré de ce que le service de télévision de rattrapage étendu (TVRE) commercialisé par la société OCS permet l'accès à un catalogue étendu qui va au-delà de la composante linéaire de l'offre et rejoint de ce fait les possibilités offertes par un service de vidéo à la demande, et ne peut être qualifié d'accessoire au sens de l'article 278-0 précité, paraît en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par le jugement attaqué.
5. Dans ces conditions, il y a lieu d'ordonner le sursis à l'exécution du jugement du Tribunal administratif de Paris.
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société OCS demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la requête formée par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique contre le jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 26 mars 2024 il sera sursis à l'exécution de ce jugement.
Article 2 : Les conclusions présentées par la société OCS tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la société OCS.
Délibéré après l'audience du 12 juin 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- Mme Topin, présidente assesseure,
- Mme de Phily, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 juin 2024.
La rapporteure,
A. DE PHILYLe président,
I. BROTONS
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24PA01786 2