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26/06/2024 | FRANCE | N°23PA05308

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 2ème chambre, 26 juin 2024, 23PA05308


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 3 juillet 2023 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'exécution de la mesure d'éloignement.



Par un jugement n° 2318495/6-1 du 24 novembre 2023, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 3 juillet 2

023 du préfet de police, enjoint à ce préfet de délivrer à Mme B... un titre de séjour portant la mentio...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 3 juillet 2023 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'exécution de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2318495/6-1 du 24 novembre 2023, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 3 juillet 2023 du préfet de police, enjoint à ce préfet de délivrer à Mme B... un titre de séjour portant la mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise " dans un délai de deux mois à compter de sa notification et mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros au conseil de Mme B... en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire ampliatif enregistrés les 21 décembre 2023 et 15 janvier 2024, le préfet de police demande à la Cour

1°) d'annuler ce jugement n°2318495/6-1 du 24 novembre 2023 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande de première instance de Mme B....

Il soutient que :

- s'il est constant qu'il ne pouvait opposer dans l'arrêté litigieux, la circonstance que le diplôme de l'intéressée ne figurait pas dans la liste fixée par le pouvoir réglementaire, c'est en revanche à tort que les premiers juges ont écarté la substitution de motif demandée, fondée sur les dispositions combinées des articles L. 422-10 et R. 431-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et sur les termes du point 26 de l'annexe 10 à ce code, tirée de ce que la délivrance du titre de séjour sollicité est subordonnée à la condition que la demande soit présentée dans l'année civile d'obtention du dernier diplôme, au moins équivalent au grade de master ou figurant sur une liste fixée par décret ;

- les autres moyens soulevés par l'intéressée en première instance, ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 avril 2024, Mme B... représentée par Me Baptiste Hervieux, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la condition opposée par le préfet, tenant à l'obtention du diplôme requis pour la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " recherche d'emploi " dans l'année précédant la demande de délivrance, n'est pas prévue par les dispositions applicables ;

- l'annexe 10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est en tout état de cause pas suffisamment claire sur cet aspect ;

- le diplôme de master ne lui est parvenu par voie postale que le 26 mai 2021, soit moins d'un an avant la demande de titre ;

- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'incompétence de son auteur ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'erreurs de fait ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est entachée d'incompétence de son auteur ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de renvoi est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français.

Par une ordonnance du 22 avril 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 mai 2024 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Jayer,

- et les observations de Me Hervieux, avocat de Mme B....

Une note en délibéré, présentée pour Mme B..., a été enregistrée le 12 juin 2024.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante marocaine née le 3 février 1997, est entrée en France le 8 septembre 2018 munie d'un visa de long séjour valant titre de séjour en qualité d'étudiante, valable du 25 août 2018 au 25 août 2019. Elle a ensuite obtenu la délivrance d'un titre de séjour en cette même qualité, renouvelé jusqu'au 7 juin 2022. Le 18 mai 2022, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " recherche d'emploi et création d'entreprise " sur le fondement des dispositions de l'article L. 422-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 3 juillet 2023, le préfet de police a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée en cas d'exécution de la mesure d'éloignement. Le préfet de police relève appel du jugement du 24 novembre 2023 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 3 juillet 2023.

Sur le bien-fondé de l'annulation prononcée par le jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 422-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, issu de l'ordonnance du 16 décembre 2020 portant partie législative du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version en vigueur du 1er mai 2021 au 28 janvier 2024 : " L'étranger titulaire d'une assurance maladie qui justifie (...) avoir été titulaire d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention " étudiant " délivrée sur le fondement des articles L. 422-1, L. 422-2 ou L. 422-6 et avoir obtenu dans un établissement d'enseignement supérieur habilité au plan national un diplôme au moins équivalent au grade de master ou figurant sur une liste fixée par décret (...), se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise " d'une durée d'un an dans les cas suivants : 1° Il entend compléter sa formation par une première expérience professionnelle, sans limitation à un seul emploi ou à un seul employeur / 2° Il justifie d'un projet de création d'entreprise dans un domaine correspondant à sa formation ou à ses recherches ". Aux termes de l'article R. 313-11-1 du même code, dans sa rédaction applicable jusqu'au 1er mai 2021 : " Pour l'application du 1° du I de l'article L. 313-8, l'étranger qui sollicite la délivrance de la carte de séjour temporaire portant la mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise " présente à l'appui de sa demande, outre les pièces prévues aux articles R. 311-2-2 et R. 313-1, les pièces suivantes (...) 2° Un diplôme, obtenu dans l'année, au moins équivalent au grade de master ou figurant sur une liste fixée par décret (...) La liste des diplômes au moins équivalents au grade de master est établie par arrêté du ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche ". Aux termes de l'article R. 431-11 du même code en vigueur depuis le 1er mai 2021 : " L'étranger qui sollicite la délivrance d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande les pièces justificatives dont la liste est fixée par arrêté annexé au présent code ". En vertu du point 26 de l'annexe 10 au code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, issu de l'arrêté du 4 mai 2022 fixant la liste des pièces justificatives exigées pour la délivrance des titres de séjour prévus par le livre IV de ce code, doit être présenté, à l'appui d'une demande de délivrance d'un titre de séjour portant la mention " recherche d'emploi/création d'entreprise ", un : " (...) - diplôme de grade au moins équivalent au master ou diplômes de niveau I labellisés par la Conférence des grandes écoles ou diplôme de licence professionnelle obtenu dans l'année dans un établissement d'enseignement supérieur habilité au plan national ou attestation de réussite définitive au diplôme (...) ".

3. Il est constant que, pour refuser à Mme B... la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise " en vue d'exercer une première expérience professionnelle en France dans la continuité des études accomplies, le préfet de police ne pouvait opposer à l'intéressée la circonstance que le diplôme présenté " ne figur(ait) pas sur la liste fixée par arrêté du 12 mai 2011 ", dès lors qu'en ayant obtenu, le 29 mars 2021, un master en sciences sociales et humaines, mention tourisme, délivré par l'université du Littoral,

celle-ci justifie souscrire à la condition prévue par l'article L. 422-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

4. Le préfet de police a toutefois sollicité en première instance une substitution de motif et soutient que, pour refuser de délivrer à Mme B... le titre sollicité prévu par les dispositions précitées, il pouvait se fonder sur la circonstance que la requérante avait obtenu son diplôme de master depuis plus d'un an lorsqu'elle a déposé sa demande de titre de séjour, et que celui-ci était ainsi trop ancien. Toutefois, depuis le 1er mai 2021 et l'abrogation des dispositions précitées de l'ancien article R. 313-11-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il n'est plus exigé par aucun texte législatif ou réglementaire que l'étranger dépose sa demande dans un délai d'un an à compter de l'obtention de son diplôme. Par suite, en se fondant sur le point 26 de l'annexe 10 au code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors que ce document a pour seul objet de récapituler les pièces justificatives à fournir selon les catégories de titre de séjour et ne saurait ajouter une condition supplémentaire à l'octroi du titre sollicité, le préfet de police fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 422-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. Il résulte de ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à se soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé ses décisions contenues dans l'arrêté du 3 juillet 2023 portant refus de délivrance de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de destination et lui a enjoint de délivrer à Mme B... un titre de séjour portant la mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Sur les frais liés à l'instance :

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme B... la somme de 1 500 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera Mme B... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à Mme A... B... et au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 12 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Topin, présidente assesseure,

- Mme Jayer, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 juin 2024.

La rapporteure,

M-D. JAYERLe président,

I. BROTONS

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA05308


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA05308
Date de la décision : 26/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Marie-Dominique JAYER
Rapporteur public ?: M. SEGRETAIN
Avocat(s) : HERVIEUX

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-26;23pa05308 ?
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