Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Akka Technologies, en qualité de société mère de l'intégration fiscale comprenant les sociétés Akka Ingénierie Produit, Akka IetS, et Akka Informatique et Systèmes a demandé au Tribunal administratif de Montreuil, à titre principal, de prononcer la restitution d'une créance de crédit d'impôt recherche déclaré au titre de l'année 2012 pour un montant de 5 473 810 euros et, à titre subsidiaire, de prononcer la restitution d'une créance de crédit d'impôt recherche déclaré au titre de l'année 2012 pour un montant de 1 947 596 euros.
Par un jugement n° 2009235/1 du 8 décembre 2022, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 2 février, 6 mars et 24 novembre 2023, la société Akka Technologies, représentée par Me Emmanuel Glaser, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 8 décembre 2022 du Tribunal administratif de Montreuil ;
2°) de prononcer la restitution sollicitée devant ce tribunal à titre principal et à titre subsidiaire ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement du tribunal est entaché d'erreurs de droit, de qualification, d'erreurs de fait ainsi que de dénaturation des pièces du dossier ;
- le jugement attaqué est également irrégulier dès lors que le tribunal a méconnu son office en ne déduisant pas du silence gardé par l'administration sur des pièces produites un acquiescement aux faits ;
- la restitution totale doit être prononcée au regard de la jurisprudence Sopra Steria du Conseil d'Etat, dès lors qu'il est démontré que les travaux de recherche déclarés au titre du crédit d'impôt recherche ont été réalisés pour le propre compte des sociétés Akka Ingénierie Produit, Akka IetS, et Akka Informatique et Systèmes ;
- à titre subsidiaire, en application de la jurisprudence Takima et au regard des pièces justificatives produites, la restitution d'un crédit d'impôt de 1 947 596 euros, correspondant au montant des dépenses de recherche engagées pour des opérations confiées par des donneurs d'ordre, doit être prononcée.
Par un mémoire en défense enregistré le 25 septembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 29 janvier 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 20 février 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Topin,
- les conclusions de M. Segretain, rapporteur public,
- et les observations de Me Glaser, représentant la société Akka Technologies ainsi que les explications de M. A... expert mandaté par la société Akka Technologies.
Considérant ce qui suit :
1. La société la société Akka Technologies, en qualité de société mère de l'intégration fiscale comprenant les sociétés Akka Ingénierie Produit, Akka IetS, et Akka Informatique et Systèmes, a, le 21 décembre 2016, demandé le remboursement d'un crédit d'impôt recherche d'un montant de 17 665 459 euros au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2012. A l'issue des vérifications de comptabilité des sociétés Akka Ingénierie Produit, Akka IetS et Akka Informatique et Systèmes, l'administration a remis en cause une partie du crédit d'impôt recherche déclaré par ces sociétés. La société Akka Technologies a demandé au Tribunal administratif de Montreuil la restitution d'une créance de crédit d'impôt recherche de l'année 2012 d'un montant de 5 473 810 euros et à titre subsidiaire la restitution de 1 947 596 euros au même titre et pour le même exercice clos en 2012. Par un jugement du 8 décembre 2022, dont la société Akka Technologies relève appel, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses demandes.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, les moyens tirés des erreurs de droit et de fait, de l'erreur de qualification juridique des faits et de la dénaturation des écritures de première instance par le tribunal critiquent non la régularité mais le bien-fondé du jugement. Il ne peuvent qu'être écartés comme inopérants eu égard à l'office du juge d'appel.
3. En second lieu, aux termes aux termes de l'article R. 612-3 du code de justice administrative : " (...) lorsqu'une des parties appelées à produire un mémoire n'a pas respecté le délai qui lui a été imparti (...), le président de la formation de jugement ou le président de la chambre chargée de l'instruction peut lui adresser une mise en demeure / (...) ". Aux termes de l'article R. 612-6 de ce code : " Si, malgré une mise en demeure, la partie défenderesse n'a produit aucun mémoire, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans les mémoires du requérant ".
4. La société Akka Technologies soutient que les premiers juges ont méconnu leur office en ne constatant pas l'acquiescement aux faits de l'administration qui n'a pas contesté un certain nombre de documents produits par elle en cours d'instruction. Toutefois, en l'absence de mise en demeure du défendeur, ainsi que le prévoit l'article R. 612-6 du code de justice administrative, aucun acquiescement ne pouvait se déduire du silence gardé par l'administration sur les pièces produites. Par suite ce moyen doit être, en tout état de cause, écarté.
Sur les conclusions à fin de restitution :
5. Aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts, dans sa version applicable au litige : " I. Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année. (...) / II. Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt sont : / a) Les dotations aux amortissements des immobilisations, créées ou acquises à l'état neuf et affectées directement à la réalisation d'opérations de recherche scientifique et technique (...) / b) Les dépenses de personnel afférentes aux chercheurs et techniciens de recherche directement et exclusivement affectés à ces opérations. (...) c) les autres dépenses de fonctionnement exposées dans les mêmes opérations (...) / d bis) Les dépenses exposées pour la réalisation d'opérations de même nature confiées à des organismes de recherche privés agréés par le ministre chargé de la recherche, ou à des experts scientifiques ou techniques agréés dans les mêmes conditions. (...) / d ter) Les dépenses mentionnées aux d et d bis entrent dans la base de calcul du crédit d'impôt recherche dans la limite globale de 2 millions d'euros par an. Cette limite est portée à 10 millions d'euros pour les dépenses de recherche correspondant à des opérations confiées aux organismes mentionnés aux d et d bis, à la condition qu'il n'existe pas de lien de dépendance au sens des deuxième à quatrième alinéas du 12 de l'article 39 entre l'entreprise qui bénéficie du crédit d'impôt et ces organismes (...) / III. Les subventions publiques reçues par les entreprises à raison des opérations ouvrant droit au crédit d'impôt sont déduites des bases de calcul de ce crédit, qu'elles soient définitivement acquises par elles ou remboursables. Il en est de même des sommes reçues par les entreprises, organismes ou experts désignés au d et au d bis ou au 6° du k du II, pour le calcul de leur propre crédit d'impôt (...) ".
6. Il résulte de ces dispositions que les sommes reçues par les organismes de recherche privés agréés mentionnés au d bis du II de l'article 244 quater B du code général des impôts pour la réalisation d'opérations de recherche qui leur sont confiées par des entreprises entrant elles-mêmes dans le champ des bénéficiaires du crédit d'impôt recherche constituent, pour ces entreprises donneuses d'ordre, des dépenses éligibles à ce crédit. S'agissant des organismes de recherche sous-traitants, ils ne peuvent inclure les dépenses exposées pour réaliser de telles opérations dans la base de calcul de leur crédit d'impôt recherche, même lorsque ces dépenses ne seraient pas effectivement prises en compte dans l'assiette du crédit d'impôt recherche de l'entreprise donneuse d'ordre, soit par l'effet des règles de plafonnement prévues à ce même d bis et au d ter du même II, soit du fait d'une renonciation volontaire au bénéfice du crédit d'impôt auquel cette dernière pourrait prétendre. En revanche, lorsqu'un tel organisme engage des dépenses de recherche pour son propre compte, y compris dans l'hypothèse où elles sont suscitées par l'exécution de prestations pour le compte d'un tiers dont l'objet ne porte pas sur la réalisation d'opérations de recherche, cet organisme peut inclure ces dépenses dans la base de calcul de son crédit d'impôt si elles satisfont aux exigences posées par l'article 244 quater B du code général des impôts, sans que ces dispositions ne lui imposent de déduire de cette assiette les sommes facturées au bénéficiaire des prestations, qui ne constituent pas, pour ce dernier, des dépenses éligibles à ce crédit d'impôt.
En ce qui concerne la demande de restitution présentée à titre principal :
7. En l'espèce, la société requérante soutient que le solde du crédit d'impôt recherche déclaré en 2012 par la société Akka Ingénierie Produit dont la restitution est refusée par l'administration se rapporte à des travaux de recherche et de développement que sa filiale a développés pour son propre compte, à l'occasion de prestations d'ingénierie non éligibles au crédit d'impôt recherche réalisées au bénéfice de la société Airbus. Il résulte de l'instruction que, si les termes des accords-cadres conclus entre la société Airbus et la société Akka Ingénierie Produit en 2008 puis en 2012 portant respectivement sur les périodes du 1er janvier 2008 au 31 mars 2011 et du 1er avril 2012 au 31 mars 2016 et les documents techniques auxquels renvoient les commandes produites à l'appui de la requête ne font pas précisément référence à des travaux de recherche et développement éligibles au crédit d'impôt recherche, leur objet très vaguement défini et leurs stipulations ne permettent pas d'exclure que de tels travaux aient pu être confiés à la société Akka Ingénierie Produit par la société Airbus. Les factures n° 1201MTAI0012 du 31 janvier 2012, n° 1203MTAI0076 du 30 mars 2012, n° 1204MTAI0121 du 30 avril 2012, n° 1209MTAI0315 du 30 septembre 2012, n° 1212MTAI0445 du 13 décembre 2012, n° 1206MTAI0232 du 29 juin 2012 et n° 1211MTAI0232 du 26 novembre 2012 ont des libellés peu explicites et se réfèrent pour certaines à des bons de commandes dont le contenu ne permet pas ainsi de connaître la nature exacte des prestations rendues et en particulier de déterminer si ces dernières incluaient ou non de la recherche et développement éligible au crédit d'impôt recherche du donneur d'ordre. En particulier, la commande du 20 décembre 2011 n° 2002805, passée en complément de celle du 17 septembre 2008 portant le même numéro, se réfère à des travaux supplémentaires d'un montant hors taxe de 467 050 euros sans que la nature de ces derniers ne soit précisée sur ce document ou sur la facture se rapportant à cette commande complémentaire et le renvoi de certaines factures au devis " ATD 08/043 " ne permet pas de s'assurer qu'il correspond au document produit à l'instance intitulé " ATD 08/043 " relatif au lot 3 intitulé " weight saving for keel beam and afterward lower shell ", qui est lui-même insuffisamment détaillé pour que l'absence de réalisation de recherche et développement au bénéfice du donneur d'ordre puisse être regardé comme établi. Les rapports du 2 décembre 2012 et du 12 janvier 2022 rédigés à la demande de la société requérante par un sachant ne fournissent aucune explication spécifique permettant de justifier de la nature des prestations ainsi facturées à la société Airbus par la société Akka Ingénierie Produit. Par suite, il n'est pas établi que les prestations réalisées dans le cadre des accords cadre seraient des travaux d'ingénierie exclusifs de travaux de recherche et développement éligible au crédit d'impôt recherche et que le projet n° 1 intitulé " influence de nouvelles architectures structurales pour un meilleur compromis gain de masse/ résistance à l'effort - exemple de l'A 350-1000 " déclaré au titre du crédit d'impôt recherche 2012, au demeurant en tant que projet " externe " réalisé au profit d'un donneur d'ordre, correspondrait à des dépenses de recherche réalisées dans le cadre de l'exécution de prestations au profit de la société Airbus dont l'objet n'aurait pas porté sur la réalisation d'opérations de recherche et de développement éligible au crédit d'impôt recherche de cette dernière société. La société Akka Technologies, alors qu'elle est seule en mesure de le faire, ne produit par ailleurs aucun document de nature à justifier que les autres projets de la société Akka Ingénierie Produit et ceux des sociétés Akka IetS et Akka Informatique et Systèmes fondant sa demande de restitution du crédit d'impôt recherche seraient en lien avec des prestations qui n'auraient porté que sur des services d'ingénierie au bénéficie de tiers et à l'occasion desquelles elles auraient engagé des dépenses de recherche et développement pour son propre compte. Elle n'est donc pas fondée à solliciter la restitution à titre principal d'une créance de crédit d'impôt recherche de l'année 2012 d'un montant de 5 473 810 euros.
En ce qui concerne la demande présentée à titre subsidiaire :
8. Il résulte de l'instruction que l'administration a déduit du crédit d'impôt recherche des sociétés Akka Ingénierie Produit, Akka IetS et Akka Informatique et Systèmes qu'elles avaient déclaré au titre de l'année 2012 la totalité des sommes facturées aux donneurs d'ordre pour des projets de recherche et développement éligibles au crédit d'impôt recherche de ces derniers. La société Akka Technologies fait valoir que l'administration a ainsi à tort retranché les sommes de 1 272 901 euros pour la société Akka Ingénierie Produit, de 211 872 euros pour la société Akka IetS et de 462 823 euros pour la société Akka Informatique et Systèmes qui ne correspondaient pas à des dépenses de recherche et développement. Elle produit, pour la première fois en appel, le détail des dépenses de recherche et développement réalisées au bénéfice de donneurs d'ordre telles que déclarées par ses filiales en 2012 et dont le montant n'est pas contesté par l'administration, qui n'a pas répliqué. Dans ces conditions, la société Akka Technologies justifie ainsi de ce que la différence entre le montant total facturé aux donneurs d'ordre et le montant des dépenses de recherche et de développement engagées au bénéfice de ces donneurs d'ordre a, à tort, été déduit de la base du propre crédit d'impôt recherche de ses filiales. Elle est par suite fondée à obtenir la restitution, pour l'année 2012, de 1 272 901 euros au titre du crédit d'impôt recherche de la société Akka Ingénierie Produit, de 211 872 euros au titre du crédit d'impôt recherche de la société Akka IetS et de 462 823 euros au titre du crédit d'impôt recherche la société Akka Informatique et Systèmes de cette dernière société.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Akka Technologies est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tenant à la restitution de la somme de 1 947 596 euros. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à la société Akka Technologies au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : L'Etat restituera à la société Akka Technologies la somme totale de 1 947 596 euros au titre du crédit d'impôt recherche des sociétés Akka Ingénierie Produit, Akka IetS et Akka Informatique et Systèmes pour l'année 2012.
Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Montreuil du 8 décembre 2022 est réformé en ce qu'il est contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à la société Akka Technologies la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Akka Technologies et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction des vérifications nationales et internationales.
Délibéré après l'audience du 12 juin 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- Mme Topin, présidente assesseure,
- Mme de Phily, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 juin 2024.
La rapporteure,
E. TOPINLe président,
I. BROTONS
Le greffier,
C. MONGISLa République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23PA00475 2