Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Akka Technologies, en qualité de société mère de l'intégration fiscale comprenant notamment la société Akka Ingénierie Produit, a demandé au Tribunal administratif de Montreuil, à titre principal, de prononcer la restitution d'une créance de crédit d'impôt recherche déclaré au titre de l'année 2013 pour un montant de 3 321 279 euros et, à titre subsidiaire, de prononcer la restitution d'une créance de crédit d'impôt recherche déclaré au titre de l'année 2013 pour un montant de 1 284 432 euros.
Par un jugement n° 2103157/1 du 8 décembre 2022, le Tribunal administratif de Montreuil a constaté un non-lieu à statuer à hauteur de 1 284 432 euros, mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais d'instance et a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 2 février, 6 mars et 24 novembre 2023, la société Akka Technologies, représentée par Me Emmanuel Glaser, demande à la Cour :
1°) d'annuler l'article 3 de ce jugement du 8 décembre 2022 du Tribunal administratif de Montreuil ;
2°) de prononcer la restitution de 2 036 847 euros au titre du crédit d'impôt recherche de l'année 2013 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement du tribunal est entaché d'erreurs de droit et de qualification ainsi que de dénaturation des pièces du dossier ;
- la restitution doit être prononcée au regard de la jurisprudence Sopra Steria du Conseil d'Etat, dès lors qu'il est démontré que la société Akka Ingénierie Produit a accompli des travaux de recherche pour son propre compte.
Par un mémoire en défense enregistré le 17 juillet 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 29 janvier 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 21 février 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Topin,
- les conclusions de M. Segretain, rapporteur public,
- et les observations de Me Glaser, représentant la société Akka Technologies ainsi que les explications de M. A... expert mandaté par la société Akka Technologies.
Considérant ce qui suit :
1. La société Akka Technologies, en qualité de société mère de l'intégration fiscale comprenant notamment la société Akka Ingénierie Produit, a demandé, le 6 décembre 2017, le remboursement d'un crédit d'impôt recherche d'un montant de 17 102 932 euros au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2013. A l'issue de la vérification de la comptabilité de la société Akka Ingénierie Produit, l'administration a remis en cause le crédit d'impôt recherche déclaré par cette société au titre de l'année 2013 d'un montant de 3 321 279 euros. La société Akka Technologies a demandé au Tribunal administratif de Montreuil, à titre principal, la restitution d'une créance de crédit d'impôt recherche d'un montant de 3 321 279 euros déclarée au titre de l'année 2013 et, à titre subsidiaire, la restitution d'une créance de crédit d'impôt recherche déclarée au titre de l'année 2013 pour un montant de 1 284 432 euros. Le tribunal, par un jugement du 8 décembre 2022, a constaté un non-lieu à statuer sur les conclusions subsidiaires portant sur la restitution de 1 284 432 euros et a rejeté le surplus de la requête. La société Akka Technologies relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas été fait droit à sa demande de restitution de crédit d'impôt recherche au titre de l'année 2013 pour un montant de 2 036 847 euros.
Sur la régularité du jugement :
2. Les moyens tirés de l'erreur de droit, de l'erreur de qualification des faits et de la dénaturation des pièces du dossier par le tribunal critiquent non la régularité mais le bien-fondé du jugement. Ils ne peuvent qu'être écartés comme inopérants eu égard à l'office du juge d'appel.
Sur les conclusions à fin de restitution :
3. Aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts, dans sa version applicable au litige : " I. Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année. (...) / II. Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt sont : / a) Les dotations aux amortissements des immobilisations, créées ou acquises à l'état neuf et affectées directement à la réalisation d'opérations de recherche scientifique et technique (...) / b) Les dépenses de personnel afférentes aux chercheurs et techniciens de recherche directement et exclusivement affectés à ces opérations. (...) c) les autres dépenses de fonctionnement exposées dans les mêmes opérations (...) / d bis) Les dépenses exposées pour la réalisation d'opérations de même nature confiées à des organismes de recherche privés agréés par le ministre chargé de la recherche, ou à des experts scientifiques ou techniques agréés dans les mêmes conditions. (...) / d ter) Les dépenses mentionnées aux d et d bis entrent dans la base de calcul du crédit d'impôt recherche dans la limite globale de 2 millions d'euros par an. Cette limite est portée à 10 millions d'euros pour les dépenses de recherche correspondant à des opérations confiées aux organismes mentionnés aux d et d bis, à la condition qu'il n'existe pas de lien de dépendance au sens des deuxième à quatrième alinéas du 12 de l'article 39 entre l'entreprise qui bénéficie du crédit d'impôt et ces organismes (...) / III. Les subventions publiques reçues par les entreprises à raison des opérations ouvrant droit au crédit d'impôt sont déduites des bases de calcul de ce crédit, qu'elles soient définitivement acquises par elles ou remboursables. Il en est de même des sommes reçues par les entreprises, organismes ou experts désignés au d et au d bis ou au 6° du k du II, pour le calcul de leur propre crédit d'impôt (...) ".
4. Il résulte de ces dispositions que les sommes reçues par les organismes de recherche privés agréés mentionnés au d bis du II de l'article 244 quater B du code général des impôts pour la réalisation d'opérations de recherche qui leur sont confiées par des entreprises entrant elles-mêmes dans le champ des bénéficiaires du crédit d'impôt recherche constituent, pour ces entreprises donneuses d'ordre, des dépenses éligibles à ce crédit. S'agissant des organismes de recherche sous-traitants, ils ne peuvent inclure les dépenses exposées pour réaliser de telles opérations dans la base de calcul de leur crédit d'impôt recherche.
5. En revanche, lorsqu'un tel organisme engage des dépenses de recherche pour son propre compte, y compris dans l'hypothèse où elles sont suscitées par l'exécution de prestations pour le compte d'un tiers dont l'objet ne porte pas sur la réalisation d'opérations de recherche, cet organisme peut inclure ces dépenses dans la base de calcul de son crédit d'impôt si elles satisfont aux exigences posées par l'article 244 quater B du code général des impôts, sans que ces dispositions ne lui imposent de déduire de cette assiette les sommes facturées au bénéficiaire des prestations, qui ne constituent pas, pour ce dernier, des dépenses éligibles à ce crédit d'impôt.
6. En l'espèce, la société requérante soutient que le solde du crédit d'impôt recherche déclaré en 2013 par la société Akka Ingénierie Produit, dont la restitution est refusée par l'administration, se rapporte à des travaux de recherche et de développement que sa filiale a développés pour son propre compte, à l'occasion de prestations d'ingénierie non éligibles au crédit d'impôt recherche réalisées au bénéfice de plusieurs sociétés, notamment la société Airbus. Il résulte de l'instruction que si les termes des accords-cadres conclus entre la société Airbus et la société Akka Ingénierie Produit en 2008 puis en 2012 portant respectivement sur les périodes du 1er janvier 2008 au 31 mars 2011 et du 1er avril 2012 au 31 mars 2016 et les documents techniques auxquels renvoient les commandes produites à l'appui de la requête ne font pas précisément référence à des travaux de recherche et développement éligibles au crédit d'impôt recherche, leur objet très vaguement défini et leurs stipulations ne permettent pas d'exclure que de tels travaux aient pu être confiés à la société Akka Ingénierie Produit par la société Airbus. Par ailleurs, la commande du 20 décembre 2011 n° 2002805, passée en complément de celle du 17 septembre 2008 portant le même numéro, se réfère à des travaux supplémentaires d'un montant hors taxe de 467 050 euros sans que la nature de ces derniers ne soit précisée sur ce document ou sur la facture se rapportant à cette commande complémentaire. Les factures n° 1303MTAI0082 du 21 mars 2013, n° 1311MTAI0396 du 30 novembre 2013, n° 1308MTAI0285 du 31 août 2013 et n° 31312MTAI0465 du 31 décembre 2013 se rapportent à des commandes n° 3410731 du 13/03/2013, n° 3586858 du 30 juillet 2013 et n° 3770502 du 26 novembre 2013 qui ne sont pas produites et dont les extraits figurant dans le rapport du 2 décembre 2020 présenté par la société requérante ne permettent pas d'en appréhender la nature. Elles se réfèrent également au devis " ASTF08/043 DAV 14 à 17 " ainsi qu'à un avenant " 2013 New Dev-900-B3-P2 " dont l'objet n'est pas précisé par les documents produits. Enfin, la consistance des prestations facturées par la société Akka Ingénierie Produit à Airbus ne peut pas non plus se déduire des libellés imprécis portés sur ces factures. Les rapports du 2 décembre 2012 et du 12 janvier 2022 établis à la demande de la société requérante par un sachant ne fournissent aucune explication spécifique permettant de justifier de la nature des prestations ainsi facturées à la société Airbus par la société Akka Ingénierie Produit. Par suite, il n'est pas établi que les prestations réalisées dans le cadre des accords cadre seraient des travaux d'ingénierie exclusifs de travaux de recherche et développement éligible au crédit d'impôt recherche et que le projet n° 4 intitulé " influence de nouvelles architectures structurales pour un meilleur compromis gain de masse/ résistance aux efforts - cas de l'A 350-1000 " déclaré au titre du crédit d'impôt recherche 2013, au demeurant en tant que projet " externe " réalisé au profit d'un donneur d'ordre, correspondrait à des dépenses de recherche réalisées à l'occasion de l'exécution de prestations au profit de la société Airbus dont l'objet n'aurait pas porté sur la réalisation d'opérations de recherche et de développement éligible au crédit d'impôt recherche de cette dernière société. La société Akka Technologies, alors qu'elle est seule en mesure de le faire, ne produit par ailleurs aucun document de nature à justifier que les autres projets fondant sa demande de restitution du crédit d'impôt recherche seraient en lien avec des prestations qui n'auraient porté que sur des prestations d'ingénierie au bénéficie de tiers et à l'occasion desquelles elles auraient engagé des dépenses de recherche et développement pour son propre compte.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la société Akka Technologies n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté le surplus de sa demande. Les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.
DECIDE :
Article 1er : La requête présentée par la société Akka Technologies est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Akka Technologies et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction des grandes entreprises.
Délibéré après l'audience du 12 juin 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- Mme Topin, présidente assesseure,
- Mme de Phily, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 juin 2024.
La rapporteure,
E. TOPINLe président,
I. BROTONS
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23PA00465 2