Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par deux demandes distinctes, Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler, d'une part, la décision du 26 février 2020 par laquelle la ministre du travail a autorisé son licenciement et, d'autre part, la décision implicite de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion née le 12 avril 2021 du silence gardé sur sa demande tendant au retrait de la décision du 26 février 2020.
Par un jugement nos 2116859, 2122087 du 27 septembre 2022, le tribunal administratif de Paris a prononcé un non-lieu à statuer sur ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 26 février 2020 et rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 12 avril 2021.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 25 novembre 2022 et 24 mars 2023, la Mutuelle générale des cheminots, représentée par la SELARL Enor avocats, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 27 septembre 2022 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de la demande de Mme A... tendant à l'annulation de la décision du 26 février 2020 autorisant son licenciement ;
2°) de rejeter la demande de Mme A... tendant à l'annulation de la décision du 26 février 2020 ;
3°) de mettre à la charge de Mme A... la somme de 2 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle justifie d'un intérêt à relever appel du jugement de non-lieu, eu égard à ses conclusions de première instance ;
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la décision du 26 février 2020 n'est pas sortie de vigueur ;
- la demande de Mme A... tendant à l'annulation de la décision du 26 février 2020, présentée pour la première fois le 30 novembre 2020, était tardive.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 mars 2023, Mme A..., représentée par Me Flamant, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la Mutuelle générale des cheminots au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête, qui critique seulement les motifs du jugement de première instance, est irrecevable ;
- les moyens soulevés par la Mutuelle générale des cheminots ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 juin 2023, le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la Mutuelle générale des cheminots ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 15 juin 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 17 juillet 2023 à midi.
Des pièces, enregistrées le 22 avril 2024, ont été produites par la ministre du travail, de la santé et des solidarités en réponse à une mesure d'instruction formée sur le fondement de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative.
Par un mémoire enregistré le 26 avril 2024, la Mutuelle générale des cheminots a présenté ses observations sur ces pièces.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vrignon-Villalba,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,
- et les observations de Me Doguet, pour la Mutuelle générale des cheminots.
Considérant ce qui suit :
1. La Mutuelle générale des cheminots (MGC), société mutualiste spécialisée dans les assurances santé et prévoyance au service du personnel de la SNCF, a recruté, le 20 novembre 2000, Mme A..., qui occupait, en dernier lieu, des fonctions de chargée de formation et bénéficiait, en application des dispositions de l'article L. 2411-5 du code du travail, d'un statut protecteur en raison de son mandat de membre du comité d'entreprise. La MGC a sollicité, par lettre du 25 janvier 2018, l'autorisation de la licencier pour motif disciplinaire. Par une décision du 5 mars 2018, l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser son licenciement. Saisi par la MGC d'un recours hiérarchique, qu'elle a dans un premier temps rejeté implicitement, la ministre du travail a, par une décision du 21 novembre 2018, retiré sa décision implicite, annulé la décision de l'inspecteur du travail du 5 mars 2018 et refusé d'autoriser le licenciement de Mme A.... Le tribunal administratif de Paris a, à la demande de la MGC, annulé le refus d'autorisation par un jugement n° 1824326 du 23 octobre 2019. A la suite de ce jugement, la ministre du travail a, par une décision du 26 février 2020, autorisé le licenciement de Mme A.... Par un arrêt n° 19PA04141 du 26 février 2021, la cour a, notamment, d'une part, annulé le jugement du 23 octobre 2019 du tribunal administratif de Paris et, d'autre part, renvoyé à ce tribunal les conclusions dirigées contre la décision de la ministre du travail du 26 février 2020 que Mme A... avait présentées au cours de l'instance d'appel. Par une décision n° 451952 du 24 novembre 2021, le Conseil d'Etat n'a pas admis le pourvoi de la MGC contre cet arrêt. Par le jugement attaqué du 27 septembre 2022, le tribunal administratif de Paris a prononcé un non-lieu à statuer sur la demande de Mme A... tendant à l'annulation de la décision du 26 février 2020 et rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite née le 12 avril 2021 du silence gardé par le ministre chargé du travail sur sa demande tendant au retrait de la décision du 26 février 2020. La MCG relève appel de ce jugement en tant qu'il a, en son article 1er, prononcé un non-lieu à statuer sur la demande de Mme A... tendant à l'annulation de la décision du 26 février 2020.
Sur la fin de non-recevoir opposée par Mme A... :
2. Les appels formés contre les jugements des tribunaux administratifs ne peuvent tendre qu'à l'annulation ou à la réformation du dispositif du jugement attaqué. Par suite, n'est pas recevable - quels que soient les motifs retenus par les premiers juges - l'appel dirigé contre un jugement qui, par son dispositif, fait intégralement droit aux conclusions de la demande qu'avait présentée l'appelant en première instance. De même, le défendeur en premier ressort n'est pas recevable à relever appel du jugement qui a rejeté les conclusions du demandeur. Dans l'hypothèse où le juge du premier degré décide qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande dont il a été saisi par suite de la disparition de l'objet de cette dernière, l'intérêt à relever appel d'un pareil jugement doit être apprécié au regard des conclusions des parties à l'instance. Si la partie ayant elle-même conclu en cours d'instance à ce qu'il n'y ait pas lieu de statuer sur la demande est sans intérêt à contester un tel jugement, il en va différemment pour la partie qui n'a pas présenté de conclusions en ce sens.
3. En l'espèce, devant les premiers juges, la MGC a conclu au rejet de la demande de Mme A... tendant à l'annulation de la décision du 26 février 2020 par laquelle la ministre du travail a autorisé son licenciement et n'a pas présenté de conclusions tendant à ce que le juge constate le non-lieu à statuer sur ces conclusions. Elle a donc intérêt à agir contre le jugement en tant qu'il a, en son article 1er, prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation de la requête n° 2122087. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par Mme A... doit être écartée.
Sur la régularité du jugement attaqué :
4. L'annulation par le juge d'appel d'un jugement qui annulait une décision de refus d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé n'entraîne pas par elle-même la sortie de vigueur de la décision d'autorisation prise à la suite de ce jugement par l'autorité compétente, ressaisie de la demande présentée par l'employeur. Il n'en va autrement que dans l'hypothèse où l'autorisation était motivée uniquement par le souci de se conformer au jugement de première instance et où le juge d'appel, saisi en ce sens, a ordonné le sursis à exécution de ce jugement jusqu'à ce qu'il ait statué au fond sur l'appel, privant ainsi d'effet, pendant ce temps, l'autorisation prise en exécution du jugement d'annulation.
5. A la suite du jugement du 23 octobre 2019, par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé la décision de la ministre du travail du 21 novembre 2018 portant refus d'autorisation de licenciement de Mme A... pour motif disciplinaire, la ministre, ressaisie de la demande d'autorisation présentée par la MGC, a accordé cette autorisation le 26 février 2020. Si l'annulation du jugement du 23 octobre 2019 par l'arrêt de la cour du 26 février 2021, devenu irrévocable après le rejet, par le Conseil d'Etat, du pourvoi de la MGC, a eu pour effet de rétablir dans l'ordonnancement juridique la décision de refus du 21 novembre 2018, cette annulation n'a en revanche pas eu par elle-même pour effet de faire disparaître la décision d'autorisation du 26 février 2020. Par suite, la demande présentée par Mme A..., tendant à l'annulation de cette décision, n'était pas dépourvue d'objet.
6. Il suit de là que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la demande dont ils étaient saisis était devenue sans objet et ont constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur cette demande. Le jugement du 27 septembre 2022 doit, dès lors, être annulé dans cette mesure.
7. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée à cette fin par Mme A... devant le tribunal administratif de Paris.
Sur la fin de non-recevoir opposée par la MGC à la demande de première instance de Mme A... tendant à l'annulation de la décision du 26 février 2020 de la ministre du travail :
8. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / (...). ". L'article R. 421-5 de ce code dispose que : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ".
9. Il ressort des pièces du dossier que la décision du 26 février 2020 de la ministre du travail portant autorisation de licenciement a été notifiée à Mme A... le 27 février 2020 et que cette notification mentionnait les voies et délais de recours. Mme A... disposait ainsi d'un délai de deux mois à compter de cette date pour en demander l'annulation. Sa demande, présentée pour la première fois dans un mémoire enregistré le 30 novembre 2020 au greffe de la cour dans le cadre de l'instance n° 19PA04141, et ensuite enregistrée au greffe du tribunal sous le n° 2122087, était tardive et, par suite, irrecevable.
10. Il résulte de de ce qui précède que la fin de non-recevoir opposée en défense par la MGC doit être accueillie et que la demande de Mme A... tendant à l'annulation de la décision du 26 février 2020 doit être rejetée.
Sur les frais liés à l'instance :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la MGC, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme A... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme A... le versement à la MGC de la somme que celle-ci réclame au titre de ces mêmes dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du 27 septembre 2022 du tribunal administratif de Paris est annulé en tant qu'il prononce un non-lieu à statuer sur les conclusions de Mme A... tendant à l'annulation de la décision de la ministre du travail du 26 février 2020.
Article 2 : La demande de Mme A... tendant à l'annulation de la décision de la ministre du travail du 26 février 2020 autorisant son licenciement est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la Mutuelle générale des cheminots, à Mme B... A... et à la ministre du travail, de la santé et des solidarités.
Délibéré après l'audience du 23 mai 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Fombeur, présidente de la cour,
- Mme Menasseyre, présidente de chambre,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 juin 2024.
La rapporteure,
C. Vrignon-VillalbaLa présidente,
P. Fombeur
Le greffier,
P. Tisserand
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA05013