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13/06/2024 | FRANCE | N°23PA00575

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 1ère chambre, 13 juin 2024, 23PA00575


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



La société civile immobilière Marly a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 15 juillet 2021 par laquelle le maire de la commune des Pavillons-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) a exercé son droit de préemption sur un bien immobilier situé sur la parcelle cadastrée section K n° 71 et K n° 127, 23 avenue Aristide Briand et 6 rue Georges aux Pavillons-sous-Bois et la décision rejetant son recours gracieux formé le 9 septembre 2021.



Par un jugement n° 2117479 du 5 janvier 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rej...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière Marly a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 15 juillet 2021 par laquelle le maire de la commune des Pavillons-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) a exercé son droit de préemption sur un bien immobilier situé sur la parcelle cadastrée section K n° 71 et K n° 127, 23 avenue Aristide Briand et 6 rue Georges aux Pavillons-sous-Bois et la décision rejetant son recours gracieux formé le 9 septembre 2021.

Par un jugement n° 2117479 du 5 janvier 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 10 février 2023, la société civile immobilière Marly, représentée par Me Charbonnel, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2117479 du 5 janvier 2023 ;

2°) d'annuler la décision du 15 juillet 2021 ainsi que la décision implicite du 10 novembre 2021 rejetant son recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de la commune des Pavillons-sous-Bois le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est entaché d'omissions à statuer s'agissant des moyens tirés de l'absence de réalité du projet en raison de l'absence de délibération ou de décision justifiant l'existence d'un projet d'aménagement de la Fourche, du caractère insuffisant de la simple référence aux objectifs de la loi dite " loi SRU ", de l'ancienneté des études de faisabilité communiquées et de l'incompatibilité de la décision avec les orientations du projet d'aménagement et de développement durables ;

- l'auteur de la décision n'était pas compétent pour la prendre, en l'absence de la mention dans la décision de l'instauration du droit de préemption par l'établissement public territorial et en l'absence de délégation de cet établissement public territorial à la commune des Pavillons-sous-Bois ;

- la décision n'est pas suffisamment motivée s'agissant de la nature du projet et de sa réalité ;

- la réalité du projet n'est pas établie.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 avril 2023, la commune des Pavillons-sous-Bois, représentée par Me du Besset, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société civile immobilière Marly le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à M. A... qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Gobeill,

- les conclusions de M. Doré, rapporteur public,

- les observations de Me Charbonnel, représentant la société civile immobilière Marly,

- et les observations de Me du Besset, représentant la commune des Pavillons-sous-Bois.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 15 juillet 2021, le maire de la commune des Pavillons-sous-Bois a décidé d'exercer son droit de préemption sur un bien immobilier situé sur la parcelle cadastrée section K n° 71 et K n° 127, 23 avenue Aristide Briand et 6 rue Georges. La société civile immobilière Marly, vendeur du bien, a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler cette décision. Elle relève appel du jugement du 5 janvier 2023 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement :

2. Si la société soutient que le jugement est entaché d'omissions à statuer s'agissant des moyens tirés de l'absence de réalité du projet en raison de l'absence de délibération ou de décision justifiant l'existence d'un projet d'aménagement de la Fourche, du caractère insuffisant de la simple référence aux objectifs de la loi dite " loi SRU ", de l'ancienneté des études de faisabilité communiquées et de l'incompatibilité de la décision avec les orientations du projet d'aménagement et de développement durables, il ressort toutefois des écritures de première instance de la société requérante que ces mentions constituaient en réalité de simples arguments au soutien du moyen tiré de l'absence de réalité du projet, moyen auquel le jugement attaqué a répondu de façon suffisamment précise.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Aux termes des dispositions de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors en vigueur : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité et l'habitat indigne ou dangereux, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels. / L'aménagement, au sens du présent livre, désigne l'ensemble des actes des collectivités locales ou des établissements publics de coopération intercommunale qui visent, dans le cadre de leurs compétences, d'une part, à conduire ou à autoriser des actions ou des opérations définies dans l'alinéa précédent et, d'autre part, à assurer l'harmonisation de ces actions ou de ces opérations. ". Aux termes des dispositions de l'article L. 210-1 du même code dans sa version alors en vigueur : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, à préserver la qualité de la ressource en eau, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. / (...) Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé. (...) ".

4. La société civile immobilière soutient en premier lieu que l'auteur de la décision n'était pas compétent pour la prendre, en l'absence, d'une part dans la décision, de la mention de l'instauration du droit de préemption par l'établissement public territorial et de sa justification et, d'autre part, d'une délégation de cet établissement public territorial à la commune des Pavillons-sous-Bois.

5. D'une part, il ressort des pièces du dossier que par une délibération du 15 décembre 1987, le conseil municipal des Pavillons-sous-Bois a institué le droit de préemption urbain sur l'ensemble de la commune et que par une délibération du 15 mai 1994, le conseil municipal a instauré le droit de préemption urbain renforcé. L'exercice de ce droit ayant été transféré de plein droit à l'établissement public territorial " Grand Paris Grand Est " en application de l'article L. 211-2 du code de l'urbanisme, cet établissement n'était pas tenu de prendre une délibération instituant le droit de préemption sur son territoire ni même d'en adopter une entérinant ce transfert.

6. D'autre part, les stipulations de la convention d'intervention foncière signée le 28 janvier 2015 entre la commune des Pavillons-sous-Bois et l'Etablissement public foncier d'Île-de-France, qui prévoient à l'article CGI 2.2.1 que ce dernier " intervient pour le compte de la commune, par délégation des droits de préemption et de priorité par l'autorité compétente. / Si l'autorité titulaire des droits de préemption n'est pas signataire de la présente convention, la commune s'engage à entamer toutes démarches pour parvenir à la délégation du droit de préemption à l'EPFIF. " et à l'article CGI 3.1, que " L'EPFIF procédera, selon les textes en vigueur, aux acquisitions (...) / soit par exercice des droits de préemption (...) délégués par l'autorité titulaire ", n'ont pas eu pour effet de transférer la compétence d'exercice du droit de préemption à l'Etablissement public foncier d'Île-de-France.

7. En deuxième lieu, il résulte des dispositions citées au point 3 que, pour exercer légalement ce droit, les collectivités titulaires du droit de préemption urbain doivent, d'une part, justifier, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, faire apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption. En outre, la mise en œuvre de ce droit doit, eu égard notamment aux caractéristiques du bien faisant l'objet de l'opération ou au coût prévisible de cette dernière, répondre à un intérêt général suffisant.

8. D'une part, après avoir relevé que la commune poursuit les acquisitions sur le secteur concerné au regard de la propriété limitrophe cadastrée section K n° 126 lui appartenant déjà, que le projet s'inscrit dans le projet d'aménagement du secteur de La Fourche et que la commune doit répondre aux obligations de l'article 55 de la loi dite loi " solidarité et renouvellement urbain ", la décision précise que l'objectif est de réaliser une opération mixte comprenant des logements réservés au parc locatif social sur l'assiette foncière de différentes parcelles, dont les parcelles en litige. Elle indique précisément la nature du projet et est ainsi suffisamment motivée.

9. D'autre part, et contrairement à ce que soutient la société requérante, la réalité du projet à la date de la décision attaquée est établie par les documents produits, notamment une étude de faisabilité de 2012 relative à la construction de logements et mentionnant spécifiquement les deux parcelles concernées, un document de travail de 2013 relatif à la construction de logements sociaux, lequel comporte différents scenarii sur les mêmes parcelles, et deux études de l'établissement public foncier d'Île-de-France, l'une de 2015 intitulée " approche économique de l'opération d'aménagement " qui précise que le projet est de faire muter ce secteur en un quartier mixte et qui prévoit des logements sur les parcelles concernées et l'autre de 2017 intitulée " opération La Fourche - étude de capacité et de faisabilité " qui cite expressément les deux parcelles comme étant " à acquérir ", voisines de la parcelle cadastrée K n° 126 et K n° 69 identifiées comme " propriété Ville ", aucun élément n'étant de nature à remettre en cause le contenu de ces études. Et quand bien même la décision aurait pour effet de supprimer une supérette alors que le projet d'aménagement et de développement durables a pour objectif de maintenir le dynamisme économique et la mixité des fonctions aux abords de l'avenue Aristide Briand en privilégiant notamment les rez-de-chaussée commerciaux, cette circonstance ne serait en tout état de cause pas de nature à remettre en doute la réalité du projet, laquelle est établie ainsi qu'il a été dit.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la société civile immobilière Marly n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune des Pavillons-sous-Bois, qui n'est pas, dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la société civile immobilière Marly demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la société civile immobilière Marly une somme de 1 500 euros à verser à la commune des Pavillons-sous-Bois sur le fondement de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société civile immobilière Marly est rejetée.

Article 2 : La société civile immobilière Marly versera une somme de 1 500 euros à la commune des Pavillons-sous-Bois au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière Marly, à la commune des Pavillons-sous-Bois et à M. B... A....

Délibéré après l'audience du 16 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- M. Gobeill, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 juin 2024.

Le rapporteur, Le président,

J.-F. GOBEILL J. LAPOUZADE

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Saint-Denis, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA00575


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23PA00575
Date de la décision : 13/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Jean-François GOBEILL
Rapporteur public ?: M. DORE
Avocat(s) : LOIRE-HENOCHSBERG

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-13;23pa00575 ?
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