Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 5 septembre 2019 de la sous-directrice de la gestion des personnels relevant de l'administration centrale du ministère des armées portant rejet de la réclamation préalable obligatoire formée le 16 mai 2019 à l'encontre du titre de perception d'un montant de 41 580,86 euros émis le 1er avril 2019 par la direction spécialisée des finances publiques pour l'étranger, correspondant au remboursement d'un trop-perçu de rémunération versé par le ministère des armées à sa défunte épouse, et de prononcer la décharge de l'indu réclamé.
Par un jugement n° 2005011/5-1 du 25 octobre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 19 décembre 2022, M. A..., représenté par Me Rajjou, doit être regardé comme demandant à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2005011/5-1 du 25 octobre 2022 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler la décision du 5 septembre 2019 de la sous-directrice de la gestion des personnels relevant de l'administration centrale du ministère des armées et de prononcer la décharge de l'indu réclamé ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- l'arrêté du 5 septembre 2019 n'est pas suffisamment motivé ;
- l'action en recouvrement de l'indu entreprise le 6 mars 2018 par l'administration est intervenue au-delà du délai de prescription de deux ans tel que prévu par l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000, le simple envoi d'un courriel n'ayant pu interrompre le cours de la prescription ;
- le titre de perception du 1er avril 2019 a eu pour effet de retirer, au-delà du délai légal de quatre mois, les décisions créatrices de droit plaçant respectivement son épouse en congé de maladie fractionné puis de longue maladie ;
- les arrêtés des 26 juillet et 27 septembre 2017 sont insuffisamment motivés en droit et entachés d'erreur de droit ;
- l'administration a méconnu son devoir d'information à l'égard de sa défunte épouse.
Par un mémoire en défense enregistré le 3 juillet 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que le moyen tiré du non-respect du délai de retrait est inopérant et que les autres moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 5 juillet 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 septembre 2023 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;
- le décret n° 67-290 du 28 mars 1967 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Jayer,
- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., adjointe administrative principale de 2ème classe du ministère des armées, a été affectée à Washington DC (Etats-Unis) au sein de la sous-direction de la conduite des opérations d'armement, de la direction des opérations, de la direction générale de l'armement. Par un arrêté du 26 juillet 2017, elle a été placée à sa demande en congé de longue maladie fractionné pour soins médicaux périodiques à 50 % pour une période de six mois allant du 6 juin au 5 décembre 2017 inclus, avec perception du plein traitement. Par un arrêté du 27 septembre 2017, elle a ensuite été placée à sa demande, de façon anticipée, en congé de longue maladie pour une nouvelle période de six mois s'achevant le 20 février 2018 inclus, avec perception du plein traitement. Par un arrêté du 5 février 2018, à sa demande, elle a été réintégrée de façon anticipée à compter du 8 janvier 2018 et autorisée à exercer ses fonctions à temps partiel thérapeutique. Par un courrier électronique du 6 mars 2018 émanant du gestionnaire de la rémunération des personnels en poste permanent à l'étranger civils et des emplois supérieurs civils du bureau de la gestion et de la rémunération des personnels de niveau 1, Mme A... a été informée de ce qu'elle était redevable d'un trop-perçu de rémunération, pour la période allant du 6 juin 2017 au 7 janvier 2018 pour avoir perçu, à tort, l'indemnité de résidence et le supplément familial à l'étranger ainsi que la majoration familiale indexée au taux correspondant à la ville de Washington DC, et de ce qu'un titre de perception serait émis aux fins de recouvrement de ce trop-perçu. Ce titre a été émis le 1er avril 2019 pour un montant de 41 580,86 euros. A la suite de son décès, par un courrier du 16 mai 2019, M. A... son veuf, a saisi d'un recours préalable obligatoire le chef du service de soutien de l'administration centrale (SPAC) du ministère des armées pour obtenir l'annulation de la demande de remboursement de cette somme. Par une décision du 5 septembre 2019, la sous-directrice de la gestion des personnels relevant de l'administration centrale du ministère des armées a rejeté sa réclamation. M. A... relève appel du jugement du 25 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande devant être regardée comme tendant à l'annulation de la décision du 5 septembre 2019 portant rejet de la réclamation préalable obligatoire introduite à l'encontre du titre de perception d'un montant de 41 580,86 euros émis le 1er avril 2019 et au prononcé de la décharge de l'indu réclamé.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
3. Il ressort des pièces du dossier que le tribunal administratif de Paris, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, a répondu à l'ensemble des moyens présentés par M. A..., a cité les textes dont il a fait application et précisé les motifs de fait et de droit retenus. Il a ainsi motivé son jugement de manière à permettre aux parties d'en critiquer le bien-fondé.
4. En second lieu, hormis le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Par suite, pour contester la régularité du jugement attaqué, M. A... ne peut utilement soutenir que les premiers juges auraient estimé, à tort, que la décision contestée n'avait pas à être motivée, et n'était entachée ni d'erreur de droit ni de fait ni d'erreur manifeste d'appréciation et que l'action en répétition de l'indu n'était pas prescrite.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
5. Aux termes de l'article 118 du décret du 7 novembre 2012 : " En cas de contestation d'un titre de perception, avant de saisir la juridiction compétente, le redevable doit adresser cette contestation, appuyée de toutes pièces ou justifications utiles, au comptable chargé du recouvrement de l'ordre de recouvrer (...). La décision rendue par l'administration en application de l'alinéa précédent peut faire l'objet d'un recours devant la juridiction compétente dans un délai de deux mois à compter de la date de notification de cette décision ou, à défaut de cette notification, dans un délai de deux mois à compter de la date d'expiration du délai prévu à l'alinéa précédent ".
6. En premier lieu, la décision par laquelle l'autorité compétente statue sur le recours administratif préalable obligatoire d'une personne qui conteste le bien-fondé d'un paiement indu de rémunération doit être motivée en application des dispositions du 8° de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Une telle décision doit ainsi comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et, à ce titre, doit notamment indiquer, soit directement dans les mentions de la décision, soit par référence à la décision initiale, la nature de la prestation et le montant des sommes réclamées ainsi que le motif et la période sur laquelle porte la récupération. L'autorité compétente n'est en revanche pas tenue de faire figurer dans cette décision les éléments servant au calcul du montant de l'indu.
7. La décision du 5 septembre 2019, qui statue sur le recours préalable obligatoire introduit par M. A..., vise, d'une part, le décret n°67-290 du 28 mars 1967 fixant les modalités de calcul des émoluments des personnels de l'Etat et des établissements publics de l'Etat à caractère administratif en service à l'étranger ainsi que les arrêtés du 26 juillet 2017, du 27 septembre 2017 et du 5 février 2018 relatifs au placement de Mme A... en congés de longue maladie et à sa réintégration anticipée. La décision mentionne, d'autre part, des éléments relatifs à la situation administrative de Mme A... et répond aux arguments développés par M. A... dans son recours du 16 mai 2019. Dans ces conditions, elle comporte l'ensemble des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est ainsi suffisamment motivée. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 26 du décret n° 67-290 du 28 mars 1967 fixant les modalités de calcul des émoluments des personnels de l'Etat et des établissements publics de l'Etat à caractère administratif en service à l'étranger : " Les fonctionnaires de l'Etat qui ne sont pas en position de détachement et les magistrats peuvent être autorisés à bénéficier, à l'étranger, des congés de longue maladie et de longue durée dans les conditions prévues au 3° et au 4° de l'article 34 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat. Dans ce cas, ils perçoivent le traitement ou le demi-traitement auxquels ils ont droit conformément à l'article susmentionné de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, l'indemnité de résidence allouée à un agent de même indice hiérarchique en service en France (Paris), majorée éventuellement du supplément familial prévu à l'article 7, et les majorations familiales au coefficient le moins élevé figurant au tableau annexé à l'arrêté visé à l'article 8 ".
9. M. A... reprend en appel le moyen soulevé en première instance, tiré de ce que la décision contestée emportant, selon lui, retrait illégal des arrêtés créateurs de droit plaçant sa défunte épouse en congés de longue maladie et lui garantissant la perception d'un plein traitement, ne pouvait légalement être retirée au-delà d'un délai de quatre mois. D'une part, la mention du maintien du plein traitement sur les arrêtés de placement en congé de longue maladie de Mme A... impliquait seulement le maintien de celui-ci mais pas celui de l'indemnité de résidence et du supplément familial à l'étranger, de la majoration familiale au taux applicable à la ville de Washington. D'autre part, le maintien indu du versement d'un avantage financier à un agent public n'a pas le caractère d'une décision accordant un avantage financier et constitue une simple erreur de liquidation. Dans ce cas, il appartient à l'administration de corriger cette erreur et de réclamer le reversement des sommes payées à tort, sans que l'agent intéressé puisse se prévaloir de droits acquis à l'encontre d'une telle demande de reversement.
10. Il résulte de l'instruction, n'est pas contesté, que la créance en litige est consécutive à une erreur de liquidation du traitement et de certains de ses accessoires, au maintien erroné du versement de la totalité des sommes précédemment versées à Mme A... durant ses congés de longue maladie, alors que celle-ci aurait dû percevoir, conformément aux dispositions précitées de l'article 26 du décret du 28 mars 1967, l'indemnité de résidence allouée à un agent de même indice hiérarchique en service en France (Paris), le supplément familial de traitement et les majorations familiales à des taux réduits. Par suite, le ministère des armées pouvait légalement, sans entacher sa décision de rétroactivité illégale, corriger l'erreur tenant au versement à Mme A... de l'intégralité de son traitement et des accessoires de rémunérations au taux correspondant à la ville de Washington DC, du 6 juin 2017 au 7 janvier 2018. Le titre de perception émis en vue de la répétition de cet indu ne saurait être assimilé à une décision retirant ou modifiant les arrêtés garantissant à Mme A... le versement de son plein traitement, lequel excluait l'indemnité de résidence.
11. En troisième lieu, la circonstance que les arrêtés des 26 juillet et 27 septembre 2017 ne visent pas les dispositions de l'article 26 du décret du 28 mars 1967 est sans influence sur la légalité de la décision contestée qui n'a pas remis en cause la perception, par Mme A..., de son plein-traitement lors de ses congés de longue maladie. Est également inopérant le moyen tiré de ce que les lettres de notification de ces arrêtés ne précisaient pas la possible reprise de l'indemnité de résidence à l'étranger en cas de perception de celle-ci. Enfin la défunte épouse de M. A... a bien été informée, par un courriel du 6 mars 2018, d'un trop-perçu de rémunération lié au calcul de son indemnité de résidence et de l'émission prochaine d'un titre de perception de sorte que, contrairement à ce que soutient le requérant, l'administration ne saurait, en toute hypothèse, être regardée comme ayant manqué à un devoir d'information envers son épouse.
12. En dernier lieu, aux termes de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations : " Les créances résultant de paiements indus effectués par les personnes publiques en matière de rémunération de leurs agents peuvent être répétées dans un délai de deux années à compter du premier jour du mois suivant celui de la date de mise en paiement du versement erroné, y compris lorsque ces créances ont pour origine une décision créatrice de droits irrégulière devenue définitive. (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'une somme indûment versée par une personne publique à l'un de ses agents au titre de sa rémunération peut, en principe, être répétée dans un délai de deux ans à compter du premier jour du mois suivant celui de sa date de mise en paiement sans que puisse y faire obstacle la circonstance que la décision créatrice de droits qui en constitue le fondement ne peut plus être retirée. Ce n'est que lorsque le paiement indu résulte, soit de l'absence d'information de l'administration par un agent de modifications de sa situation, soit de la transmission par un agent d'informations inexactes sur sa situation que la répétition des sommes versées n'est pas soumise à ce délai de prescription de deux ans. Sauf dispositions spéciales, les règles fixées par l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 sont applicables à l'ensemble des sommes indûment versées par des personnes publiques à leurs agents à titre de rémunération, y compris les avances et, faute d'avoir été précomptées sur la rémunération, les contributions ou cotisations sociales. En l'absence de toute autre disposition applicable, les causes d'interruption et de suspension de la prescription biennale instituée par les dispositions de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 sont régies par les principes dont s'inspirent les dispositions du titre XX du livre III du code civil. Il en résulte que tant la lettre par laquelle l'administration informe un agent public de son intention de répéter une somme versée indûment qu'un ordre de reversement ou un titre exécutoire interrompent la prescription à la date de leur notification. La preuve de celle-ci incombe à l'administration.
13. En l'espèce, Mme A... n'étant pas à l'origine de l'erreur commise par son employeur, le délai de prescription de deux ans était applicable, et expirait, s'agissant du premier paiement indu effectué le 6 juin 2017, le 1er juillet 2019. Dès lors que le titre de perception a été notifié dès le 30 avril 2019 au notaire en charge de la succession de l'intéressée et qu'il résulte de l'instruction que M. A... lui-même en a eu connaissance au plus tard le 16 mai 2019 lorsqu'il a formé une réclamation préalable à l'encontre de ce titre, le moyen tiré de ce que l'action en récupération de l'indu du ministre des armées était prescrite doit être écarté.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur les frais liés à l'instance :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. A... au titre des frais liés à l'instance.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre des armées.
Copie en sera adressée à la direction spécialisée des finances publiques pour l'étranger.
Délibéré après l'audience du 23 mai 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Menasseyre, présidente de chambre,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- Mme Jayer, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juin 2024.
La rapporteure,
M-B... La présidente,
A. Menasseyre
Le greffier,
P. Tisserand
La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA05402