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10/06/2024 | FRANCE | N°22PA04070

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 8ème chambre, 10 juin 2024, 22PA04070


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 13 avril 2018 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement pour motif disciplinaire.



Par jugement n° 1809705 du 1er juillet 2022, le tribunal administratif de Melun a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 13 avril 2018 autorisant le licenciement de M. A....



Procédure devant la cour :



Par une requête e

nregistrée le 5 septembre 2022, l'association APF France Handicap, représentée par Me Picard, demande à la cour :



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 13 avril 2018 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement pour motif disciplinaire.

Par jugement n° 1809705 du 1er juillet 2022, le tribunal administratif de Melun a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 13 avril 2018 autorisant le licenciement de M. A....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 septembre 2022, l'association APF France Handicap, représentée par Me Picard, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 1er juillet 2022 du tribunal administratif de Melun ;

2°) de rejeter la demande de première instance de M. A... ;

3°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) de mettre à la charge de M. A... les dépens.

Elle soutient que :

- le principe du contradictoire a été respecté dans le cadre de la procédure d'autorisation de licenciement, dès lors, d'une part, que M. A... a été mis en mesure de prendre connaissance de l'ensemble des pièces versées par elle et a formulé une demande de communication du procès-verbal de la réunion du comité d'entreprise du 26 février 2018 postérieurement à la décision d'autorisation de licenciement et, d'autre part, qu'il a été informé de l'identité des témoins entendus lors des auditions réalisées par l'inspecteur du travail, a pris connaissance de leurs déclarations et a été en mesure de faire entendre ses témoins ;

- la décision d'autorisation de licenciement du 13 avril 2018 est suffisamment motivée ;

- le principe de la présomption d'innocence est inapplicable à l'enquête contradictoire menée par l'inspecteur du travail ;

- la demande d'autorisation de licenciement est sans rapport avec l'état de santé et la situation de handicap de M. A... et ne fait pas non plus suite à une situation de harcèlement et de discrimination ;

- les faits qui lui sont reprochés ont été commis alors qu'il était apte à la reprise de son poste de travail et ne sont pas la conséquence d'un état pathologique ou du handicap de l'intéressé ;

- le caractère disciplinaire du licenciement est établi ;

- les faits reprochés à M. A..., à savoir le non-respect des consignes, le refus de reprendre son poste et d'exécuter les missions confiées, le comportement violent et menaçant à l'égard de la hiérarchie et des autres salariés et le refus de se rendre à la visite médicale, sont établis et d'une gravité suffisante pour justifier l'autorisation de licenciement sollicitée ;

- la demande d'autorisation de licenciement est sans lien avec les mandats syndicaux détenus par M. A... ;

- la décision d'autorisation de licenciement n'a pas de caractère disproportionné.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 avril 2023 et un mémoire, non communiqué, enregistré le 13 mai 2024, M. A..., représenté par Me Videcoq, demande à la cour de rejeter la requête de l'association APF France Handicap et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros, à verser à son conseil sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761 -1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'enquête menée par l'inspecteur du travail n'a pas été menée de façon contradictoire ;

- la décision d'autorisation de licenciement du 13 avril 2018 est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît la présomption d'innocence et le principe du doute qui bénéficie au salarié ;

- les griefs qui lui sont reprochés sont liés à son état de santé et à sa situation de handicap ;

- les griefs qui lui sont reprochés ne sont pas établis ;

- la demande d'autorisation de licenciement est en lien avec ses mandats syndicaux ;

- la décision de licenciement porte une atteinte disproportionnée à sa santé, à ses possibilités d'emplois et à ses conditions d'existence.

La requête a été communiquée au ministre du travail, de la santé et des solidarités, qui n'a pas produit d'observations.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 21 novembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Collet,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,

- et les observations de Me Videcoq, avocate de M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., recruté par l'association APF France Handicap le 15 juillet 2009, y occupait en dernier lieu le poste d'opérateur de saisie et exerçait les mandats de délégué syndical jusqu'au 31 octobre 2017, de délégué du personnel jusqu'au 18 octobre 2017 et de membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail jusqu'au 3 novembre 2017. Par courrier du 28 février 2018, l'association APF France Handicap a saisi l'inspection du travail d'une demande d'autorisation de licenciement de M. A... pour motif disciplinaire. Par une décision du 13 avril 2018, l'inspecteur du travail lui a accordé cette autorisation. Par jugement du 1er juillet 2022, dont l'association APF France Handicap relève appel, le tribunal administratif de Melun a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 13 avril 2018.

Sur le moyen d'annulation retenu par les premiers juges :

2. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi. A l'effet de concourir à la mise en œuvre de la protection ainsi instituée, les articles R. 2421-4 et R. 2121-11 du code du travail disposent que l'inspecteur du travail, saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé, " procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat ".

3. Le caractère contradictoire de l'enquête menée conformément aux dispositions mentionnées ci-dessus impose à l'autorité administrative, saisie d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé fondée sur un motif disciplinaire, d'informer le salarié concerné des agissements qui lui sont reprochés et de l'identité des personnes qui en ont témoigné. Il implique, en outre, que le salarié protégé soit mis à même de prendre connaissance de l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande, dans des conditions et des délais lui permettant de présenter utilement sa défense, sans que la circonstance qu'il soit susceptible de connaître le contenu de certaines de ces pièces puisse exonérer l'inspecteur du travail de cette obligation. C'est seulement lorsque l'accès à certains de ces éléments serait de nature à porter gravement préjudice à leurs auteurs que l'inspecteur du travail doit se limiter à informer le salarié protégé, de façon suffisamment circonstanciée, de leur teneur. Il appartient à l'administration, saisie d'une demande présentée par le salarié concerné par la procédure de licenciement et tendant à ce que, faute d'y avoir eu accès, copie lui soit donnée des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande d'autorisation de licenciement, d'assurer à ce salarié la possibilité soit de consulter librement ces pièces et d'en prendre copie, soit de lui en adresser une copie, le cas échéant sous forme dématérialisée. L'accès, dans le cadre de l'enquête contradictoire prévue par les articles R. 2421-4 et R. 2421-11 du code du travail, à l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande d'autorisation de licenciement, dans des conditions et des délais permettant de présenter utilement sa défense, constitue une garantie pour le salarié protégé.

4. Il ressort des pièces du dossier que, par des courriers des 7 et 19 mars 2018, l'inspecteur du travail a indiqué à M. A... qu'au cours de l'enquête contradictoire prévue d'abord le 16 mars 2018 puis le 4 avril 2018, lui serait " présenté " l'ensemble des documents joints à la demande d'autorisation de licenciement de son employeur, laquelle était annexée au premier courrier. Toutefois, il ne résulte ni de ces courriers ni d'aucun autre élément versé au dossier que M. A... ait été informé de son droit d'accès à ces pièces. Si l'association APF France Handicap se prévaut d'une attestation de l'inspecteur du travail rédigée le 2 septembre 2022, ce dernier mentionne seulement qu'au cours de l'enquête contradictoire des 16 mars et 4 avril 2018, il a " présenté et évoqué à M. A... le contenu des éléments transmis par l'employeur dont toute la partie liée au respect des règles de consultation du comité d'entreprise sur la demande de licenciement le concernant, pour qu'il [lui] fasse part de ses éventuelles observations ". Dans ces conditions, et alors même que M. A... n'a demandé que tardivement à avoir communication du procès-verbal de la réunion du comité d'établissement de l'association APF France Handicap Paris du 26 février 2018, l'intéressé ne peut être regardé comme ayant été mis à même de prendre connaissance de l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande d'autorisation de licenciement. Il suit de là que le caractère contradictoire de l'enquête menée par l'inspecteur du travail a été méconnu et que M. A... a été privé d'une garantie, ce qui a entaché d'illégalité la décision d'autorisation litigieuse.

5. Il résulte de tout ce qui précède que l'association APF France Handicap n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement du 1er juillet 2022 qu'elle attaque, le tribunal administratif de Melun a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 13 avril 2018 autorisant le licenciement de M. A....

Sur les frais d'instance :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par l'association APF France Handicap au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association APF France Handicap, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, le versement d'une somme au conseil de M. A....

7. Le présent arrêt ne comportant pas de dépens, les conclusions présentées par l'association APF France Handicap à ce titre ne peuvent qu'être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de l'association APF France Handicap est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de M. A... tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association APF France Handicap, à M. B... A... et à la ministre du travail, de la santé et des solidarités.

Délibéré après l'audience du 23 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Fombeur, présidente de la cour,

- Mme Menasseyre, présidente de chambre,

- Mme Collet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juin 2024.

La rapporteure,

A. ColletLa présidente,

P. Fombeur

Le greffier,

P. Tisserand

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 22PA04070


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA04070
Date de la décision : 10/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. FOMBEUR
Rapporteur ?: Mme Aude COLLET
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : SELARL BERNARD - VIDECOQ

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-10;22pa04070 ?
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