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07/06/2024 | FRANCE | N°23PA04247

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 9ème chambre, 07 juin 2024, 23PA04247


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 12 avril 2023 par lequel la préfète du Val-de-Marne l'a obligé à quitter le territoire français, lui a refusé un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.



Par une ordonnance n° 2307934 du 28 août 2023, le

vice-président du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande comme irrecevable pour tardiveté.




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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 12 avril 2023 par lequel la préfète du Val-de-Marne l'a obligé à quitter le territoire français, lui a refusé un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Par une ordonnance n° 2307934 du 28 août 2023, le vice-président du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande comme irrecevable pour tardiveté.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 6 octobre 2023, M. A..., représenté par Me Vannier, demande à la Cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler l'ordonnance du tribunal administratif de Melun du 28 août 2023 ;

3°) d'annuler l'arrêté du 12 avril 2023 par lequel la préfète du Val-de-Marne l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au bénéfice de son conseil sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou, en cas de rejet de sa demande d'aide juridictionnelle, de lui verser directement cette somme.

Il soutient que :

- c'est à tort que sa requête a été rejetée pour tardiveté, faute d'avoir été mis en mesure d'exercer son droit à un recours effectif et en l'absence de notification régulière de l'arrêté attaqué ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise par une autorité dont la compétence n'est pas établie ;

- elle est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- elle est fondée sur une base légale erronée en droit ;

- elle est entachée d'une erreur de droit dans la mesure où l'irrégularité de son séjour ne lui était pas opposable ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les décisions refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire, fixant le pays de renvoi et portant interdiction de retour sur le territoire français sont dépourvues de base légale par voie de conséquence de l'illégalité de la mesure d'éloignement sur laquelle elles se fondent ;

- le refus de départ volontaire qui lui est opposé et l'interdiction de retour sur le territoire français sont fondées sur des bases légales erronées en droit et sont entachés d'une erreur de fait.

La requête a été communiquée à la préfète du Val-de-Marne qui n'a pas produit d'observation.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lorin,

- et les observations de Me Bingham, substituant Me Vannier, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... relève régulièrement appel de l'ordonnance du 28 août 2023 par laquelle le vice-président du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 avril 2023 par lequel la préfète du Val-de-Marne l'a obligé à quitter le territoire français, lui a refusé un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. La demande tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle présentée par M. A... a été rejetée par une décision du 8 novembre 2023. Il n'y a plus lieu, par suite, de statuer sur cette demande.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

3. Pour rejeter comme manifestement irrecevable en raison de sa tardiveté, la demande de M. A..., le vice-président du tribunal administratif de Melun a relevé que la notification de l'arrêté de la préfète du Val-de-Marne était intervenue le 12 avril 2023 à 16 heures et que la requête de l'intéressé avait été enregistrée au greffe du tribunal le 19 juillet 2023, soit au-delà du délai de recours contentieux de quarante-huit heures fixé à l'article R. 776-2 du code de justice administrative.

4. D'une part, aux termes de l'article L. 613-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel est notifiée une décision portant obligation de quitter le territoire français est informé, par cette notification écrite, des conditions, prévues aux articles L. 722-3 et L. 722-7, dans lesquelles cette décision peut être exécutée d'office. / Lorsque le délai de départ volontaire n'a pas été accordé, l'étranger est mis en mesure, dans les meilleurs délais, d'avertir un conseil, son consulat ou une personne de son choix ". Aux termes de l'article L. 614-6 du même code : " Lorsque la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas assortie d'un délai de départ volontaire, le président du tribunal administratif peut être saisi dans le délai de quarante-huit heures suivant la notification de la mesure ".

5. D'autre part, aux termes de l'article R. 776-2 du code de justice administrative : " (...) II.- Conformément aux dispositions de l'article L. 614-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la notification par voie administrative d'une obligation de quitter sans délai le territoire français fait courir un délai de quarante-huit heures pour contester cette obligation et les décisions relatives au séjour, à la suppression du délai de départ volontaire, au pays de renvoi et à l'interdiction de retour ou à l'interdiction de circulation notifiées simultanément. (...) ". Aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ".

6. Enfin, en vertu des articles R. 776-19, R. 776-29 et R. 776-31 du code de justice administrative, il incombe à l'administration de faire figurer, dans la notification d'une obligation de quitter le territoire français sans délai à un étranger retenu ou détenu, la possibilité de déposer sa requête dans le délai de recours contentieux auprès de l'administration chargée de la rétention ou du chef de l'établissement pénitentiaire. En cas de rétention ou de détention, lorsque l'étranger entend contester une décision prise sur le fondement du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour laquelle celui-ci a prévu un délai de recours bref, notamment lorsqu'il entend contester une décision portant obligation de quitter le territoire sans délai, la circonstance que sa requête ait été adressée, dans le délai de recours, à l'administration chargée de la rétention ou au chef d'établissement pénitentiaire, fait obstacle à ce qu'elle soit regardée comme tardive, alors même qu'elle ne parviendrait au greffe du tribunal administratif qu'après l'expiration de ce délai de recours.

7. En l'espèce, il est constant que l'arrêté de la préfète du Val-de-Marne a été notifié à M. A... par voie administrative le 12 avril 2023 à 16 heures et que sa requête contentieuse a été enregistrée devant le tribunal administratif de Melun le 19 juillet 2023, postérieurement au délai de 48 heures imparti pour ce faire.

8. Pour contester le caractère tardif de sa requête, M. A... soutient que l'arrêté en litige lui a été notifié pendant sa garde à vue à un moment où il ne pouvait plus solliciter l'assistance d'un avocat, n'avait pas la possibilité de contacter une association ou même un proche et n'avait accès à aucun moyen de communication. Il fait valoir que son défèrement devant le procureur de la République le 13 avril 2023 suivi de son jugement selon la procédure de comparution immédiate puis son incarcération le même jour au centre pénitentiaire de Fresnes, ont fait obstacle à ce qu'il puisse matériellement exercer son droit à un recours effectif, étant entendu que l'avocat commis d'office dont il a bénéficié devant le tribunal judiciaire avait pour seule mission la défense de ses intérêts dans le cadre de cette procédure. Il fait également valoir que l'arrêté en litige ne lui a pas été remis en main propre avant la fin du mois de mai 2023 à la suite des démarches entreprises par la Cimade intervenant au centre pénitentiaire de Fresnes. Il soutient enfin qu'en l'absence de certaines mentions obligatoires, la notification irrégulière de cet arrêté n'a pu faire courir le délai de recours contentieux.

9. Toutefois, la circonstance que la notification de l'arrêté contesté soit intervenue alors qu'il était placé en garde à vue dans le cadre d'une procédure pénale ne constitue pas par elle-même un évènement qui ferait obstacle au déclenchement du délai de recours. La notification de l'arrêté attaqué mentionnait les voies et délais de recours contentieux, notamment le délai de recours de quarante-huit heures et la possibilité de déposer un recours auprès de l'administration chargée de la rétention ou du chef de l'établissement pénitentiaire. Par suite, la circonstance qu'il ait été détenu au centre pénitentiaire de Fresnes à l'issue de la procédure judiciaire dont il a fait l'objet ne constituait pas davantage un obstacle au décompte du délai de recours contentieux ouvert contre l'arrêté attaqué. Contrairement à ce qu'il soutient, la notification comportait l'information de la mise en mesure d'avertir un conseil, un consulat ou une personne de son choix. M. A... qui n'établit, ni même n'invoque, avoir sollicité l'exercice de ses droits, ne démontre pas avoir été privé de la possibilité d'un tel accès par la seule attestation d'un intervenant de la Cimade au centre pénitentiaire de Fresnes datée du 7 juillet 2023. Dans ces conditions, il ne justifie pas qu'il n'aurait pas été en mesure d'entamer des démarches pour contester l'arrêté attaqué dans le délai de recours contentieux et qu'il n'aurait pu exercer son droit à un recours effectif. Enfin, la circonstance que la notification ne mentionne pas l'adresse postale ou le numéro de télécopie du tribunal administratif de Melun est, en tout état de cause, sans incidence sur la capacité de l'intéressé à saisir dans les délais requis, la juridiction administrative, alors qu'il était informé de la possibilité de déposer son recours devant l'autorité administrative chargée de la rétention ou le chef d'établissement pénitentiaire. Par suite, la demande de M. A... tendant à l'annulation de cet arrêté, qui n'a été enregistré au greffe du tribunal administratif de Melun que le 19 juillet 2023, soit après l'expiration du délai de recours de quarante-huit heures, était tardive et donc irrecevable.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance contestée, le vice-président du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande comme irrecevable. Par voie de conséquence, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles tenant aux frais liés à l'instance.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 24 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président,

- M. Soyez, président assesseur,

- Mme Lorin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 7 juin 2024.

La rapporteure,

C. LORIN

Le président,

S. CARRERELa greffière,

E. LUCE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA04247


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA04247
Date de la décision : 07/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: Mme Cécile LORIN
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : VANNIER

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-07;23pa04247 ?
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