Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de titre de séjour, ainsi que l'arrêté du 27 juillet 2022 par lequel la même autorité a expressément rejeté sa demande.
Par un jugement n° 2210144 du 17 janvier 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 9 février 2023, M. B..., représenté par Me Patureau, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cette décision et cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " dans le délai d'un mois à compter de la décision à intervenir et sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa demande dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation en ce que, d'une part, il n'avait aucune obligation de se présenter en préfecture depuis la nouvelle rédaction de l'article R. 431-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vigueur depuis le
1er mai 2021, et d'autre part, la demande d'admission exceptionnelle au séjour n'a pas à être effectuée au moyen du téléservice mis en place par l'arrêté du 27 avril 2021 ;
- le préfet s'est abstenu, en méconnaissance de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration, de répondre à sa demande de communication des motifs de la décision implicite de rejet ;
- la décision implicite de rejet de sa demande de titre de séjour ainsi que l'arrêté sont entachés d'une insuffisance de motivation ;
- le caractère défectueux du système informatique de prise de rendez-vous en préfecture et le nombre insuffisant de disponibilités ont constitué un obstacle à l'enregistrement de sa demande, qui ne saurait être assimilé à un manquement à l'obligation de présentation personnelle en préfecture ;
- le préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'était pas en situation de compétence liée, n'était pas tenu de rejeter sa demande de titre de séjour qui n'avait pas été présentée conformément à la règle de présentation personnelle ;
- l'arrêté est entaché d'un vice de procédure, faute de saisine de la commission du titre de séjour ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- l'arrêté 27 avril 2021 du ministre de l'intérieur et des outre-mer pris en application de l'article R. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatif aux titres de séjour dont la demande s'effectue au moyen d'un téléservice ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Bruston a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant mauritanien né le 1er juillet 1974, est entré en France en 2011 selon ses déclarations. Le 10 janvier 2022, il a sollicité, par voie postale, la délivrance d'une carte de séjour temporaire au titre de sa vie privée et familiale sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du même code. Par une décision implicite née du silence gardé par l'administration, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande et, par un arrêté du 27 juillet 2022, la même autorité l'a expressément rejetée. M. B... relève appel du jugement du 17 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision et de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative attaquée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. M. B... ne peut donc utilement soutenir que le tribunal a entaché sa décision d'un défaut d'examen de sa situation personnelle et d'une erreur manifeste d'appréciation, pour demander l'annulation du jugement attaqué.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. En premier lieu, aux termes des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, les mesures de police doivent être motivées et " comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
4. D'une part, si, en vertu des articles R. 432-1 et R. 432-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le silence gardé par l'administration sur une demande de titre de séjour fait naître, au terme d'un délai de quatre mois, une décision implicite de rejet qui peut être déférée au juge de l'excès de pouvoir, une décision explicite de rejet intervenue postérieurement, qu'elle fasse suite ou non à une demande de communication des motifs de la décision implicite présentée en application des dispositions de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration, se substitue à la première décision. Il en résulte que des conclusions à fin d'annulation de cette première décision doivent être regardées comme dirigées contre la seconde et que, dès lors, celle-ci ne peut être utilement contestée au motif que l'administration aurait méconnu ces dispositions en ne communiquant pas les motifs de sa décision implicite. D'autre part, l'arrêté attaqué du 27 juillet 2022, qui s'est substitué à la décision implicite rejetant la demande de titre de séjour de M. B..., vise les articles
R. 431-2 et 3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et précise le motif de rejet de cette demande tiré du défaut de présentation de l'intéressé en préfecture. Dès lors, il répond, ainsi que l'avaient relevé les premiers juges, aux exigences de motivation posées par l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La demande d'un titre de séjour figurant sur une liste fixée par arrêté du ministre chargé de l'immigration s'effectue au moyen d'un téléservice à compter de la date fixée par le même arrêté. Les catégories de titres de séjour désignées par arrêté figurent en annexe 9 du présent code. / Les personnes qui ne sont pas en mesure d'effectuer elles-mêmes le dépôt en ligne de leur demande bénéficient d'un accueil et d'un accompagnement leur permettant d'accomplir cette formalité. Le ministre chargé de l'immigration fixe les modalités de cet accueil et de cet accompagnement. " Aux termes de l'article R. 431-3 du même code : " La demande de titre de séjour ne figurant pas dans la liste mentionnée à l'article R. 431-2, est effectuée à Paris, à la préfecture de police et, dans les autres départements, à la préfecture ou à la sous-préfecture. / Le préfet peut également prescrire que les demandes de titre de séjour appartenant aux catégories qu'il détermine soient adressées par voie postale. ".
6. L'arrêté du 27 avril 2021 pris en application de l'article R. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et codifié à l'annexe 9 de ce code n'inclut pas, dans la liste des catégories de titres de séjour dont la demande s'effectue au moyen d'un téléservice, celles relatives à l'admission exceptionnelle au séjour ou à la vie privée et familiale prévues par les articles L. 435-1 et L. 423-23 du même code.
7. D'une part, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a déterminé aucune catégorie de titre de séjour pouvant lui être adressée par voie postale et, contrairement à ce que soutient le requérant, il ne résulte pas des dispositions de l'article R. 431-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à compter du 1er mai 2021, que la présence personnelle de l'étranger souhaitant déposer une demande de titre de séjour ne serait plus rendue obligatoire, sauf à devoir répondre à une éventuelle convocation de la préfecture. Par suite, et ainsi que l'ont jugé à bon droit les juges de première instance, M. B... devait nécessairement se présenter en préfecture pour introduire valablement sa demande de titre de séjour.
8. D'autre part, si M. B... soutient que le caractère défectueux du système informatisé de prise de rendez-vous en préfecture et le nombre insuffisant de disponibilités mises en ligne ont constitué un obstacle à ce qu'il puisse se présenter devant les services préfectoraux, il ne l'établit pas. En particulier, il ne justifie pas avoir personnellement initié des démarches effectives pour obtenir d'être reçu par les services de la préfecture ou que toute tentative aurait été rendue vaine.
9. Il résulte des énonciations des points 6 à 8 du présent arrêt que le préfet de la
Seine-Saint-Denis pouvait légalement rejeter la demande de titre de séjour de l'intéressé au motif qu'elle n'avait pas été présentée conformément aux dispositions fixées à l'article R. 431-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
10. En dernier lieu, lorsque le refus de titre de séjour est fondé à bon droit sur l'absence de comparution personnelle du demandeur, ce dernier ne peut utilement se prévaloir, à l'encontre de la décision de rejet de sa demande de titre de séjour, de moyens autres que ceux tirés d'un vice propre de cette décision. Par suite, les moyens tirés du vice de procédure résultant du défaut de saisine de la commission du titre de séjour, de la méconnaissance des articles L. 423-23 et
L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'erreur manifeste d'appréciation ou encore de ce que le préfet n'était pas en situation de compétence liée pour rejeter sa demande, doivent être écartés comme inopérants.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent également être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 24 mai 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, présidente,
- Mme Bruston, présidente assesseure,
- Mme Saint-Macary, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juin 2024.
La rapporteure,
S. BRUSTONLa présidente
M. HEERS
La greffière,
A. GASPARYANLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23PA00554 2