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07/06/2024 | FRANCE | N°23PA00245

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 9ème chambre, 07 juin 2024, 23PA00245


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 18 décembre 2020 par laquelle le Premier ministre a décidé de ne pas renouveler son contrat échu le 5 avril 2021, ainsi que la décision du 12 janvier 2021 rejetant son recours gracieux.





Procédure devant la Cour :



Par une requête et un mémoire ampliatif, enregistrés les 18 janvier et 7 mars 2023, M. B..., représenté par Me Supplisson, demand

e à la Cour :



1°) d'annuler le jugement n° 2102758 du 18 novembre 2022 rendu par le tribunal administratif ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 18 décembre 2020 par laquelle le Premier ministre a décidé de ne pas renouveler son contrat échu le 5 avril 2021, ainsi que la décision du 12 janvier 2021 rejetant son recours gracieux.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire ampliatif, enregistrés les 18 janvier et 7 mars 2023, M. B..., représenté par Me Supplisson, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2102758 du 18 novembre 2022 rendu par le tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du 18 décembre 2020 par laquelle le Premier ministre a décidé de ne pas renouveler son contrat échu le 5 avril 2021, ainsi que la décision du 12 janvier 2021 rejetant son recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'erreurs de droit, de fait et d'appréciation ;

- il est insuffisamment motivé en tant qu'il se prononce sur le moyen tiré du défaut d'entretien préalable à la notification de la décision de non-renouvellement de contrat ;

- la motivation a posteriori de la décision de ne pas renouveler son contrat, présentée à l'appui de rejet de son recours gracieux, traduit la volonté de l'administration de dissimuler les motifs réels de cette décision et ne pouvait tenir lieu de motivation de la décision initiale qui ne comportait aucun motif ;

- la décision litigieuse est entachée d'erreurs de droit, de fait et d'appréciation dès lors que les besoins du service justifiaient le renouvellement de son contrat ;

- cette décision a été prise pour des motifs étrangers à l'intérêt du service liés, d'une part, au signalement qu'il avait rédigé dénonçant le management brutal constitutif de faits de harcèlement d'un supérieur hiérarchique et, d'autre part, au refus systématique de la DINUM de recourir aux contrats à durée indéterminée ;

- la décision litigieuse est entachée de détournement de pouvoir.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 juin 2023, la Première ministre conclut au rejet de la requête.

Vu les autres pièces du dossier et notamment la pièce complémentaire enregistrée le 8 mars 2023.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lorin,

- et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a été recruté le 6 avril 2015 par les services du Premier ministre au sein de la direction interministérielle des systèmes d'information et de communication de l'Etat devenue la direction interministérielle du numérique (DINUM), en qualité d'ingénieur en systèmes d'information - expert en méthode agile par un contrat à durée déterminée de trois ans, prolongé de trois années supplémentaires jusqu'au 5 avril 2021. Par une décision du 18 décembre 2020, confirmée sur recours gracieux par une décision du 12 janvier 2021, le Premier ministre a décidé de ne pas renouveler son contrat. M. B... relève régulièrement appel du jugement du 18 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Il résulte du point 4 du jugement contesté que les premiers juges ont énoncé précisément les éléments de fait et les motifs qui les ont conduits à écarter le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 45 du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986, le bien-fondé du raisonnement suivi par le tribunal administratif étant sans incidence sur la régularité du jugement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement attaqué qui tend en réalité à remettre en cause son bien-fondé doit être écarté.

3. Hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative attaquée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. M. B... ne peut donc utilement soutenir que le tribunal a entaché son jugement d'erreurs de droit, de fait et d'appréciation pour demander l'annulation du jugement attaqué.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. En premier lieu, un agent dont le contrat est arrivé à échéance n'a aucun droit au renouvellement de celui-ci. Il en résulte que la décision de ne pas renouveler ce contrat n'est pas, sauf à revêtir le caractère d'une mesure disciplinaire, au nombre des mesures qui doivent être motivées en application des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, M. B... ne peut utilement soutenir que les motifs de la décision de non-renouvellement de son contrat de travail qui lui ont été communiqués par la décision du 12 janvier 2021 rejetant son recours gracieux ne pouvaient légalement justifier la décision initiale du 18 décembre 2020 l'informant de la cessation de cette relation contractuelle.

5. En deuxième lieu, si un agent public, recruté par contrat à durée déterminée, ne bénéficie, au terme prévu, d'aucun droit au renouvellement de son contrat, la décision de ne pas renouveler le contrat ne peut être prise que pour des motifs tirés de l'intérêt du service sans pouvoir être fondée sur une inexactitude matérielle des faits, une erreur manifeste d'appréciation ou un détournement de pouvoir.

6. En l'espèce, il ressort des pièces produites à l'instance et notamment des termes du courriel du 12 janvier 2021 par lequel le directeur de la DINUM a rejeté son recours gracieux, ainsi que des échanges de mails qui ont précédé, que la décision de ne pas renouveler le contrat de M. B... a été motivée par l'évolution des besoins du service entraînant la suppression de son poste et la création d'un poste de Designer UX/UI. Les activités de la DINUM, recentrées vers l'accompagnement des administrations dans le suivi et le développement des services numériques mis en place, ont ainsi entraîné l'externalisation de la mission d'animation d'incubateurs de services publics numériques en mode agile, auparavant confiée à l'intéressé, qui s'est concrétisée par la passation d'un marché de prestation de service mis en œuvre dès le mois de janvier 2020 et par l'attribution de nouveaux crédits par la loi de finances de 2021 afin de permettre le recrutement d'agents présentant un profil technique plus spécialisé, tels que des designers informatiques ou des développeurs UX chargés d'exploiter les retours d'expérience.

7. D'une part, M. B... soutient que ses missions et son expertise correspondent à un besoin effectif et permanent de la DINUM et verse aux débats, à ce titre, la copie d'un courriel du 30 novembre 2020 par lequel le directeur de la " mission Beta ", supérieur hiérarchique direct de l'intéressé, indique être favorable au renouvellement de son contrat compte tenu de la diversité de ses compétences techniques, rédactionnelles et relationnelles particulièrement méritoires et de sa manière de servir exemplaire, un témoignage anonyme attestant de la nécessité de la poursuite de sa collaboration, ainsi que les comptes-rendus élogieux de ses entretiens professionnels. Toutefois, ces documents ne suffisent pas à remettre en cause la circonstance, établie par la production de trois accords-cadres signés le 29 janvier 2020 dans le cadre du marché de prestations intellectuelles, mentionné au point précédent, portant sur l'accompagnement de la DINUM dans l'animation d'incubateurs de services publics numériques en mode agile, que les missions qu'exerçaient M. B... ont été externalisées. Par ailleurs, contrairement à ce qu'indique l'intéressé, le poste de " designer UX/UI " rattaché au pôle Design des services numériques du département PSN qui était à pourvoir au 15 janvier 2021 se distingue du poste qu'il occupait précédemment au sein de la mission Beta rattachée au programme Tech.gouv, par sa mission, les compétences requises et ses activités principales, notamment centrées sur le design des services numériques et la conception de l'interface des parcours usagers.

8. D'autre part, si M. B... fait valoir que le non renouvellement de son contrat résulte de la volonté de la DINUM de limiter le recours aux contrats à durée indéterminée, comme en témoigne le nombre important de fins de contrats, il n'appartient toutefois pas au juge de porter une appréciation sur la pertinence des choix de gestion opérés dans la conduite d'une administration, dès lors que ces choix sont arbitrés dans l'intérêt du service. En l'espèce, alors que M. B... ne tenait aucun droit au renouvellement de son contrat, l'administration justifie l'intérêt du service qui a conduit à décider de mettre un terme à leur relation contractuelle, par la nécessité d'une adaptation de la DINUM aux besoins évolutifs des administrations en matière de numérique en supprimant le poste occupé par l'intéressé et par la création d'un poste de " designer UX/UI ".

9. Enfin, si M. B... fait valoir que la décision litigieuse trouve son origine dans le conflit qui l'a opposé au directeur du programme Tech. gouv. auquel est rattachée la mission Beta, il ressort des pièces du dossier que le signalement de souffrance au travail qu'il a adressé au mois de juin 2020 a été pris en charge immédiatement par la DINUM par la voie de la médiation qui a abouti à un accord au mois d'août 2020. M. B... ne démontre pas que ce signalement de risques psycho-sociaux au sein de la direction a été à l'origine de la décision en litige par la seule production d'un courriel du 30 novembre 2020 de son supérieur hiérarchique direct au directeur de la DINUM, évoquant ce conflit comme ayant été le " principal frein " à la reconduction de son contrat, et demandant un arbitrage en sa faveur. Par ailleurs si l'intéressé soutient que ce conflit personnel n'est pas éteint par la simple raison qu'il n'a pas retiré ce signalement, il ne conteste toutefois pas que la médiation mise en œuvre a effectivement abouti à un accord qu'il a validé.

10. Il résulte de ce qui a été énoncé aux points 4 à 9 que M. B... ne démontre pas que la décision en litige aurait été prise dans un but étranger à l'intérêt du service. Par suite les moyens tirés de l'erreur de droit, de l'erreur de fait, de l'erreur manifeste d'appréciation et du détournement de pouvoir doivent être écartés.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'annulation et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au Premier ministre.

Délibéré après l'audience du 24 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président,

- M. Soyez, président assesseur,

- Mme Lorin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 7 juin 2024.

La rapporteure,

C. LORINLe président,

S. CARRERE

La greffière,

E. LUCE

La République mande et ordonne au Premier ministre, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 23PA00245


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA00245
Date de la décision : 07/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: Mme Cécile LORIN
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : SELARL LEGIPUBLIC AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-07;23pa00245 ?
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