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07/06/2024 | FRANCE | N°23PA00082

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 4ème chambre, 07 juin 2024, 23PA00082


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 25 septembre 2019 par laquelle le directeur du centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges l'a suspendue de ses fonctions de praticien hospitalier à compter du 25 septembre 2019 ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux et d'annuler la décision du 16 avril 2021 par laquelle la directrice du centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges l'a susp

endue de ses fonctions de praticien hospitalier à compter du 19 avril 2021 ains...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 25 septembre 2019 par laquelle le directeur du centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges l'a suspendue de ses fonctions de praticien hospitalier à compter du 25 septembre 2019 ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux et d'annuler la décision du 16 avril 2021 par laquelle la directrice du centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges l'a suspendue de ses fonctions de praticien hospitalier à compter du 19 avril 2021 ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 2001855, 2106064 du 20 octobre 2022, le tribunal administratif de Melun a constaté que les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 25 septembre 2019 et du rejet du recours gracieux exercé à son encontre étaient devenues sans objet et a annulé la décision du 16 avril 2021 et le rejet du recours gracieux exercé à son encontre.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 6 janvier et 25 avril 2023 et 12 janvier 2024, le centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges, représenté par Me Cochereau, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Melun en tant qu'il a annulé sa décision du 16 avril 2021 et le rejet du recours gracieux exercé à son encontre et de rejeter la demande de Mme A... ;

2°) de mettre à la charge de Mme A... une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'omission à statuer ;

- la circonstance que les faits sur lesquels se fonde la décision soient anciens n'empêche pas de faire usage de l'article L. 6143-7 du code de la santé publique ;

- le comportement de Mme A... est en outre contemporain de la décision contestée ;

- plusieurs éléments caractérisent l'existence de circonstances exceptionnelles.

Par des mémoires en défense enregistrés les 13 juin 2023 et 8 février 2024, Mme A..., représentée par la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, conclut, dans le dernier état de ses écritures, au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés ;

- elle subit depuis 2010 de la part du centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges des agissements constitutifs de harcèlement moral.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Saint-Macary,

- les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique,

- et les observations de Me Ricard, représentant Mme A..., et de Me Lemoine, représentant le centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges.

Une note en délibéré, présentée pour Mme A..., a été enregistrée le 28 mai 2024.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... a été titularisée en qualité de praticien hospitalier au sein du laboratoire de biologie médicale du centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges à compter du 1er mars 2010. Elle a été mise à disposition de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris à compter du 15 juillet 2017 et affectée au centre hospitalier universitaire du Kremlin-Bicêtre. Elle a demandé à être réaffectée au centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges à compter du 25 septembre 2019. Par une décision du même jour, le directeur de cet établissement l'a suspendue de ses fonctions. Cette décision a été retirée le 29 janvier 2021 en raison de l'affectation de Mme A... au centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye en vertu d'une convention de mise à disposition qui pouvait être dénoncée avec un préavis de deux mois. Mme A... a, par un courrier daté du 19 février 2021, dénoncé cette convention. Par un arrêté du 16 avril 2021, le directeur du centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges l'a suspendue de ses fonctions à compter du 19 avril 2021. Il relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Melun a fait droit à la demande de Mme A... tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort du dossier de première instance que le centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges soutenait, sous l'intitulé " irrecevabilité de la requête ", que la décision par laquelle le Conseil national de gestion avait selon lui décidé le maintien de la suspension de Mme A... s'était substituée à la décision du 16 avril 2021 contestée par Mme A... et que les conclusions tendant à l'annulation de cette dernière décision avaient perdu leur objet. Contrairement à ce que soutient le requérant, le tribunal a, au point 10 du jugement attaqué, écarté ce moyen de défense, tant sur le terrain de la recevabilité que sur celui du non-lieu à statuer, et n'a dans ces conditions pas entaché son jugement d'omission à statuer.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Le directeur d'un centre hospitalier, qui, en vertu de l'article L. 6143-7 du code de la santé publique, exerce son autorité sur l'ensemble du personnel de son établissement, peut, dans des circonstances exceptionnelles où sont mises en péril la continuité du service et la sécurité des patients, décider de suspendre les activités cliniques et thérapeutiques d'un praticien hospitalier au sein du centre, à condition d'en référer immédiatement aux autorités compétentes pour prononcer la nomination du praticien concerné.

4. Pour décider, le 16 avril 2021, de suspendre les activités de Mme A... au sein du centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges, le directeur de l'établissement s'est fondé sur les difficultés relationnelles de Mme A..., l'échec de sa précédente tentative de réintégration en 2016 et les réactions de ses collègues en 2019 et 2021 lors de l'annonce de sa réintégration. Il ressort des pièces du dossier que le comportement de Mme A... au sein du laboratoire de biologie médicale de l'établissement s'est avéré problématique du fait, notamment, de ses difficultés relationnelles et du non-respect des consignes, tant à l'occasion de sa première affectation jusqu'en 2013 qu'à l'occasion de sa nouvelle affectation de 2014 à 2017. Ces difficultés ont à nouveau été mises en évidence dans d'autres établissements, en particulier les deux derniers où elle a été affectée, le centre hospitalier universitaire du Kremlin-Bicêtre de 2017 à 2019 et le centre hospitalier de Poissy-Saint-Germain-en-Laye début 2021. Il ressort également des pièces du dossier qu'à l'annonce de sa réintégration en avril 2021, plusieurs professionnels de santé ont manifesté leur opposition ferme à ce retour compte tenu des problèmes engendrés par la présence de Mme A... et de ce que le laboratoire avait retrouvé un fonctionnement apaisé depuis son départ, que le chef du pôle médico-technique a menacé de démissionner et qu'un praticien hospitalier du laboratoire de biologie médicale a menacé d'exercer son droit de retrait. Le centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges n'apporte toutefois aucun élément de nature à révéler qu'il existait, à la date de sa décision, des circonstances exceptionnelles mettant en péril la continuité du service et la sécurité des patients. A cet égard, la persistance pendant douze années du comportement de Mme A..., sa manifestation dans plusieurs établissements et la décision du Conseil national de gestion de la licencier pour insuffisance professionnelle en 2023, si elles sont susceptibles de révéler, le cas échéant, l'insuffisance professionnelle de l'intéressée, ne sont pas de nature à caractériser de telles circonstances. Dans ces conditions, le centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a estimé que son directeur avait fait une inexacte application du pouvoir de suspension qu'il détient en vertu de l'article L. 6143-7 du code de la santé publique en l'absence de circonstances exceptionnelles de nature à mettre en péril la continuité du service et la sécurité des patients et a annulé, pour ce motif, la décision de son directeur du 16 avril 2021.

Sur les frais du litige :

5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A..., qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que le centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges demande sur ce fondement. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges est rejetée.

Article 2 : Le centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges versera à Mme A... une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges et à Mme B... A....

Délibéré après l'audience du 24 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, présidente de chambre,

- Mme Bruston, présidente-assesseure,

- Mme Saint-Macary, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juin 2024.

La rapporteure,

M. SAINT-MACARY

La présidente,

M. HEERS

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA00082


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA00082
Date de la décision : 07/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Marguerite SAINT-MACARY
Rapporteur public ?: Mme LIPSOS
Avocat(s) : RICARD

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-07;23pa00082 ?
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