Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La compagnie nationale Royal Air Maroc a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 13 janvier 2021 par laquelle le ministre de l'intérieur lui a infligé une amende majorée de 20 000 euros.
Par un jugement n° 2105619 du 4 octobre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 5 décembre 2022, la compagnie nationale Royal Air Maroc, représentée par Me Pradon, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler la décision du 13 janvier 2021 du ministre de l'intérieur et de la décharger du paiement de la somme de 20 000 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les modalités de paiement de la consignation ne lui ont pas été précisées et aucun titre de perception n'a été émis pour la recouvrer ;
- ses agents ont pu croire que le passager mineur était accompagné de son oncle ;
- l'usurpation d'identité du passager n'était pas manifeste.
Par un mémoire en défense enregistré le 5 octobre 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des transports ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Saint-Macary,
- et les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 13 janvier 2021, le ministre de l'intérieur a infligé à la compagnie nationale Royal Air Maroc, sur le fondement des articles L. 625-1 et suivants alors en vigueur du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une amende de 20 000 euros pour avoir, le 13 février 2020, débarqué sur le territoire français, à l'aéroport de Paris-Orly, un passager mineur de nationalité indéterminée en provenance de Casablanca, muni d'un passeport français usurpé. La compagnie nationale Royal Air Maroc relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de cette décision.
2. Aux termes de l'article L. 6421-2 du code des transports : " Le transporteur ne peut embarquer les passagers pour un transport international qu'après justification qu'ils sont régulièrement autorisés à atterrir au point d'arrivée et aux escales prévues ". Aux termes de l'article L. 625-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, désormais codifié à l'article L. 821-6 de ce code : " Est punie d'une amende d'un montant maximum de 10 000 € l'entreprise de transport aérien ou maritime qui débarque sur le territoire français, en provenance d'un Etat avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen, un étranger non ressortissant d'un Etat de l'Union européenne et démuni du document de voyage et, le cas échéant, du visa requis par la loi ou l'accord international qui lui est applicable en raison de sa nationalité (...) ". Aux termes de l'article L. 625-4 du même code, devenu l'article L. 821-9 : " Lorsque l'étranger débarqué en France est un mineur sans représentant légal, la somme de 10 000 € doit être immédiatement consignée auprès du fonctionnaire visé au premier alinéa de l'article L. 625-2. Tout ou partie de cette somme est restituée à l'entreprise selon le montant de l'amende prononcée ultérieurement par l'autorité administrative. Si l'entreprise ne consigne pas la somme, le montant de l'amende est porté à 20 000 € (...) ". L'article L. 625-2 de ce même code, devenu l'article L. 821-12, prévoit : " Le manquement est constaté par un procès-verbal établi par un fonctionnaire appartenant à l'un des corps dont la liste est définie par décret en Conseil d'Etat. Copie du procès-verbal est remise à l'entreprise de transport intéressée (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 625-5 du même code, devenu l'article L. 821-6 : " Les amendes prévues aux articles L. 625-1 et L. 625-4 ne sont pas infligées : (...) / 2° Lorsque l'entreprise de transport établit que les documents requis lui ont été présentés au moment de l'embarquement et qu'ils ne comportaient pas d'élément d'irrégularité manifeste ".
3. Ces dispositions font obligation aux transporteurs aériens de s'assurer, au moment des formalités d'embarquement, que les voyageurs ressortissants d'Etats non membres de l'Union européenne sont en possession de documents de voyage leur appartenant, le cas échéant revêtus des visas exigés par les textes, non falsifiés et valides. Si ces dispositions n'ont pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet de conférer au transporteur un pouvoir de police en lieu et place de la puissance publique, elles lui imposent de vérifier que l'étranger est muni des documents de voyage et des visas éventuellement requis et que ceux-ci ne comportent pas d'éléments d'irrégularité manifeste, décelables par un examen normalement attentif des agents de l'entreprise de transport. En l'absence d'une telle vérification, à laquelle le transporteur est d'ailleurs tenu de procéder en vertu de l'article L. 6421-2 du code des transports, le transporteur encourt l'amende administrative prévue par les dispositions précitées.
4. Il appartient au juge administratif, saisi d'un recours de pleine juridiction contre la décision infligeant une amende à une entreprise de transport aérien sur le fondement des dispositions législatives précitées, de statuer sur le bien-fondé de la décision attaquée et de réduire, le cas échéant, le montant de l'amende infligée, en tenant compte de l'ensemble des circonstances de l'espèce.
5. En premier lieu, il résulte de l'instruction que par un procès-verbal établi le 13 février 2020, un agent de la police aux frontières a constaté le manquement de la compagnie nationale Royal Air Maroc et lui a indiqué que le passager dépourvu de document de voyage étant un mineur sans représentant légal, une somme de 10 000 euros devait être immédiatement consignée soit en numéraire, soit en chèque de banque. Ce même procès-verbal l'informait qu'à défaut de remise de la consignation, l'amende encourue serait portée à un maximum de 20 000 euros. Il résulte par ailleurs des dispositions citées au point 2 que la compagnie nationale Royal Air Maroc devait consigner la somme de 10 000 euros immédiatement auprès de l'agent ayant établi ce procès-verbal. La compagnie nationale Royal Air Maroc n'est dès lors pas fondée à soutenir que les modalités de paiement de cette consignation ne lui auraient pas été précisées, ni ne peut utilement soutenir qu'aucun titre de perception n'a été émis pour son recouvrement.
6. En deuxième lieu, la circonstance que le passager a débarqué sur le sol français accompagné d'une personne majeure se présentant comme son oncle n'est pas de nature à exclure l'application des dispositions précitées de l'article L. 625-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que la seule qualité d'oncle n'en faisait pas le représentant légal du mineur. Ce lien de parenté n'est au demeurant pas établi.
7. En dernier lieu, il résulte de l'instruction que les dissemblances physiques entre la photographie figurant sur le passeport usurpé et le passager débarqué étaient suffisamment importantes pour que le caractère usurpé du passeport soit regardé comme manifeste et décelable par un examen normalement attentif de l'agent d'embarquement. Cette irrégularité était dès lors susceptible de justifier le prononcé d'une amende sur le fondement des articles L. 625-1 et L. 625-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, aucune circonstance particulière ne justifie une minoration du montant de l'amende prévue par les dispositions de l'article L. 625-1 devenu L. 821-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. Il résulte de ce qui précède que la compagnie nationale Royal Air Maroc n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la compagnie nationale Royal Air Maroc est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la compagnie nationale Royal Air Maroc et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 24 mai 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Heers, présidente de chambre,
Mme Bruston, présidente-assesseure,
Mme Saint-Macary, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juin 2024.
La rapporteure,
M. SAINT-MACARY
La présidente,
M. HEERS
La greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA05158