Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2013 et 2014 ainsi que des pénalités dont elles ont été assorties.
Par un jugement n° 2004405 du 12 mai 2022, le tribunal administratif de Paris a décidé qu'il n'y avait plus lieu à statuer à concurrence de 3 365 euros en droits et pénalités au titre de l'année 2013, et à concurrence de 47 318 euros en droits et pénalités au titre de l'année 2014 compte tenu du dégrèvement prononcé en cours d'instance et a rejeté le surplus des conclusions de leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 11 juillet 2022 et 8 décembre 2022, M. et Mme A..., représentés par Me Dewolf, avocat, demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 12 mai 2022 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions supplémentaires demeurées à leur charge au titre des années 2013 et 2014 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 600 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les revenus réputés distribués mis à leur charge ne pouvaient excéder le bénéfice imposable de la société Bati Rénov 2 dont M. A... était le gérant sur la période vérifiée, conformément, d'une part, aux dispositions du 1° de l'article 109-1 et de l'article 110 du code général des impôts et, d'autre part, à la documentation administrative référencée BOI-RPPM-RCM-10-20-10 opposable à l'administration sur le fondement de l'article 80 A du livre des procédures fiscales ; le montant des bénéfices distribuables devait être déterminé en intégrant l'intégralité des charges déductibles en ce compris la cascade de taxe sur la valeur ajoutée ; les distributions mises à leur charge sur le fondement du 1° de l'article 109-1 du code général des impôts ne pouvaient en conséquence excéder les sommes de 117 902 euros au titre de l'année 2013 et de 117 435 euros au titre de l'année 2014 correspondant à l'assiette de l'impôt sur les sociétés retenue pour la société Bati Rénov 2 ;
- la décision de dégrèvement partiel prise le 8 février 2021 par l'administration qui a retenu, à la suite d'une erreur de calcul, un taux de charges à hauteur de 80 % au titre de l'année 2014, constitue une prise de position formelle qui lui est opposable sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales ; le même taux doit être appliqué au titre de l'année 2013 et conduire à un dégrèvement complémentaire d'un montant en base de 39 411 euros, compte tenu du chiffre d'affaires reconstitué retenu de 394 105 euros ;
- la procédure de taxation d'office pour opposition à contrôle fiscal appliquée à la société Bati Rénov 2 a été conduite irrégulièrement ;
- la reconstitution dont les résultats ont généré les revenus réputés distribués est radicalement viciée dans son principe ;
- au regard du principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée, un montant de TVA déductible devait être déterminé en tenant compte du montant des charges admises en déduction, la méthode de reconstitution portant sur le montant de la TVA étant radicalement viciée s'agissant de l'année 2014 ;
- l'administration ne justifie pas de la qualité de maître de l'affaire de M. A... ;
- si l'administration fiscale entend substituer aux dispositions du 1° de l'article 109-1 du code général des impôts, celles du 2° du même article, la proposition de rectification ne répond pas aux exigences de motivation de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;
- en l'absence de démonstration de l'appréhension effective des sommes réputées distribuées, les redressements ne peuvent être prononcés sur les dispositions du 2° de l'article 109-1 du code général des impôts.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 octobre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les moyens soulevés par M. et Mme A... ne sont pas fondés ;
- à titre subsidiaire, si la cour estimait que seules les sommes correspondantes au résultat imposable rectifié de la société Bati-Renov 2, après cascade de taxe sur la valeur ajoutée, étaient imposables sur le fondement du 1° de l'article 109-1 du code général des impôts, les sommes excédant cette limite, pour la part correspondant au profit de taxe sur la valeur ajoutée, devraient être maintenues sur le fondement du 2° du même article 109-1 du code général des impôts.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lorin,
- et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.
Une note en délibéré, enregistrée le 24 mai 2024, a été présentée par Me Dewolf, pour M. et Mme A... et n'a pas été communiquée.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Bati Rénov 2, dont M. A... était associé à hauteur de 50 % et gérant jusqu'au 1er mars 2016, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014. A la suite de son opposition à ce contrôle, l'administration a évalué d'office ses bénéfices imposables à l'impôt sur les sociétés et la taxe sur la valeur ajoutée due sur ses recettes. Parallèlement, à l'issue d'un contrôle sur pièces des déclarations fiscales personnelles de M. et Mme A..., une proposition de rectification, établie selon la procédure contradictoire, leur a été adressée le 13 décembre 2016, M. A... étant considéré comme bénéficiaire, sur le fondement du 1° de l'article 109-1 du code général des impôts, de revenus distribués taxés au titre des années 2013 et 2014. Par la présente requête, M. et Mme A... relèvent régulièrement appel du jugement du 12 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris, après avoir relevé qu'il n'y avait plus lieu à statuer à concurrence de la somme globale en droits et pénalités de 50 683 euros dégrévée en cours d'instance, a rejeté le surplus des conclusions de leur demande.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. En vertu du principe d'indépendance des procédures, les éventuelles irrégularités de la procédure d'imposition suivie à l'encontre d'une société soumise au régime d'imposition des sociétés de capitaux ne peuvent avoir d'autre conséquence que la décharge des impositions mises à la charge de cette société et restent sans incidence sur les impositions personnelles mises à la charge de la personne imposée à l'impôt sur le revenu au titre des distributions de cette société. En l'espèce, il est constant que la SARL Bati Rénov 2 était soumise au régime d'imposition des sociétés de capitaux. Par suite, alors même que les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux en litige résultent des sommes regardées comme distribuées par cette société à M. A..., le moyen tiré de ce que la procédure de rectification d'office aurait été irrégulièrement conduite, en l'absence de rencontre organisée entre le vérificateur et le gérant de la société qui a succédé à M. A... à compter du 1er mars 2016 et à défaut de discussion engagée par le service sur le taux de charges retenu dans la reconstitution du chiffre d'affaires de la société au titre de l'année 2013, doivent être écartés comme inopérants.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
3. D'une part, aux termes de l'article R. 57-1 du livre des procédures fiscales : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de cet article ". Aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré / (...) ".
4. En l'espèce, il résulte de l'instruction que la proposition de rectification en date du 13 décembre 2016 a été notifiée à M. et Mme A... le 16 décembre 2016. Il est constant que les intéressés n'ont pas présenté d'observations mais ont sollicité par un courrier du 14 décembre 2016, qui n'a été expédié que le 19 janvier 2017 et réceptionné le lendemain par l'administration, une demande de prorogation de délai, laquelle a été refusée comme étant présentée au-delà du délai franc de trente jours suivant la notification de la proposition de rectification. Ainsi, en vertu des dispositions précitées de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, les intéressés supportent la charge de la preuve du caractère exagéré des impositions en litige.
5. D'autre part, aux termes de l'article 109 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; (...) ". Aux termes de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109 les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés. (...) ". Lorsque, pour procéder au rehaussement des bénéfices imposables d'une société, l'administration procède à la réintégration de la somme correspondant au montant hors taxes de recettes omises puis ajoute à ces bénéfices la somme correspondant au montant de la TVA due sur ces recettes calculées hors taxes, cette décomposition ne saurait avoir pour effet de remettre en cause le caractère de revenu distribué de la totalité des recettes. Par suite, l'administration est fondée à regarder comme distribuées les sommes correspondant, d'une part, au montant hors taxes des recettes omises et, d'autre part, au montant de la TVA due sur les recettes calculées hors taxes.
6. Il ressort de la proposition de rectification notifiée à SARL Bati Rénov 2, annexée à celle du 13 décembre 2016 adressée à M. et Mme A..., qu'à la suite de l'opposition à contrôle fiscal constatée par l'administration, les recettes de la société ont été déterminées à partir des encaissements bancaires qui ont été considérés comme des recettes toutes taxes comprises. Le vérificateur a procédé à la réintégration extra comptable, au bénéfice de l'entreprise, pour chaque exercice, de la somme correspondant au montant ramené hors taxe des recettes. Les recettes ont été diminuées, pour chacune de ces deux années, des charges évaluées forfaitairement à 70 %, conduisant à admettre en déduction un montant supérieur au montant de charges justifiées sur factures à hauteur de 48 563,83 euros au titre de l'exercice 2013 et de 117 293,90 euros au titre de l'exercice 2014. Le service a également réintégré les rappels de taxe sur la valeur ajoutée non déclarée due sur les recettes calculées hors taxes, dont il est résulté un profit sur le Trésor à hauteur de 67 716 euros au 31 décembre 2013 et de 79 303 euros au 31 décembre 2014. Enfin, le taux de charges a été porté à 80 % au titre de l'année 2014 à la suite d'une décision de dégrèvement partiel admis par l'administration le 8 février 2021.
7. En premier lieu, si M. et Mme A... font valoir que la méthode de reconstitution qui doit être basée sur les données propres de l'entreprise aurait été radicalement viciée en raison du rattachement des recettes taxables aux périodes d'imposition correspondant aux encaissements, et en l'absence de prise en compte des décaissements dans la reconstitution effectuée, il résulte de l'instruction que la SARL Bati Rénov 2 exerce une activité de prestation de services impliquant, aux termes des articles 38,2 bis et 269,2,c. du code général des impôts, que les recettes taxables soient rattachées à l'exercice ou aux périodes d'imposition au cours desquelles sont intervenus les encaissements. En outre, les requérants n'apportent aucune précision sur les charges qui n'auraient pas été intégrées ou insuffisamment prises en compte. Ils ne démontrent ainsi pas que l'évaluation des charges de la société serait par principe radicalement viciée, alors que les montants additionnés des charges pour lesquelles des factures justificatives ont été présentées, étaient bien inférieurs à ceux retenus par l'administration par l'application d'un taux forfaitaire.
8. En deuxième lieu, M. et Mme A... soutiennent que la taxe sur la valeur ajoutée retenue au titre de l'année 2014 ne respecte pas le principe de neutralité fiscale, un tel moyen ne peut être utilement soulevé pour demander la décharge d'impositions établies à raison de bénéfices réputés distribués par la SARL Bati Rénov 2, par ailleurs seule redevable des rappels de taxe mentionnés.
9. Il résulte de ce qui a été énoncé aux points 7 et 8, qu'en l'absence d'éléments se rapportant plus précisément à l'activité de la société, M. et Mme A..., auxquels incombent la charge de la preuve, ne remettent pas en cause la validité de la méthode d'évaluation décrite ci-dessus des résultats de la SARL Bati Rénov 2 au titre des exercices concernés.
10. En troisième lieu, M. et Mme A... soutiennent que le taux de charges déductibles fixé à 70 % a été déterminé de manière arbitraire par l'administration et que la décision de dégrèvement partiel prise le 8 février 2021 par l'administration qui a retenu, à la suite d'une erreur de calcul, un taux de charges à hauteur de 80 % au titre de l'année 2014, constitue une prise de position formelle qui lui est opposable sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales et doit conduire à l'application de ce taux sur l'année 2013 et par suite à un dégrèvement supplémentaire. D'une part, il est constant que le service a commis une erreur dans cette décision du 8 février 2021 en calculant le pourcentage de charges déductibles en 2013 à partir du chiffre d'affaires minoré et non à partir du chiffre d'affaires reconstitué. En conséquence, l'administration a refusé de porter à 80 % le taux de charges déductibles au titre de cette année 2013 au motif que le montant des charges admises en déduction était déjà supérieur à ce taux, mais, dans un souci de cohérence, a toutefois appliqué ce taux de 80 % aux charges déductibles retenues au titre de l'année 2014. Les termes mêmes de cette décision, qui n'a en elle-même aucune incidence sur le montant de charges déductibles admises au titre de 2013, et ne peut au demeurant être opposée que par le contribuable objet d'un rehaussement d'imposition primitive, ne sauraient en tout état de cause constituer une prise de position formelle de l'administration sur le taux de charges déductibles au titre de cet exercice, le taux de 80 % n'ayant été appliqué qu'à la suite d'une erreur de calcul et non dans un souci de réalisme économique. M. et Mme A... ne sauraient s'en prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales pour contester les suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux mis à leur charge. Par ailleurs, M. et Mme A... ne contestent pas le montant de charges admis par l'administration, supérieur au montant des factures présentées par la société et ne démontrent pas, alors qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait au service de retenir un niveau de charges minimal, que le taux de charges de 70 % retenu par le service serait insuffisant ou aurait été fixé de manière arbitraire.
11. En quatrième lieu, il résulte de ce qui a été énoncé aux points 5 et 6 du présent arrêt que l'administration était fondée à retenir que les bénéfices regardés comme des revenus distribués correspondaient à la totalité des recettes omises, y compris le montant de la taxe sur la valeur ajoutée due sur ces recettes. Par suite M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que les sommes réputées distribuées ne pouvaient être supérieures aux bénéfices reconstitués de la société, à l'exclusion des rappels de taxe sur la valeur ajoutée.
12. En cinquième lieu, à supposer que M. et Mme A... aient entendu se prévaloir des paragraphes 90 à 110 de la documentation administrative BOI-RPPM-RCM-10-20-10 sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, ces paragraphes ne comportent pas d'interprétation différente de celle qui résulte de la loi fiscale. Par suite ce moyen doit être écarté.
13. En dernier lieu, pour établir que M. A... devait être regardé comme maître de l'affaire, l'administration fiscale a retenu qu'il était associé à 50 % et gérant de droit de la société au cours de la période vérifiée, qu'il était l'unique titulaire de la signature sur le compte bancaire ouvert au nom de la SARL Bati Rénov 2 et était le seul interlocuteur des sociétés clientes comme de la société domiciliataire de l'entreprise. M. A... disposait ainsi des pouvoirs les plus étendus au sein de la société. Il ne résulte par ailleurs d'aucune pièce du dossier que son associée à parts égales dans la société ait eu une quelconque implication dans la gestion de l'affaire. Par suite, l'administration établit par ce faisceau d'indices qui, contrairement à ce que soutiennent M. et Mme A..., ne sont aucunement redondants, que M. A... était seul maître de l'affaire et en cette qualité présumé avoir bénéficié des revenus distribués sur le fondement de l'article 109,1 1° du code général des impôts. Par suite, il n'y a pas lieu d'examiner les moyens soulevés à titre subsidiaire au titre de l'article 109,1 2° du même code.
14. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que par le jugement contesté du 12 mai 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la décharge des impositions supplémentaires mises à leur charge. Par voie de conséquence, leur requête doit être rejetée en toutes ses conclusions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à l'administratrice des finances publiques chargée de la direction régionale des finances publiques d'Île-de-France et de Paris (service du contentieux d'appel déconcentré - SCAD).
Délibéré après l'audience du 24 mai 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président,
- M. Soyez, président assesseur,
- Mme Lorin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 7 juin 2024.
La rapporteure,
C. LORIN
Le président,
S. CARRERE
La greffière,
E. LUCE
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA03159