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07/06/2024 | FRANCE | N°22PA01117

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 4ème chambre, 07 juin 2024, 22PA01117


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Eri a demandé au tribunal administratif de Paris d'arrêter le décompte général du lot n° 2 du marché relatif à la construction d'un bâtiment dédié aux pôles administratifs et d'enseignement de la formation continue de l'université Paris-Ouest Nanterre à la somme de 2 021 280,23 euros TTC, laissant un solde à percevoir de 801 373,41 euros TTC, et de condamner la région Ile-de-France à lui verser cette somme assortie des intérêts moratoires contractuels à

compter du 4 juillet 2019 avec capitalisation des intérêts ainsi que l'indemnité forfaitaire po...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Eri a demandé au tribunal administratif de Paris d'arrêter le décompte général du lot n° 2 du marché relatif à la construction d'un bâtiment dédié aux pôles administratifs et d'enseignement de la formation continue de l'université Paris-Ouest Nanterre à la somme de 2 021 280,23 euros TTC, laissant un solde à percevoir de 801 373,41 euros TTC, et de condamner la région Ile-de-France à lui verser cette somme assortie des intérêts moratoires contractuels à compter du 4 juillet 2019 avec capitalisation des intérêts ainsi que l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement de 40 euros.

Par un jugement n° 1915907, 2001822 du 6 janvier 2022, le tribunal administratif de Paris a arrêté le solde de ce marché à la somme de 230 265,66 euros TTC, assorti des intérêts moratoires contractuels à compter du 4 juillet 2019 et de la capitalisation des intérêts, et a mis à la charge de la région Ile-de-France l'indemnité forfaitaire de 40 euros pour frais de recouvrement.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 9 mars 2022, 17 juillet 2023 et 7 février 2024, la région Ile-de-France, représentée par Me Nahmias, doit être regardée comme demandant à la Cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a fixé le solde du marché relatif au lot n° 2 restant dû à la société Eri à la somme de 230 265,66 euros TTC et de rejeter les conclusions présentées par la société Eri devant le tribunal administratif ;

2°) de rejeter les conclusions d'appel incident de la société Eri ;

3°) de mettre à la charge de la société Eri une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce que sa minute n'est pas signée ;

- l'ordre de service n° 4 concerne des travaux rendus nécessaires par l'incapacité du titulaire du lot n° 1 à justifier du degré coupe-feu de sa façade, constitutifs de sujétions imprévues liées à l'exécution du lot n° 1, inclues dans le prix global et forfaitaire du marché ;

- les ordres de service n° 9 et 10, qui portent sur la reprise d'ouvrages et de revêtements au R+4 du bâtiment, dégradés par des infiltrations, étaient nécessaires pour que la société Eri livre un ouvrage conforme aux prescriptions du marché ;

- l'ordre de service n° 14 concerne des travaux rendus nécessaires par la non-conformité de la prestation initiale de la société Eri et par la dégradation des cloisons par l'exécution du lot n° 3 ;

- les devis nos 150317-1, 150317-2 et 190218-8 portent sur des travaux rendus nécessaires par les défaillances d'autres lots et ne constituent pas des prestations supplémentaires par rapport à ce qui était prévu au marché ;

- le retard d'approvisionnement et de pose des bacs de faux-plafonds en circulation est imputable à la société Eri dès lors que ces travaux ont été validés par l'architecte dès le 23 mars 2017 ;

- les travaux correspondant à l'ordre de service n° 13, relatifs au ponçage de la chape du plancher chauffant, étaient prévus au marché du lot n° 2 ;

- la maîtrise d'œuvre et la maîtrise d'ouvrage se sont opposées à la réalisation des travaux de planimétrie correspondant au devis n° 200317-1 ;

- les travaux relatifs à la pose de bacs métalliques à bout relevé en Z pour les faux-plafonds au lieu de bacs métalliques à bout ouvert, faisant l'objet du devis n° 210317-1A, ne présentent pas un caractère indispensable et une somme de 2 622 euros HT a en outre déjà été versée à ce titre ;

- les devis n° 190218-6, n° 190218-7 et n° 190218-9 portent sur des travaux qui n'ont pas été demandés à la société Eri, qui ne présentent pas un caractère indispensable et dont la réalité n'est pas établie ;

- la société Eri n'a pas droit au paiement du devis n° 190218-12 dès lors que les documents contractuels prévoyaient la mise en place d'un plafond acoustique dans le hall d'accueil, et une somme de 10 000 euros a en outre déjà été versée à ce titre ;

- la réalisation d'une gaine coupe-feu supplémentaire dans la cage d'escalier n° 3 au rez-de-chaussée, qui fait l'objet du devis n° 18/0001, était prévue par le marché ;

- la variante de la société Eri relative aux faux-plafond en sous-face du porche n'a été proposée que le 10 juillet 2017 et le retard dans la pose de ces sous-plafonds et leur habillage est dès lors imputable à la société Eri ;

- les peintures du plafond des sanitaires n'étaient pas réalisées au 26 juillet 2017 et ont bloqué d'autres lots ;

- la société Eri a rencontré des difficultés à s'approvisionner en sols souples et avec son sous-traitant chargé des peintures, ce qui a causé un retard dans la pose des sols souples et de la peinture dans les escaliers ;

- la dégradation, par la société Eri, des menuiseries extérieures et des pares-vapeur est à l'origine d'un retard des travaux ;

- aucune faute dans la direction du chantier n'est imputable au maître d'ouvrage.

Par des mémoires en défense enregistrés les 15 juin 2022 et 10 octobre 2023, la société Eri, représentée par la SELARL Aries avocats, demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête de la région Ile-de-France ;

2°) de réformer le jugement attaqué en ce qu'il a rejeté ses demandes de rémunération complémentaires relatives à l'ordre de service n° 13 et aux devis nos 200317-1, 210317-1A, 190218-6, 190218-7, 190218-9, 190218-12 et 18/0001 et sa demande d'indemnisation au titre de l'allongement de la durée du chantier et en ce qu'il a maintenu des pénalités de retard à son décompte ;

3°) d'arrêter le décompte général et définitif du lot n° 2 à la somme de 1 871 050,20 euros, laissant un solde à percevoir de 651 143,38 euros, et de condamner la région Ile-de-France au versement de cette somme, assortie des intérêts moratoires contractuels à compter du 4 juillet 2019 et de leur capitalisation annuelle ;

4°) subsidiairement, de désigner un expert et d'ordonner le transport sur les lieux d'un ou plusieurs membres de la Cour ;

5°) de mettre à la charge de la région Ile-de-France une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les travaux correspondant à l'ordre de service n° 4 n'étaient pas prévus par son marché ;

- les stipulations de l'article 3.3.1 du CCAP ne permettaient pas à la région de réclamer l'exécution des travaux correspondant aux ordres de service nos 9, 10 et 14, rendus nécessaires par la mauvaise direction du marché ;

- les travaux correspondant aux devis nos 150317-1, 150317-2 et 190218-8 ont été rendus nécessaires par le mauvais ordonnancement des tâches, et le maître d'ouvrage et le maître d'œuvre l'ont contrainte à réaliser ses travaux dans des conditions inadéquates ;

- elle a attendu la validation de la pose de bacs métalliques à bout relevé en Z et ne saurait donc se voir imputer un retard à ce titre ;

- l'ordre de service n° 13 porte sur des travaux hors marché ;

- le devis n° 200317-1 porte sur des travaux hors marché ;

- le devis n° 210317-1A correspond au coût de la modification de prestations contractuelles demandée par la maîtrise d'œuvre ;

- les devis nos 190218-6, 190218-7 et 190218-9 portent sur des travaux dont la réalisation est aisément constatable, ce que la Cour pourra le cas échéant constater en se rendant sur les lieux ;

- le devis n° 190218-12 correspond au traitement en faux-plafonds acoustiques de l'espace détente/exposition, qui n'était pas prévu au marché ;

- le devis n° 18/0001 porte sur la réalisation d'une gaine coupe-feu indispensable à la conformité réglementaire du bâtiment et dont la localisation n'était pas prévue par le marché ;

- les faux-plafond en sous-face du porche ont été validés tardivement et l'état de l'ouvrage ne permettait en tout état de cause pas leur pose, ni leur habillage ;

- le 2 mars 2017, le lot n° 3 n'avait fourni aucun bon à fermer dans les sanitaires, et le 26 juillet 2017 il existait encore un obstacle à la réalisation des peintures des sanitaires ;

- le 12 juillet 2017, le gros œuvre des cages d'escalier n'était pas achevé, empêchant toute pose de sols souples et la maîtrise d'œuvre ne lui a transmis la confirmation des peintures à utiliser dans les cages d'escalier que le 18 juillet 2017 ;

- des dégradations ne peuvent donner lieu à des pénalités de retard et les dégradations qui lui sont imputées ne peuvent être regardées comme telles ;

- le retard du chantier est à l'origine d'un bouleversement de l'économie du contrat et est imputable à une faute de la maîtrise d'ouvrage dans la direction des travaux ;

- il lui a causé un préjudice de 135 468,83 euros HT.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Saint-Macary,

- les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique,

- et les observations de Me Monfront représentant la région Ile-de-France, et de Me Rebibo représentant la société Eri.

Considérant ce qui suit :

1. La région Ile-de-France a décidé la construction d'un bâtiment dédié à la formation continue au sein du campus de l'université Paris-Ouest Nanterre La Défense à Nanterre et a désigné la SEM 92 en qualité de mandataire de l'opération. Les travaux ont été allotis en cinq lots. La société Eri s'est vu attribuer le lot n° 2 " Second-œuvre - Finition ", notifié le 4 septembre 2015, et le lot n° 4 " Electricité courants forts et faibles ", notifié le 8 septembre 2015, tous deux à prix forfaitaire. Les travaux ont débuté le 7 janvier 2016. D'une durée initiale de dix-huit mois, leur délai d'exécution a été prolongé au 21 juillet 2017 et l'ouvrage a finalement été réceptionné le 18 décembre 2017 avec réserves. A l'issue de la procédure d'établissement du décompte, la société Eri a saisi le tribunal afin qu'il arrête le décompte du marché du lot n° 2 à la somme de 2 021 280,23 euros TTC et le solde de ce marché à la somme de 801 373,41 euros. La région Ile-de-France relève appel du jugement par lequel le tribunal a arrêté le montant du décompte du marché de ce lot à la somme de 1 450 172,48 euros TTC et le solde du marché restant dû à la société Eri à la somme de 230 265,66 euros TTC.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Il ressort des pièces du dossier de première instance que la minute du jugement attaqué est signée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 741-7 du code de justice administrative doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat, soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en œuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics.

En ce qui concerne les conclusions d'appel principal :

S'agissant du paiement de travaux supplémentaires :

4. En premier lieu, l'article 3.3.1 du cahier des clauses administratives particulières du marché (CCAP) prévoit que le prix global et forfaitaire est " réputé tenir compte de toutes les sujétions d'exécution des travaux qui sont normalement prévisibles dans les conditions de temps et de lieu où s'exécutent ces travaux (...), que ces sujétions résultent normalement : (...) de la réalisation simultanée d'autres ouvrages (...) ; Mais également : des sujétions que sont susceptibles d'entraîner l'exécution simultanée des différents lots ".

5. Contrairement à ce que soutient la région Ile-de-France, il ne résulte pas de ces stipulations que les travaux supplémentaires demandés à un titulaire d'un lot en raison des carences du titulaire d'un autre lot n'ouvrent pas droit à paiement, dès lors qu'il ne s'agit pas de sujétions liées à l'exécution simultanée de différents lots mais de travaux supplémentaires. Il ressort des écritures de la région Ile-de-France, en vertu desquelles les travaux correspondant à l'ordre de service n° 4, qui visent à assurer le degré coupe-feu réglementaire, ont été rendus nécessaires par l'incapacité du titulaire du lot n° 1 à justifier du degré coupe-feu de sa façade, que ces travaux ne constituent pas des sujétions au sens des stipulations précitées mais des travaux supplémentaires demandés à la société Eri. Si la région Ile-de-France soutient également que ces travaux étaient prévus au marché de la société Eri, elle ne le justifie pas par la seule production de plans d'architecte non spécifiques au lot n° 2. Dans ces conditions, c'est à bon droit que le tribunal a admis au décompte général de ce marché une somme de 8 336,80 euros HT à ce titre.

6. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que les ordres de service nos 9 et 10 portent sur la reprise d'ouvrages au R+4 et d'habillages coupe-feu dégradés par des infiltrations, et que l'ordre de service n° 14, relatif à des travaux de dépose et de repose de cloisons dans le local archives du sous-sol a trait à des travaux dus à la non-conformité d'une prestation de la société Eri et à la dégradation des cloisons par l'exécution du lot n° 3. Ces travaux, nécessaires pour que la société Eri livre un ouvrage conforme aux prescriptions de son marché, ne constituent pas des travaux supplémentaires. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que ces travaux aient été rendus nécessaires par une faute du maître d'ouvrage, alors que les infiltrations sont liées à l'absence de mise hors d'eau du bâtiment dont était chargée la société Brezillon, titulaire du lot n° 1. Dans ces conditions, la région Ile-de-France est fondée à soutenir que les sommes de 17 600 euros HT et 12 443,75 euros HT correspondant à ces travaux ne doivent pas être inscrites au décompte général du marché.

7. En dernier lieu, il résulte de l'instruction que les devis nos 150317-1, 150317-2 et 190218-8 ne portent pas sur des travaux supplémentaires mais sur des travaux de reprise, consistant respectivement en une adaptation des cloisons posées aux bâtis de portes et en la reprise de dégradations causées aux ouvrages de la société Eri. Si cette dernière soutient que ces travaux ont été rendus nécessaires par la faute du maître d'ouvrage consistant en un mauvais ordonnancement des tâches et des ordres de service d'exécution, la contraignant à réaliser ses travaux dans des conditions inadéquates, elle ne produit aucun élément au soutien de ses allégations, comme des ordres de service qui traduiraient un mauvais ordonnancement des tâches. Il résulte en outre de l'instruction que la région Ile-de-France s'était adjoint les services d'un OPC. Dans ces conditions, elle est fondée à soutenir que les sommes de 18 369 euros HT, 19 032 euros HT et 125 841,40 euros HT au titre de ces travaux ne doivent pas être inscrites au décompte général du marché.

S'agissant des pénalités de retard :

8. Il résulte de l'instruction qu'en cours de chantier, le maître d'œuvre a demandé à la société Eri de poser des bacs métalliques à bout relevé en Z pour les faux-plafonds au lieu de bacs métalliques à bout ouvert. Si la région Ile-de-France soutient que ces travaux ont été validés par l'architecte dès le 23 mars 2017, il ressort des échanges de courriels produits par la société Eri qu'au 31 mai 2017, la consistance exacte des travaux n'était pas encore arrêtée s'agissant d'un joint creux, dont la suppression a été actée au mois de juin 2017. Il résulte également de l'instruction qu'aucun ordre de service n'a été notifié à la société Eri pour la réalisation de ces travaux modificatifs, malgré sa demande en ce sens. Dans ces conditions, c'est à bon droit que le tribunal n'a imputé aucun retard à la société Eri au titre de la réalisation de ces travaux.

En ce qui concerne les conclusions d'appel incident :

S'agissant du paiement de travaux supplémentaires :

9. En premier lieu, par un ordre de service n° 13, le mandataire du maître d'ouvrage a demandé à la société Eri d'" effectuer le ponçage de la chape du plancher chauffant (pellicule de surface) en lieu et place du chapiste lot 03 ". Il ressort du c de l'article 3.4.3 du cahier des clauses techniques particulières du lot n° 3 que la pose de la chape du plancher chauffant incombait au titulaire du lot n° 3, le document technique unifié 65.14 auquel ces travaux devaient se conformer et le document technique d'application de l'enrobage retenu prévoyant l'élimination, par le chapiste, de la pellicule de surface de la chape durcie. Dans ces conditions, la société Eri est fondée à soutenir que les travaux de ponçage qui lui ont été demandés n'étaient pas prévus par son marché mais par celui du lot n° 3, comme le corroborent d'ailleurs les mentions de l'ordre de service, et constituent ainsi des travaux supplémentaires pour lesquels elle peut prétendre au paiement d'une somme de 16 806,25 euros HT.

10. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que la société Eri a réalisé des travaux relatifs à la planimétrie des sols, qui relevaient du lot n° 1 et sont l'objet du devis n° 200317-1 d'un montant de 56 642,50 euros HT. Il est toutefois constant que ces travaux ne lui ont pas été demandés, comme cela ressort du compte-rendu de la réunion de chantier du 2 mars 2017 et d'un courriel de la maîtrise d'œuvre du 15 mars 2017. Il ne résulte en outre pas de l'instruction que ces travaux présentaient un caractère indispensable à la conformité de l'ouvrage à la réglementation, compte tenu des différences d'épaisseur tolérées (-2 / +2 cm, soit 4 cm). La société Eri a d'ailleurs indiqué, par un courriel du 3 mai 2017 adressé à la société Brezillon, que les différences de niveau relevées en R+3 et R+4 lui apparaissaient trop importantes

" au-delà des interprétations de normes et tolérances qui ne manquent pas d'être différentes d'un DTU à l'autre ". Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à demander le paiement de ces travaux qui ne lui ont pas été demandés par le maître d'ouvrage et ne présentaient pas un caractère indispensable à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art.

11. En troisième lieu, si la région Ile-de-France soutient que les travaux correspondant à la pose de bacs métalliques à bout relevé en Z pour les faux-plafonds en circulation au lieu de bacs métalliques à bout ouvert n'ont jamais été demandés par un ordre de service à la société Eri, elle se prévaut elle-même de ce que ces travaux ont été validés par l'architecte lors de la réunion de chantier du 23 mars 2017 et il est constant que le mandataire du maître d'ouvrage participait à ces réunions, la mention de la validation de ces travaux par l'architecte figurant en outre sur des compte-rendu de réunions postérieurs au 23 mars 2017. Il résulte ainsi de l'instruction que ces travaux, dont l'utilité n'est pas contestée, ont été réalisés à la demande du maître d'ouvrage. Il convient dès lors de faire droit à la demande de la société Eri tendant au paiement de ces travaux à hauteur de 11 102,60 euros, le montant du devis n° 210317-1A de 13 724,60 euros HT qu'elle produit n'étant pas contesté et correspondant aux plus-values induites par la réalisation de ces travaux, et une somme de 2 622 euros figurant déjà au décompte général au titre de ces travaux.

12. En quatrième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que les travaux correspondant aux devis nos 190218-6, 190218-7 et 190218-9, qui portent respectivement sur la réalisation d'une fermeture coupe-feu dans la régie de l'auditorium pour un montant de 3 512,50 euros HT, la réfection de la peinture au sous-sol pour un montant de 10 362,50 euros HT et l'habillage en BA13 des cages d'escaliers et d'ascenseurs pour un montant de 16 334,69 euros HT aient été demandés à la société Eri, ni qu'ils présentaient un caractère indispensable. La société Eri ne justifie au surplus pas de leur réalisation, contestée par la région Ile-de-France, bien qu'elle fasse valoir qu'ils sont aisément constatables. Elle ne peut, dès lors, prétendre au paiement de ces travaux.

13. En cinquième lieu, il résulte de l'instruction que l'ingénieur acousticien a demandé à la société Eri de poser, " au lieu du faux-plafond BA13 ", un faux plafond absorbant monolithique type mono acoustique de Rockfon dans l'espace détente/exposition. Il ressort en outre tant de la notice acoustique que du plan de repérage des faux-plafonds figurant au dossier de consultation des entreprises, qui ont valeur contractuelle en vertu du 8 de l'article 2.1 du CCAP du marché, que l'espace/détente devait être traité en faux-plafonds classiques, ce que ne conteste d'ailleurs pas sérieusement la région Ile-de-France, qui se borne à évoquer les

faux-plafonds prévus dans le hall d'accueil, lequel constitue un espace distinct. Dès lors, en l'absence de contestation de ce que les travaux lui ont été demandés, la société Eri peut prétendre au paiement de ces travaux. Il résulte toutefois de l'instruction que la région Ile-de-France a ajouté au décompte général une somme de 10 000 euros HT au titre de ces faux-plafonds acoustiques. Dans ces conditions, la société Eri est seulement fondée à demander l'inscription au décompte général d'une somme de 11 034,72 euros HT (21 034,72 - 10 000) au titre du devis n° 190218-12 correspondant à la réalisation de ces travaux.

14. En dernier lieu, il résulte de l'instruction, en particulier du CCTP du lot n° 02 " Cloisons-doublages ", que la société Eri était chargée de la réalisation des gaines techniques. Si elle soutient que la localisation de la gaine coupe-feu dans la cage n° 3 au rez-de-chaussée, correspondant au devis n° 18/0001, n'était pas prévue au marché, elle n'apporte pas d'éléments au soutien de ses allégations alors que cela ne ressort pas du CCTP. Dans ces conditions, elle ne peut prétendre au paiement d'une somme de 2 000 euros HT à ce titre.

S'agissant des pénalités de retard :

15. Aux termes de l'article 5.4.2 du CCAP du marché : " Par dérogation à l'article 20.1 du CCAG TR, lorsque le délai contractuel est dépassé, le titulaire encourt, sans mise en demeure préalable, une pénalité journalière (...) / La constatation du retard est établie chaque semaine par comparaison de l'état d'avancement réel des travaux et de l'état d'avancement déterminé par le planning ".

16. En premier lieu, la société Eri ne produit aucun élément de nature à établir qu'elle aurait proposé la variante relative au faux-plafond en sous-face du porche, rendue nécessaire par la mauvaise réalisation des façades par le titulaire du lot n° 1, avant le 10 juillet 2017. Elle ne peut dès lors prétendre que le retard qui lui est reproché au titre de ce faux-plafond trouverait son origine dans la validation tardive de sa variante par le maître d'œuvre, laquelle a eu lieu le 10 juillet 2017. Elle soutient toutefois également qu'à cette date, l'état d'avancement de l'ouvrage ne permettait pas la pose de ces faux-plafonds, ce que corroborent ses courriels des 10 et 13 juillet 2017 à l'OPC et à la maîtrise d'œuvre, de même que le courriel du 13 juillet 2017 du BET, et ce que ne conteste pas sérieusement la région Ile-de-France. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que la proposition tardive d'une variante par la société Eri soit la cause du retard dans la pose des sous-plafonds, ni que ce retard soit imputable à la société Eri. Il en va de même du retard dans l'habillage de ces sous-plafonds qui lui a été imputé.

17. En deuxième lieu, la société Eri ne peut utilement soutenir qu'au 2 mars 2017, le lot n° 3 n'avait fourni aucun bon à fermer dans les sanitaires, ce qui serait la cause du retard dans la réalisation des bandes de cloisons et de la peinture des plafonds, dès lors que la région

Ile-de-France produit un courriel du 26 juillet 2017 par lequel l'OPC signale à la société Eri que la non-réalisation des peintures des plafonds des sanitaires est un élément bloquant. Il résulte en revanche de l'instruction que le même jour, la société Eri a signalé à l'OPC des retards d'autres lots, en particulier le lot n° 3, l'empêchant d'avancer les peintures, sans qu'aucun élément de l'instruction ne vienne contredire ses allégations. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de retenir de retard au titre de la réalisation des bandes de cloisons et de la peinture des plafonds.

18. En troisième lieu, la société Eri fait valoir que le 12 juillet 2017, le gros œuvre des cages d'escalier n'était pas achevé, empêchant toute pose de revêtement, et produit un courriel à l'OPC en ce sens, accompagné de photographies. Dans ces conditions, et dès lors que la date d'achèvement du gros-œuvre n'est pas précisée, la circonstance que le 26 juillet 2017, les revêtements de sol des escaliers n'étaient toujours pas arrivés sur site ne peut être regardée comme la cause du retard dans l'avancement des travaux. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que le maître d'œuvre n'a transmis la confirmation des peintures à utiliser dans les cages d'escalier que le 18 juillet 2017. La région Ile-de-France ne peut donc sérieusement prétendre que des problèmes rencontrés avec un sous-traitant le 5 juillet 2017 seraient à l'origine du retard dans la pose des peintures dans les escaliers, alors au surplus que ces difficultés, liées à la sécurité d'un échafaudage, ont présenté un caractère ponctuel. Dans ces conditions, aucun retard ne saurait être imputé à la société Eri du fait de la pose des sols souples et de la peinture dans les escaliers.

19. En dernier lieu, il ne résulte pas des stipulations citées au point 15, ni d'aucune autre stipulation du marché, que des pénalités pour retard puissent être infligées à un titulaire du fait de la dégradation des ouvrages d'un autre lot. Dans ces conditions, aucune pénalité ne saurait être infligée à la société Eri du fait de supposées dégradations des menuiseries extérieures et des pares-vapeur de la façade MOB.

20. Il résulte de ce qui précède, et en l'absence de tout autre élément de nature à révéler que la société Eri serait à l'origine du dépassement du délai contractuel d'exécution des travaux, qu'aucune pénalité ne doit être retenue à son encontre au décompte général.

S'agissant de l'allongement de la durée du chantier :

21. En premier lieu, la seule circonstance que l'allongement de la durée du chantier serait à l'origine d'un bouleversement de l'économie du contrat de la société Eri n'est pas de nature à ouvrir droit à indemnisation à son profit dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction et n'est pas même allégué que des sujétions imprévues seraient à l'origine de ce retard.

22. En second lieu, la circonstance que le maitre d'ouvrage n'a pas infligé, en cours de chantier, de pénalités aux titulaires des lots nos 1 et 3 n'est pas de nature, à elle seule, à révéler une défaillance dans la direction du chantier.

23. Il résulte de ce qui précède que la société Eri n'est pas fondée à rechercher la responsabilité contractuelle de la région Ile-de-France au titre de l'allongement de la durée du chantier.

En ce qui concerne le solde du marché :

24. Il résulte de ce qui précède que le montant du décompte général s'établit à la somme de 1 127 187,29 euros HT et 1 352 624,75 euros TTC, correspondant à un marché de base de 1 031 574,64 euros HT, à des ordres de service hors marché de 36 463,58 euros HT dont 11 320,53 euros déjà prévus au décompte, à des travaux supplémentaires sur devis d'un montant de 55 022,38 euros dont 32 885,06 euros déjà prévus au décompte et d'une somme non contestée de 15 229,29 euros au titre de la révision des prix. Le total des paiements directs effectués auprès des sous-traitants et des acomptes versés s'élevant à la somme de 1 219 906,82 euros TTC, le solde du marché s'établit à la somme de 146 041,05 euros TTC en faveur de la société Eri. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'ordonner un supplément d'instruction, la région

Ile-de-France est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a retenu un solde en faveur de la société Eri excédant ce montant.

En ce qui concerne les intérêts moratoires et leur capitalisation :

25. Aux termes de l'article 13.4.3 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux : " Dans un délai de trente jours compté à partir de la date à laquelle ce décompte général lui a été notifié, le titulaire envoie au représentant du pouvoir adjudicateur, avec copie au maître d'œuvre, ce décompte revêtu de sa signature, avec ou sans réserves, ou fait connaître les motifs pour lesquels il refuse de le signer (...). En cas de contestation sur le montant des sommes dues, le représentant du pouvoir adjudicateur règle, dans un délai de trente jours à compter de la date de réception de la notification du décompte général assorti des réserves émises par le titulaire ou de la date de réception des motifs pour lesquels le titulaire refuse de signer, les sommes admises dans le décompte final. Après résolution du désaccord, il procède, le cas échéant, au paiement d'un complément, majoré, s'il y a lieu, des intérêts moratoires, courant à compter de la date de la demande présentée par le titulaire ".

26. Il résulte de ces stipulations que la société Eri a droit aux intérêts moratoires contractuels à compter du 4 juillet 2019, date de la réception, par la région, de sa réclamation. Ces intérêts seront capitalisés le 4 juillet 2020, date à laquelle était due plus d'une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque date anniversaire.

Sur les frais du litige :

27. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Eri une somme de 1 500 euros à verser à la région Ile-de-France sur le fondement de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative, et de rejeter les conclusions de la société Eri présentées sur ce fondement.

D E C I D E :

Article 1er : Le solde du lot n° 2 est arrêté à la somme de 146 041,05 euros TTC en faveur de la société Eri.

Article 2 : La région Ile-de-France est condamnée à verser à la société Eri la somme de 146 041,05 euros, assortie des intérêts moratoires contractuels à compter du 4 juillet 2019 capitalisés le 4 juillet 2020 et à chaque date anniversaire.

Article 3 : Les articles 1 et 2 du jugement n° 1915907, 2001822 du 6 janvier 2022 du tribunal administratif de Paris sont réformés en ce qu'ils ont de contraire aux articles 1 et 2 du présent arrêt.

Article 4 : La société Eri versera une somme de 1 500 euros à la région Ile-de-France en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la région Ile-de-France et à la société Eri.

Délibéré après l'audience du 24 mai 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Heers, présidente de chambre,

Mme Bruston, présidente-assesseure,

Mme Saint-Macary, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juin 2024.

La rapporteure,

M. SAINT-MACARY

La présidente,

M. HEERS

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA01117


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA01117
Date de la décision : 07/06/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Marguerite SAINT-MACARY
Rapporteur public ?: Mme LIPSOS
Avocat(s) : ADDEN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-07;22pa01117 ?
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