Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) Adel Import Export a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre des années 2011, 2012 et 2013, d'annuler les rehaussements en base des résultats des exercices 2011, 2012 et 2013, de prononcer le versement des intérêts moratoires en application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales et d'annuler l'avis à tiers détenteur émis le 8 juillet 2016.
Par un jugement n° 2015429/1-1 du 14 juin 2023, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ces demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 28 juillet 2023, la SARL Adel Import Export, représentée par Me Philippe Arlaud, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 14 juin 2023 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge des impositions mises à sa charge et leur restitution assortie des intérêts moratoires ;
3°) de maintenir le sursis de paiement en l'attente du dégrèvement sollicité ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens ainsi que la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- il a été justifié de toutes les exportations réalisées ;
- elle ne peut pas fournir les prétendues attestations manquantes à défaut d'explication détaillée des services fiscaux ;
- aucun détail n'est fourni permettant d'identifier les ventes non comptabilisées ;
- toutes les ventes ont été comptabilisées ;
- elle est de bonne foi ;
- il n'existe pas de distributions occultes ;
- l'avis à tiers détenteur émis le 8 juillet 2016 n'est pas fondé dès lors qu'elle avait formé une réclamation d'assiette et réclamé le sursis de paiement des suppléments d'imposition ;
- les premiers juges n'ont pas tenu compte des pièces produites au dossier.
Par un mémoire en défense enregistré le 21 novembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 3 janvier 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 19 janvier 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Magnard,
- les conclusions de M. Segretain, rapporteur public,
- et les observations de Me Arlaud, représentant la SARL Adel Import Export.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Adel Import Export, dont l'activité est le négoce de véhicules d'occasion, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration a procédé à des rehaussements de ses bases imposables au titre des exercices 2011, 2012 et 2013, qui n'ont toutefois donné lieu à aucune imposition supplémentaire au titre de l'impôt sur les sociétés. A l'issue de cette procédure, ont été laissés à sa charge, après un dégrèvement partiel prononcé le 15 juillet 2020, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, assortis des majorations correspondantes ainsi que l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts. La société requérante relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions supplémentaires et des amendes auxquelles elle a été assujettie, ainsi qu'à l'annulation des rehaussements de ses bases imposables à l'impôt sur les sociétés et ne demande plus devant la Cour que la décharge et la restitution des impositions et amendes effectivement mises à sa charge.
Sur la régularité du jugement :
2. Les premiers juges, qui ne sont pas tenus de répondre à tous les arguments présentés par un contribuable à l'appui de ses moyens ni de détailler l'ensemble des pièces qui sont produites au dossier à cet effet, ont écarté le moyen tiré de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée applicable aux véhicules exportés, au motif qu' " en se bornant à soutenir qu'elle a produit l'ensemble des justificatifs s'y rapportant, la société Adel Import Export n'apporte pas la preuve de la réalité des exportations alléguées ". Si la société requérante fait valoir qu'elle a produit des pièces que le tribunal n'a pas examinées, il résulte de ses écritures de première instance qu'elle n'identifiait avec précision aucune des pièces de nature à apporter la preuve exigée. Enfin les premiers juges ont statué sur la contestation dirigée contre le rehaussement notifié du chef de la non comptabilisation de la vente de plusieurs véhicules d'occasion en écartant l'argumentation qui leur était soumise. Les premiers juges ont par suite suffisamment motivé leur jugement, alors même que les pièces produites n'auraient pas été précisément discutées dans le jugement.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée à l'exportation :
3. Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre des années 2011 et 2012 ont été notifiés selon la procédure de taxation d'office prévue au 3° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales. Par ailleurs, les rappels en matière de taxe sur la valeur ajoutée de l'année 2013 n'ont pas été contestés dans le délai de réponse à la proposition de rectification. La société supporte, en application des dispositions des articles R*. 193 et R*. 194-1 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve de l'exagération des impositions qu'elle conteste.
4. Aux termes de l'article 262 du code général des impôts : " I. - Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : 1° les livraisons de biens expédiés ou transportés par le vendeur ou pour son compte, en dehors de la Communauté européenne ainsi que les prestations de services directement liées à l'exportation (...) ". L'article 74 de l'annexe 3 au même code dispose que : " 1. Les livraisons réalisées par les assujettis et portant sur des objets ou marchandises exportés sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée à condition : a. que l'assujetti exportateur, lorsqu'il ne tient pas habituellement une comptabilité permettant de déterminer son chiffre d'affaires, inscrive les envois sur le registre prévu au 3° du I de l'article 286 du code général des impôts (...) c. que l'assujetti exportateur établisse pour chaque envoi une déclaration d'exportation, conforme au modèle donné par l'administration et détienne à l'appui de sa comptabilité ou du registre prévu au a l'exemplaire numéro 3 de la déclaration d'exportation visé par l'autorité douanière compétente, conformément au code des douanes communautaires et ses dispositions d'application. (...) d. que, dans les cas où l'assujetti exportateur ne produit pas les justificatifs prévus au c et, à l'exclusion des opérations mentionnées aux quatrième à huitième alinéas du I de l'article 262 du code général des impôts, il mette à l'appui de sa comptabilité ou du registre mentionné au a l'un des éléments de preuve alternatifs ci-après, pour justifier de la sortie des biens expédiés vers un pays n'appartenant pas à la Communauté européenne, un territoire mentionné au 1° de l'article 256-0 du code général des impôts ou un département d'outre-mer : 1° La déclaration en douane authentifiée par l'administration des douanes du pays de destination finale des biens ou une attestation de cette administration accompagnée, le cas échéant, d'une traduction officielle ; 2° Tout document de transport des biens vers un pays n'appartenant pas à la Communauté européenne, un territoire mentionné au 1° de l'article 256-0 du code général des impôts ou un département d'outre-mer ou tout document afférent au chargement du moyen de transport qui quitte la Communauté européenne pour se rendre dans le pays ou le territoire de destination finale hors de la Communauté (...) ".
5. Il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'un contribuable ne peut se prévaloir de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée prévue par l'article 262 du code général des impôts à raison des exportations qu'il soutient avoir réalisées au profit de clients établis en dehors de la Communauté européenne qu'à la condition d'établir la réalité des opérations d'exportation par la production des pièces justificatives mentionnées ci-dessus, notamment de la déclaration d'exportation des biens dûment visée par le service des douanes, ou des éléments alternatifs de preuve cités au d du 1 de l'article 74 de l'annexe III au code général des impôts.
6. Contrairement à ce qui est soutenu, la liste indiquant les véhicules d'occasion pour lesquelles les attestations d'exportation n'ont pas été présentées était annexée à la décision d'admission partielle du 15 juillet 2020. Si la société requérante fait valoir que cette annexe n'a pas été jointe à ladite décision, il résulte de l'instruction que cette annexe était annoncée en page 4 et que la société requérante n'a pas pris l'attache de l'administration fiscale pour lui demander la pièce manquante. En tout état de cause, cette pièce figure au dossier d'appel. Le moyen tiré de ce qu'elle ne peut pas fournir les prétendues attestations manquantes à défaut d'explication détaillée des services fiscaux ne peut par suite qu'être écarté. Les pièces fournies au dossier, soit ne concernent pas les véhicules cités en annexe de la décision d'admission partielle du 15 juillet 2020 pour lesquels il a été demandé la preuve de la réalité des exportations, soit ont déjà été prises en compte dans le cadre de cette décision d'admission partielle, soit ne sont pas visées par le service des douanes. En tout état de cause, la société, à qui incombe la charge de la preuve, n'identifie pas, pour chacune des ventes pour lesquelles les attestations d'exportation n'ont pas été présentées à la date de la décision d'admission partielle, les pièces de nature à justifier de la réalité des exportations.
En ce qui concerne les produits non comptabilisés :
7. Contrairement à ce qui est soutenu, les produits non comptabilisés sont détaillés dans la proposition de rectification du 8 décembre 2014 relative à l'année 2011 et dans la proposition de rectification du 19 mars 2015 relative aux années 2012 et 2013. Le moyen tiré par la société requérante de ce qu'elle ne peut pas fournir les justifications manquantes à défaut d'explication détaillée des services fiscaux ne peut par suite qu'être écarté.
8. Au cours des opérations de contrôle, l'administration a constaté que la vente de plusieurs véhicules d'occasion n'avait pas été comptabilisée en produits. En se bornant à faire valoir qu'elle a perçu pour chacune des ventes en cause une commission de 150 euros et qu'elle justifie tant du prix d'achat que du prix de vente des véhicules, la société requérante ne conteste pas utilement le rehaussement en base qui lui a été notifié non plus que le rappel de taxe sur la valeur ajoutée correspondant. Le moyen tiré de ce que toutes les ventes ont été comptabilisées n'est dans ces conditions pas assorti des moyens permettant d'en apprécier le bien-fondé et la portée.
Sur les pénalités :
9. Aux termes de l'article 117 du code général des impôts : " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. / En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1759 ". En outre, l'article 1759 du même code dispose que : " Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées (...) ".
10. Les recettes non comptabilisées constatées au titre des exercices 2012 et 2013 ont été à bon droit qualifiées par le service de distributions au sens du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts et invitation a été faite à la société de désigner les bénéficiaires de ces distributions en application de l'article 117 du code. En l'absence de désignation du bénéficiaire dans les délais impartis, c'est conformément aux dispositions de cet article que le service a infligé à la société requérante l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts. En se bornant à se prévaloir de sa bonne foi, et à invoquer, sans précisions supplémentaires eu égard à ce qui a été dit plus haut, l'absence de distribution, la société requérante ne conteste pas valablement l'amende qui lui a été infligée.
Sur l'avis à tiers détenteur du 8 juillet 2016 :
11. Si la société Adel Import Export fait valoir en appel que l'avis à tiers détenteur délivré le 8 juillet 2016 et notifié le 20 juillet suivant n'est pas fondé dès lors qu'elle avait formé une réclamation d'assiette assortie d'une demande de sursis de paiement des suppléments d'imposition, il résulte en tout état de cause de l'instruction que, contrairement à ce qui est soutenu, les sommes réclamées par l'avis à tiers détenteur émis le 8 juillet 2016, qui correspondent exclusivement à l'amende mise à la charge de la société sur le fondement de l'article 1759 du code et aux pénalités dont ont été assorties les cotisations d'impôt sur les sociétés, n'étaient pas concernées par une réclamation assortie d'une demande de sursis de paiement formulée antérieurement, laquelle ne visait que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Il y a par suite lieu de rejeter ses conclusions aux fins de décharge des impositions restant à sa charge et, par voie de conséquence, et en tout état de cause, ses conclusions aux fins de maintien du sursis de paiement. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Adel Import Export est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Adel Import Export et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris.
Délibéré après l'audience du 22 mai 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- Mme Topin, présidente assesseure,
- M. Magnard, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juin 2024.
Le rapporteur,
F. MAGNARDLe président,
I. BROTONS
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA03450 2