Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser la somme totale de 160 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité des comptes rendus d'entretien professionnel dont il a fait l'objet au titre des années 2015, 2016, 2017 et 2018, de l'illégalité de l'arrêté du 30 avril 2015 par lequel le ministre de l'intérieur lui a infligé une sanction d'exclusion temporaire de quinze jours et de l'illégalité des décisions implicites par lesquelles le préfet de police a refusé de lui communiquer le volet administratif de son dossier médical, les notes d'affectation en date du 29 octobre 2013 et la réponse du directeur territorial de la sécurité de proximité de Paris au rapport du commissaire central du 4ème arrondissement de Paris en date du 30 juin 2014.
Par un jugement n° 2119611/6-3 du 6 février 2023, le Tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à verser à M. B... la somme de 11 000 euros en réparation de ses préjudices, a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus de la demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 6 avril 2023, M. B..., représenté par Me Isabelle Beguin, demande à la Cour :
1°) de réformer ce jugement du 6 février 2023 en tant qu'il a limité l'indemnisation de ses préjudices à 11 000 euros ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 160 000 euros en réparation de l'ensemble de ses préjudices ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la responsabilité de l'Etat est engagée à raison de l'illégalité du compte rendu d'entretien professionnel au titre de l'année 2016, de l'illégalité de la sanction d'exclusion temporaire de quinze jours du 30 avril 2015, de l'illégalité du refus de communiquer des documents administratifs et du harcèlement moral dont il a été victime ;
- son préjudice de carrière, qui résulte de l'illégalité de ses notations, qui n'ont pas été refaites après annulation, de l'impossibilité qui en a résulté d'obtenir les mutations qu'il sollicitait ainsi que les promotions auxquelles il pouvait prétendre, et son préjudice moral, qui résultent de l'illégalité des décisions et du harcèlement moral, doivent être indemnisés à hauteur de 160 000 euros.
Par un mémoire en défense enregistré le 22 avril 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Topin,
- et les conclusions de M. Segretain, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par des jugements nos 1603975, 1609151, 1708998 et 1806477 des 8 mai et 22 juin 2017 et des 4 avril et 25 juillet 2019, devenus définitifs, le Tribunal administratif de Paris a annulé les comptes rendus d'entretien professionnel au titre des années 2015, 2016, 2017 et 2018 de M. A... B..., alors capitaine de police affecté au commissariat du 4ème arrondissement de Paris en qualité d'adjoint au chef de l'unité d'appui de proximité. Par un jugement
n° 1604891/5-1 du 11 mai 2017 devenu définitif, ce même tribunal a annulé l'arrêté du 30 avril 2015 par lequel le ministre de l'intérieur a infligé à M. B... une sanction d'exclusion temporaire de quinze jours. Par un jugement nos 1613341, 1613342, 1613343, 1613344 et 1613345/5-1 du 8 juin 2017, devenu définitif, cette juridiction a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation dirigées contre la décision refusant de communiquer à M. B... un rapport établi le 24 décembre 2013, a annulé les décisions implicites par lesquelles le préfet de police a refusé de communiquer à l'intéressé le volet administratif de son dossier médical, les notes d'affectation en date du 29 octobre 2013 et la réponse du directeur territorial de la sécurité de proximité de Paris au rapport du commissaire central du 4ème arrondissement de Paris en date du 30 juin 2014, et a enjoint au préfet de police de communiquer ces documents. Consécutivement à ces décisions juridictionnelles, M. B... a adressé une demande indemnitaire au ministre de l'intérieur aux fins d'indemnisation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité de ces décisions. Cette demande a été implicitement rejetée. M. B... relève appel du jugement du Tribunal administratif de Paris du 6 février 2023 en tant que ce dernier n'a fait droit à sa demande indemnitaire qu'à hauteur de 11 000 euros.
2. En premier lieu, M. B... soutient que les décisions dont l'annulation a été prononcée par les jugements définitifs du Tribunal administratif de Paris mentionnés au point 1 du présent arrêt résultent d'un harcèlement moral consécutif à son refus d'obéir à des ordres illégaux en septembre 2012. Il résulte du jugement attaqué que le tribunal a reconnu que l'ensemble de ces décisions fautives avaient engagé la responsabilité de l'Etat et prononcé l'indemnisation des préjudices en résultant, ainsi que M. B... le demandait dans sa réclamation préalable et dans les conclusions présentées devant le tribunal. Si, par conséquent, le harcèlement moral ainsi invoqué n'est pas de nature à modifier l'appréciation que les premiers juges ont portée sur le principe de la responsabilité de l'Etat à raison de l'illégalité fautives de ces décisions, il n'est susceptible d'avoir une incidence que sur la nature des préjudices et le montant de leur indemnisation.
3. En deuxième lieu, si M. B... fait valoir un préjudice de carrière qui résulterait soit de certaines de ses affectations, soit des refus de mutations qu'il a sollicitées, ces décisions ne sont pas parmi celles annulées par les jugements du Tribunal administratif et à raison de l'illégalité desquelles M. B... a demandé à être indemnisé de ses préjudices. Par ailleurs, les évaluations pour 2015, 2017 et 2018 annulées pour des motifs de légalité externe n'impliquaient pas qu'une nouvelle évaluation soit établie, contrairement à ce que soutient le requérant, qui ne démontre pas ainsi que les illégalités sanctionnées par le juge ont eu une incidence directe sur le déroulement de sa carrière justifiant d'une indemnisation supérieure à celle prononcée par cette juridiction. S'agissant de l'évaluation de 2016, M. B..., qui ne soutient pas que l'injonction prononcée par le tribunal de retirer le document annulé de son dossier n'aurait pas été exécutée, n'établit pas non plus les conséquences de cette décision illégale sur sa carrière. Enfin, et en tout état de cause,
M. B... ne produit aucun élément précis de nature à justifier du montant du préjudice matériel qu'il aurait ainsi subi. Dans ces conditions, le Tribunal administratif a fait une juste appréciation de son préjudice de carrière en fixant l'indemnité due de ce chef de préjudice à 6 000 euros.
4. En troisième lieu, M. B... soutient que les décisions illégales dont il a fait l'objet caractérisent un harcèlement moral, qu'elles ont porté atteinte à son honneur et ont eu une incidence sur sa santé. Il résulte de l'instruction que la sanction prononcée à tort par l'administration, qui remettait notamment en cause son comportement à l'égard du personnel féminin de son service et sa manière de servir, de même que les refus répétés de l'administration de lui permettre d'accéder, sans motif légal, à des pièces de son dossier, ainsi que les illégalités renouvelées dans la conduite de ses entretiens d'évaluation, ont causé au requérant un préjudice moral, dont le tribunal a fait une juste appréciation en fixant l'indemnisation à 5 000 euros.
M. B... n'établit pas en revanche que son état de santé, quand bien même les arrêts maladie auraient été reconnus imputables au service, résulterait d'un harcèlement moral, qui aurait pour origine un refus d'exécuter des ordres illégaux en septembre 2012 ainsi qu'il le soutient. A ce titre, l'intéressé n'a fait état d'aucun agissement laissant présumer l'existence d'un harcèlement avant l'entretien du 23 octobre 2013 avec ses supérieurs hiérarchiques suite à sa demande de révision de sa notation pour l'année 2013. Cette notation, qui lui avait été notifiée le 31 juillet 2013, soit antérieurement à cet entretien, faisait état d'insuffisances de M. B... dans la prise en charge de fonctions nouvelles, non contestées par le requérant. Si durant cette entrevue, le comportement professionnel de M. B... a fait l'objet de critiques, certes en des termes brutaux, et qu'il lui a été intimé de demander à passer en service de jour pour que sa demande de rehaussement de sa notation soit acceptée pour sa partie chiffrée, ses supérieurs hiérarchiques n'ont fait aucune mention de son refus d'exécuter des ordres en septembre 2012, alors qu'ils ignoraient que M. B... procédait à un enregistrement clandestin de leur conversation. Le lien allégué entre le refus d'exécuter des ordres illégaux, présenté par M. B... comme étant à l'origine du harcèlement, et les décisions illégales prises à son encontre par la suite ne peut se déduire des termes de cet entretien. La décision de le sanctionner pour des faits en lien avec les reproches évoqués lors de cet entretien sur son comportement à l'égard du personnel féminin du service ou son attitude lors d'une intervention, jugés non fautifs par le Tribunal administratif de Paris, qui traduit une mauvaise qualification des faits reprochés par l'administration, n'est pas non plus de nature à laisser présumer le harcèlement invoqué. Par ailleurs, les décisions d'évaluation pour 2015, 2017 et 2018, alors au demeurant que M. B... avait été muté et ne dépendait donc plus des supérieurs hiérarchiques qui l'avaient reçu le 23 octobre 2013, ont été annulées pour des motifs d'illégalité externe qui ne permettent pas de faire présumer l'existence d'un harcèlement ayant présidé à leur édiction, pas plus que l'annulation de la décision d'évaluation pour 2016, intervenue pour contradiction de ses motifs, ou les illégalités commises par l'administration dans l'accès de M. B... à des pièces de son dossier, qui n'ont porté que sur un nombre restreint de documents. Il n'établit pas ainsi qu'en ne retenant pas la circonstance qu'il aurait été victime de harcèlement moral, le tribunal aurait procédé à une indemnisation insuffisante de son préjudice moral résultant de l'illégalité des décisions prises à son encontre par l'administration.
5. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus de sa demande. Ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.
DECIDE:
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 22 mai 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- Mme Topin, présidente assesseure,
- M. Magnard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juin 2024.
La rapporteure,
E. TOPIN
Le président,
I. BROTONSLe greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23PA01425 2