Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Tajan a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge de la retenue à la source et des pénalités auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014 à 2016.
Par un jugement n° 1923024/1-2 du 31 janvier 2023, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 27 mars et 4 septembre 2023, la société Tajan, représentée par Me Pierre-Edouard Petit, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 31 janvier 2023 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses pour un montant, en droits et majorations, de 359 600 euros.
Elle soutient que :
- l'article 155 A du code général des impôts est inapplicable ;
- les impositions procèdent de son application ;
- les prestations en cause sont effectuées à l'étranger et sont indépendantes de l'activité réalisée en France et ne sont par suite pas soumises à la retenue à la source ;
- la doctrine référencée BOI-RES-IR-00025 prévoit que les prestations de sous-traitance réalisées à l'étranger ne sont pas soumises à la retenue à la source ;
- la doctrine administrative référencée BOI-IR-DOMIC-10-10 n° 250 prévoit que ne sont pas taxables en France les prestations qui concourent à la réalisation d'opérations faites avec des clients étrangers ;
- la taxation en France à la retenue à la source des bénéfices de la société RBS, qui est établie en Grande-Bretagne, est contraire aux articles 7 et 23 de la convention franco-britannique ;
- elle est de même contraire à la convention franco-américaine si on considère que le bénéficiaire des prestations est Mme A... ;
- les sommes versées en 2016 ont été remboursées en 2017 et 2018.
Par un mémoire en défense enregistré le 13 juin 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les moyens présentés par la société requérante ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 4 septembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 25 septembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention conclue entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord signée à Londres le 19 juin 2008 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Magnard,
- et les conclusions de M. Segretain, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société Tajan, qui est une société de ventes volontaires aux enchères, relève appel du jugement du 31 janvier 2023 par lequel le Tribunal administratif de Paris a refusé de prononcer la décharge de la retenue à la source et des pénalités auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014 à 2016.
2. En premier lieu, aux termes de l'article 182 B du code général des impôts :
" I. - Donnent lieu à l'application d'une retenue à la source lorsqu'ils sont payés par un débiteur qui exerce une activité en France à des personnes ou des sociétés, relevant de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, qui n'ont pas dans ce pays d'installation professionnelle permanente : / (...) c. Les sommes payées en rémunération des prestations de toute nature fournies ou utilisées en France ". Il résulte de ces dispositions que sont soumises à retenue à la source les sommes payées par une société qui exerce une activité en France à des personnes ou des sociétés qui n'y disposent pas d'une installation professionnelle permanente, en rémunération de prestations qui sont, soit matériellement fournies en France, soit, bien que matériellement fournies à l'étranger, effectivement utilisées par le débiteur pour les besoins de son activité en France.
3. Il résulte de l'instruction que la société Tajan a conclu, le 23 novembre 2004, avec la société de droit anglais RBS Art Limited une convention qui prévoit que la société britannique assiste et conseille la société Tajan dans ses relations publiques, dans l'élaboration d'une stratégie marketing et dans le sourcing, notamment dans les pays anglo-saxons, d'objets d'art et de collection susceptibles d'être vendus en France. La société RBS Art Limited a perçu pour ces prestations de service, au cours des années 2014 à 2016, des honoraires annuels de 200 000 euros versés par mensualités de 16 666,67 euros. Il ne résulte d'aucun élément du dossier que la société Tajan, qui exerce en France une activité de ventes volontaires aux enchères de nature à bénéficier de ces prestations, et qui est seule en mesure de l'établir, ait utilisé les prestations en cause pour d'autres besoins que ceux de son activité en France. Dans ces conditions, et alors même que ces prestations réalisées à l'étranger seraient individualisées et préalables à l'activité exercée en France par la société requérante, c'est à bon droit que les sommes versées en rémunération des prestations en cause ont été assujetties à la retenue à la source sur le fondement des dispositions précitées du code général des impôts. Contrairement à ce qui est soutenu, la circonstance que la rémunération de ces prestations, réalisées à l'étranger en exécution de la convention susmentionnée par Mme A..., ne pouvait être taxée au nom de cette dernière à l'impôt sur le revenu en application de l'article 155 A du code général des impôts est sans influence sur l'imposition en litige, établie au nom de la société requérante sur le fondement de l'article 182 B du même code, dont la mise en œuvre n'est pas subordonnée au caractère applicable de l'article 155 A. La doctrine référencée BOI-RES-IR-00025 qui prévoit que des prestations de travail à façon réalisées à l'étranger ne sont pas soumises à la retenue à la source ne fait pas de la loi fiscale une interprétation différente de ce qui précède et n'est par suite pas invocable sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales. En absence de tout élément, que, ainsi qu'il vient d'être dit, seule la société requérante est en mesure de produire, de nature à établir que les prestations en cause ont été utilisées pour réaliser des opérations avec des clients étrangers, la société ne saurait valablement se prévaloir, sur le fondement des mêmes dispositions, de la doctrine administrative référencée BOI-IR-DOMIC-10-10 n° 250 qui prévoit que ne sont pas taxables en France les prestations qui concourent à la réalisation d'opérations faites avec des clients étrangers.
4. En deuxième lieu, il appartient au juge de l'impôt de déterminer, au vu des résultats de l'instruction et au besoin d'office, si une disposition conventionnelle s'oppose à l'application de la retenue à la source de l'article 182 B du code général des impôts sur un des revenus visés par les dispositions de celui-ci.
5. Selon les dispositions de l'article 7 de la convention conclue entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord signée à Londres le 19 juin 2008 : " Les bénéfices d'une entreprise d'un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre Etat contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé (...) ". Aux termes de l'article 4 de ladite convention : " 1. Au sens de la présente Convention, l'expression " résident d'un Etat contractant " désigne toute personne qui, en vertu de la législation de cet Etat, y est assujettie à l'impôt en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction, de son lieu d'enregistrement ou de tout autre critère de nature analogue, et s'applique aussi à cet Etat ainsi qu'à toutes ses subdivisions politiques ou à ses collectivités locales, ainsi qu'à toute personne morale de droit public de cet Etat, de cette subdivision ou de cette collectivité. Cette expression ne comprend pas les personnes qui ne sont assujetties à l'impôt dans cet Etat que pour les revenus et les gains en capital de sources situées dans cet Etat ". Aux termes de l'article 23 de cette convention : " 1. Les éléments du revenu d'un résident d'un Etat contractant dont ce résident est le bénéficiaire effectif, d'où qu'ils proviennent, qui ne sont pas traités dans les articles précédents de la présente Convention et qui ne sont pas des revenus de " trusts " ou des successions en cours de liquidation, ne sont imposables que dans cet Etat ".
6. La société requérante se borne à soutenir que la société RBS Art Limited est une société de droit britannique, établie au Royaume-Uni, sans faire valoir expressément que cette société aurait sa résidence fiscale au Royaume-Uni au sens de la convention susvisée, ni produire le moindre document de nature à l'établir. Dans ces conditions, sans qu'ait d'incidence à cet égard la circonstance alléguée que l'administration n'établirait pas que la société RBS Art Limited disposerait d'un établissement stable en France, c'est à bon droit que l'administration a écarté l'application de ladite convention fiscale et mis à la charge de la société Tajan les retenues à la source en litige. La retenue à la source ayant été appliquée aux versements effectués au profit de la société RBS Art Limited, le moyen tiré de ce que la convention fiscale franco-américaine ferait obstacle à ce qu'une telle retenue soit appliquée à des versements consentis au profit de Mme A... qui serait résidente américaine, est inopérant.
7. Enfin, la société Tajan soutient que la retenue à la source n'était pas due pour l'année 2016 dès lors que la société RBS Art Limited lui a remboursé, par trois versements opérés en 2017 et 2018, les sommes qu'elle lui avait versées pour cette année. Toutefois, cette circonstance ne saurait faire obstacle à l'application de la retenue à la source au titre de l'année 2016 dès lors qu'il est constant que les sommes litigieuses ont été effectivement versées en 2016 pour des prestations réalisées au cours de cette même année.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Tajan est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Tajan et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal Ile-de-France.
Délibéré après l'audience du 22 mai 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- Mme Topin, présidente assesseure,
- M. Magnard, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juin 2024.
Le rapporteur,
F. MAGNARDLe président,
I. BROTONS
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
7
N° 23PA01277 2