La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/06/2024 | FRANCE | N°23PA00905

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 2ème chambre, 05 juin 2024, 23PA00905


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... C... et Mme D... B... ont demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012 à 2014.



Par un jugement n° 1916815/1-2 du 3 janvier 2023, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.





Procédure devant la Cour :


r> Par une requête et des mémoires enregistrés les 3 mars, 26 mai, 5 septembre 2023 et 5 mars 2024, M. C... et Mme B..., repr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... et Mme D... B... ont demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012 à 2014.

Par un jugement n° 1916815/1-2 du 3 janvier 2023, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 3 mars, 26 mai, 5 septembre 2023 et 5 mars 2024, M. C... et Mme B..., représentés par Me Thassadit Khemissi, demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 3 janvier 2023 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée devant ce tribunal ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la procédure d'imposition est irrégulière en raison de la méconnaissance de l'obligation prévue à l'article L. 16 A du livre des procédures fiscales de mise en demeure de compléter les explications fournies au titre de crédits bancaires enregistrés en 2012 ;

- la demande L. 16 était irrégulière en ce qu'elle portait sur les revenus tirés d'une activité exercée à l'étranger, dès lors que l'administration était informée de la nature de ces revenus, déclarés au titre de leurs revenus de source étrangère, et par suite du caractère mixte du compte sur lequel les sommes correspondantes étaient créditées ;

- ces irrégularités les ont privés de garanties dès lors qu'elles ont une incidence sur la charge de la preuve ;

- les propositions de rectifications du 21 décembre 2015 et du 21 juillet 2016 méconnaissent l'article L. 57 du livre des procédures fiscales s'agissant de la motivation des revenus de capitaux mobiliers qui se réfèrent aux contrôles effectués à l'égard de deux SCI, dès lors que les propositions de rectifications adressées à ces SCI n'étaient pas jointes ;

- la réponse aux observations du contribuable du 27 octobre 2016 est insuffisamment motivée faute de permettre une identification des sommes pour lesquelles les justificatifs produits n'ont pas été admis ;

- les rehaussements des revenus fonciers sont irréguliers dès lors que la SCI Family C... est imposable à l'impôt sur les sociétés ;

- l'administration a, à tort, considéré qu'ils avaient une activité occulte au sens de l'article L. 47 C du livre des procédures fiscales alors qu'ils avaient déclarés leurs revenus de source étrangère relevant des bénéfices non commerciaux ; elle n'était dès lors pas fondée à les imposer à ce titre ;

- les sommes portées au crédit de leurs comptes courant d'associé de la société SCI Family C... pour des montants de 26 600 euros et 32 125,83 euros correspondent à des prêts familiaux consentis par le frère de M. C... et par leur fille.

Par des mémoires en défense enregistrés les 28 avril, 25 septembre 2023 et 8 mars 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Par un courrier du 2 avril 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 17 avril 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Topin,

- et les conclusions de M. Segretain, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... et Mme B... ont fait l'objet d'un examen de leur situation fiscale personnelle au titre des années 2012 à 2014, à l'issue duquel l'administration a procédé à un rehaussement, suivant la procédure contradictoire, de leurs revenus fonciers, de leurs bénéfices non commerciaux ainsi que des revenus de capitaux mobiliers et, suivant la procédure de taxation d'office, de revenus d'origine indéterminée. Après mise en recouvrement de cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux assortis de pénalités au titre des années 2012, 2013 et 2014, l'administration a partiellement admis l'une de leur réclamation préalable le 10 juin 2019 et prononcé un dégrèvement partiel de ces impositions. Par un jugement du 3 janvier 2023, dont

M. C... et Mme B... relèvent appel, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la décharge en droits et pénalités des impositions restant à leur charge.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 16 A du livre des procédures fiscales : " Les demandes d'éclaircissements et de justifications fixent au contribuable un délai de réponse qui ne peut être inférieur à deux mois. / Lorsque le contribuable a répondu de façon insuffisante aux demandes d'éclaircissements ou de justifications, l'administration lui adresse une mise en demeure d'avoir à compléter sa réponse dans un délai de trente jours en précisant les compléments de réponse qu'elle souhaite ". Selon l'article L. 69 de ce livre : " (...) sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16 ".

3. Il résulte de l'instruction que, par un courrier du 5 octobre 2015, l'administration a demandé aux requérants d'apporter des éclaircissements et des justifications portant notamment sur deux opérations figurant au crédit de l'un de leurs comptes bancaires pour des montants de 10 000 euros et 5 000 euros, datées respectivement des 19 mars et 12 avril 2012. M. C... et Mme B... n'ont toutefois apporté aucun début d'explication à ces crédits dans leur réponse du 12 novembre 2015. Par suite, c'est sans méconnaître l'article 16 A du livre des procédures fiscales que l'administration a taxé d'office ces sommes, dès lors qu'en l'absence de toute réponse sur ces crédits elle n'était pas tenue d'adresser aux contribuables une mise en demeure d'avoir à compléter leur réponse. Et est par suite sans incidence le dégrèvement partiel prononcé par l'administration au titre de l'année 2012, au demeurant non motivé.

4. En deuxième lieu, les requérants soutiennent que les propositions de rectification des 21 décembre 2015 et 21 juillet 2016 sont insuffisamment motivées s'agissant des rehaussements de revenus de capitaux mobiliers qui seraient fondés sur la vérification de comptabilité des SCI Family C... et Investment, dès lors que les propositions de rectification adressées à ces sociétés n'étaient pas jointes. Toutefois, il résulte des propositions de rectifications des 21 décembre 2015 et 21 juillet 2016 que les rehaussements en cause ont été effectués non pas dans la catégorie des revenus de capitaux mobilier, mais dans celle des revenus d'origine indéterminée, eu égard à la nature transparente des deux SCI en cause, et sont motivés par l'absence de justification par les requérants de l'origine et de la nature des crédits inscrits sur leurs comptes courants dans ces sociétés en réponse à la demande de justification qui leur avait été adressée.

5. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que la réponse aux observations du contribuable du 27 octobre 2016 a répondu à chacune des observations formulées par M. C... et Mme B... concernant le rehaussement des revenus des capitaux mobiliers pour l'année 2012. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la réponse aux observations du contribuable en litige doit être écarté comme manquant en fait.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales : " En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements. Elle peut, en outre, lui demander des justifications au sujet de sa situation et de ses charges de famille, des charges retranchées du revenu net global ou ouvrant droit à une réduction d'impôt sur le revenu en application des articles 156 et 199 septies du code général des impôts, ainsi que des avoirs ou revenus d'avoirs à l'étranger. / L'administration peut demander au contribuable des justifications sur tous les éléments servant de base à la détermination du revenu foncier tels qu'ils sont définis aux articles 28 à 33 quinquies du code général des impôts ainsi que des gains de cession de valeurs mobilières ou de droits sociaux tels qu'ils sont définis aux articles 150-0 A à 150-0 E du même code et des plus-values telles qu'elles sont définies aux articles 150 U à 150 VH du même code. / Elle peut également lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés, notamment lorsque le total des montants crédités sur ses relevés de compte représente au moins le double de ses revenus déclarés ou excède ces derniers d'au moins 150 000 €. (...) ".

7. En cinquième lieu, contrairement à ce que soutiennent les requérants, la circonstance alléguée selon laquelle le compte bancaire de M. C... aurait comporté des mouvements liés à son activité professionnelle ne faisait pas en elle-même obstacle à ce que l'administration adresse aux requérants une demande d'éclaircissements ou de justifications sur le fondement de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, dès lors que la nature professionnelle des crédits bancaires n'était pas connue au moment de cette demande, les intéressés ayant seulement fait état de leur origine en réponse à ladite demande.

8. En sixième lieu, aux termes de l'article 47 du livre des procédures fiscales : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu, une vérification de comptabilité ou un examen de comptabilité ne peut être engagé sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification ou par l'envoi d'un avis d'examen de comptabilité.(...) " et aux termes de l'article L. 47 B de ce livre : " Au cours d'une procédure d'examen de situation fiscale personnelle, l'administration peut examiner les opérations figurant sur des comptes financiers utilisés à la fois à titre privé et professionnel et demander au contribuable tous éclaircissements ou justifications sur ces opérations sans que cet examen et ces demandes constituent le début d'une procédure de vérification de comptabilité (...) ". L'article L. 47 C de ce même livre dispose que : " Lorsque, au cours d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle, sont découvertes des activités occultes ou mises en évidence des conditions d'exercice non déclarées de l'activité d'un contribuable, l'administration n'est pas tenue d'engager une vérification de comptabilité pour régulariser la situation fiscale du contribuable au regard de cette activité ".

9. Il résulte des propositions de rectification des 21 décembre 2015 et 21 juillet 2016 que l'administration a sollicité sur le fondement de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales des éclaircissements sur l'origine de certains crédits bancaires portés sur un compte à usage privé et professionnel et, au regard des explications apportées par les requérants, les a imposés dans la catégorie des bénéfices non commerciaux. Elle n'était pas tenue, dans ces circonstances, d'engager une procédure de vérification de comptabilité de l'activité professionnelle de M. C..., quand bien même aucune activité occulte n'aurait été mise en évidence. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 47 C du livre des procédures fiscales doit par suite être écarté.

10. En septième lieu, aux termes de l'article 8 du code général des impôts : " Sous réserve des dispositions de l'article 6, les associés des sociétés en nom collectif et les commandités des sociétés en commandite simple sont, lorsque ces sociétés n'ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société.(...) Il en est de même, sous les mêmes conditions :

/ 1° Des membres des sociétés civiles qui ne revêtent pas, en droit ou en fait, l'une des formes de sociétés visées au 1 de l'article 206 et qui, sous réserve des exceptions prévues à l'article 239 ter, ne se livrent pas à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35 ; (...)".

11. Si les requérants soutiennent qu'ils ne pouvaient être imposés au titre des revenus fonciers sur les bénéfices réalisés par la SCI Family C... dès lors que cette dernière était imposable à l'impôt sur les sociétés, il résulte toutefois de la proposition de rectification du 21 juillet 2016 que les revenus fonciers ont été réhaussés à raison des bénéfices réalisés par la SCI Investment, et non des bénéfices de la société Family C.... Par suite, ce moyen doit être écarté.

12. En dernier lieu, les requérants font valoir que les crédits inscrits au compte courant d'associé de M. C... dans les écritures de cette SCI, que l'administration a réintégrés dans leurs revenus imposables au titre de l'année 2013 en tant que revenus d'origine indéterminée, résultent de prêts consentis par leur fille pour un montant de 26 600 euros et par le frère de M. C... pour un montant 32 125 euros. Ils soutiennent en justifier en se référant à des pièces produites en cours de procédure devant l'administration consistant en des reconnaissances de prêts établis par leur fille et le frère de M. C... et des documents de ces derniers indiquant que le remboursement des prêts n'avait pas commencé en mars 2016. Toutefois, ils ne produisent aucune pièce justifiant du flux financier en provenance du frère et de la fille de M. C..., pas plus d'ailleurs qu'ils ne soutiennent avoir commencé à rembourser ces prêts qui leur auraient pourtant été consentis en 2002 et 2007 selon la réponse à la demande d'éclaircissement datée du 22 avril 2016. Faute de justifier de l'origine effective de ces sommes, ils ne peuvent utilement se prévaloir de la présomption de prêt familial.

13. Il résulte de ce qui précède que M. C... et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande. Leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... et Mme B... est rejetée

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à Mme D... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal Ile-de-France (division juridique).

Délibéré après l'audience du 22 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Topin, présidente assesseure,

- M. Magnard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juin 2024.

La rapporteure,

E. TOPINLe président,

I. BROTONS

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA0090502


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA00905
Date de la décision : 05/06/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Emmanuelle TOPIN
Rapporteur public ?: M. SEGRETAIN
Avocat(s) : KHEMISSI

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-05;23pa00905 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award