Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite par laquelle le président de l'Université Paris Descartes a refusé de l'indemniser de 25 jours de congés au titre de son compte-épargne-temps et de cinq jours de congés annuels, d'annuler la décision révélée par le courrier du 21 novembre 2019 par laquelle l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) a refusé de l'indemniser de 25 jours de congés au titre de son compte-épargne-temps et de cinq jours de congés annuels et de condamner solidairement l'INSERM et l'Université Paris Descartes à lui verser une somme de 3 312 euros correspondant au paiement de 25 jours inscrits sur son compte-épargne temps et cinq jours de congés acquis en 2018/2019 et non pris.
Par un jugement n° 2001430/6-2 du 29 mars 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une ordonnance n° 464473 du 19 janvier 2023, le Conseil d'Etat a attribué à la Cour administrative d'appel de Paris la requête de M. A..., représenté par la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet enregistrée le 30 mai 2022.
Par cette requête et des mémoires enregistrés les 30 août 2022 et 16 mars 2023, M. A... demande à la Cour, dans le dernier état de ses conclusions :
1°) d'annuler ce jugement du 29 mars 2022 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler les décisions attaquées devant ce tribunal ;
3°) de condamner solidairement l'INSERM et l'université Paris-Cité à lui verser la somme correspondant au paiement de 25 jours inscrits sur son compte épargne temps et cinq jours de congés acquis en 2018/2019 non pris, soit la somme de 3 312 euros en principal, sauf à la parfaire pour prendre en compte la revalorisation du point d'indice à compter du 1er juillet 2022, avec intérêts au taux légal à compter de la demande préalable et capitalisation des intérêts à chaque nouvelle année ;
4°) de mettre à la charge de l'INSERM et de l'université Paris-Cité la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- sa minute n'est pas revêtue des signatures prévues à l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- le refus d'indemniser les congés annuels et les congés du compte épargne temps méconnaît l'article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 ;
- aucun texte ne fait obstacle à l'indemnisation de jours de compte épargne temps après la clôture de ce compte ;
- le refus d'indemnisation de ses jours portés sur le compte épargne temps méconnaît l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 23 mars 2023, la présidente de l'université de Paris-Cité représentée par Me Pierre Moreau conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de M. A... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par des mémoires en défense enregistré les 9 août et 22 septembre 2023, l'INSERM représenté par la SCP Waquet, Farge et Hazan conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. A... la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.
Par une ordonnance du 12 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 27 septembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 relative à certains aspects de l'aménagement du temps de travail ;
- le décret n° 84-972 du 26 octobre 1984 relatif aux congés annuels des fonctionnaires de l'Etat ;
- le décret n° 2002-634 du 29 avril 2002 portant création du compte épargne-temps dans la fonction publique de l'Etat et dans la magistrature ;
- l'arrêté du 28 aout 2009 pris pour l'application du décret n° 2002-634 du 29 avril 2002 modifié portant création du compte épargne-temps dans la fonction publique de l'Etat et dans la magistrature ;
- l'arrêté du 8 juillet 2010 relatif à la mise en œuvre du compte épargne-temps au sein de l'administration centrale du ministère chargé de l'éducation nationale et du ministère chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche ainsi qu'au sein des organismes qui leur sont rattachés ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Topin,
- les conclusions de M. Segretain, rapporteur public,
- et les observations de Me Murat, représentant M. A... et de Me Zola-Dudu représentant l'université Paris-Cité.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., fonctionnaire titulaire de l'INSERM, a été détaché auprès de l'université alors Paris Descartes, devenue Paris Cité, jusqu'au 31 août 2019. Il a été réintégré dans son administration d'origine le 1er septembre 2019 et radié des cadres, à sa demande, le même jour. Il a sollicité le 30 octobre 2019 auprès de l'Université Paris Descartes et de l'INSERM l'indemnisation de 25 jours de congés placés sur son compte-épargne-temps et de cinq jours de congés annuels non pris. Par un courrier du 21 novembre 2019, l'INSERM a décliné sa compétence et a implicitement rejeté sa demande. En l'absence de réponse de l'Université Paris Descartes, une décision implicite de rejet est née. Par un jugement du 29 mars 2022, dont M. A... relève appel, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions et à la condamnation de l'INSERM et de l'université Paris Cité à lui verser une somme de 3 312 euros à titre d'indemnisation.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
3. Le tribunal administratif a exposé de manière précise, au point 3. de son jugement, les raisons pour lesquelles, selon lui, la décision du refuser le bénéfice de congés annuels sollicité le 3 juin 2019 était fondée sur un motif légal au regard de l'importance des responsabilités dévolues à l'intéressé et du faible délai de prévenance. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement pour insuffisance de motivation doit être écarté.
4. En second lieu, il ressort du dossier d'appel que la minute du jugement attaqué a été signée par le président, le rapporteur et le greffier d'audience. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ne peut donc qu'être écarté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne le refus d'indemnisation de cinq jours de congés annuels :
5. En premier lieu, aux termes de l'article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail : " 1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d'un congé annuel payé d'au moins quatre semaines, conformément aux conditions d'obtention et d'octroi prévues par les législations et/ou pratiques nationales / 2. La période minimale de congé annuel payé ne peut être remplacée par une indemnité financière, sauf en cas de fin de relation de travail. " En application du B de l'annexe I de cette directive, le délai de transposition de cet article était fixé au 23 mars 2005. Ces dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de justice des Communautés européennes dans son arrêt C-350/06 et C-520/06 du 20 janvier 2009, font obstacle, d'une part, à ce que le droit au congé annuel payé qu'un travailleur n'a pas pu exercer pendant une certaine période, parce qu'il était placé en congé de maladie pendant tout ou partie de la période en cause, s'éteigne à l'expiration de celle-ci et, d'autre part, à ce que, lorsqu'il est mis fin à la relation de travail, tout droit à indemnité financière soit dénié au travailleur qui n'a pu, pour cette raison, exercer son droit au congé annuel payé. Ce droit au report ou, lorsqu'il est mis fin à la relation de travail, à indemnisation financière, s'exerce toutefois, en l'absence de dispositions sur ce point dans le droit national, dans la limite de quatre semaines par année de référence prévue par les dispositions citées ci-dessus de l'article 7 de la directive.
6. Il est constant que M. A... a bénéficié de plus de quatre semaines de congés au titre de l'année 2019. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que les décisions attaquées lui refusant l'indemnisation de cinq jours de congés annuels supplémentaires méconnaîtraient les dispositions de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003
En ce qui concerne le refus d'indemnisation de 25 jours de congés du compte épargne temps :
7. En premier lieu, les dispositions citées au point 5. de l'article 7. 2 de la directive du 4 novembre 2003, interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne ne s'opposent pas à des dispositions de droit national accordant au fonctionnaire des droits à congés payés supplémentaires s'ajoutant au droit à un congé annuel minimal de quatre semaines, tels que ceux inscrits sur le compte épargne-temps dans la fonction publique de l'Etat, sans que soit prévu le paiement d'une indemnité financière, lorsque le fonctionnaire en fin de relation de travail ne peut bénéficier de ces droits supplémentaires en raison du fait qu'il n'aurait pu exercer ses fonctions pour cause de maladie. Les jours épargnés sur un compte épargne temps n'ont donc pas le caractère de congés payés annuels, au sens de cette directive, et doivent dès lors être considérés comme des jours de congés supplémentaires. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de cette directive doit être écarté.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1er du décret du 29 avril 2002 portant création du compte épargne-temps dans la fonction publique de l'Etat et dans la magistrature : " Est institué dans la fonction publique de l'État un compte épargne-temps. / (...) / Les droits à congé accumulés sur ce compte sont utilisés conformément aux dispositions des articles 5 et 6. ". Aux termes de l'article 5 de ce décret : " Lorsque, au terme de chaque année civile, le nombre de jours inscrits sur le compte épargne-temps est inférieur ou égal à un seuil (...) qui ne saurait être supérieur à vingt jours, l'agent ne peut utiliser les droits ainsi épargnés que sous forme de congés, pris dans les conditions mentionnées à l'article 3 du décret du 26 octobre 1984 susvisé. ". L'article 6 de ce décret dispose que : " Lorsque, au terme de chaque année civile, le nombre de jours inscrits sur le compte épargne-temps est supérieur au seuil mentionné à l'article 5 : / I. - Les jours ainsi épargnés n'excédant pas ce seuil ne peuvent être utilisés par l'agent que sous forme de congés, pris dans les conditions mentionnées à l'article 3 du décret du 26 octobre 1984 susvisé. / II. - Les jours ainsi épargnés excédant ce seuil donnent lieu à une option exercée au plus tard le 31 janvier de l'année suivante : / 1° L'agent titulaire (...) opte dans les proportions qu'il souhaite :
/ (...) / b) Pour une indemnisation dans les conditions définies à l'article 6-2 ; / (...) ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 28 août 2009 pris pour l'application du décret n° 2002-634 du 29 avril 2002 modifié portant création du compte épargne-temps dans la fonction publique de l'Etat et dans la magistrature : " Le seuil mentionné aux articles 5 et 6 du décret du 29 avril 2002 susvisé est fixé à 15 jours. ". Selon l'article 6 de l'arrêté du 8 juillet 2010 relatif à la mise en œuvre du compte épargne-temps au sein de l'administration centrale du ministère chargé de l'éducation nationale et du ministère chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche ainsi qu'au sein des organismes qui leur sont rattachés : " Les demandes de congé sollicitées au titre du compte épargne-temps sont validées par le chef du service concerné, compte tenu des nécessités du service./ Le chef de service concerné dispose d'un délai d'un mois pour notifier sa réponse./Toutefois, le délai entre la date de notification de la réponse et la date de début du congé sollicité ne peut être inférieur à quinze jours./ En cas de refus ou de report, une décision motivée du chef de service doit être communiquée à l'agent, qui peut saisir la commission administrative paritaire compétente.". Aux termes de l'article 7 du même arrêté : " La fermeture du compte épargne-temps intervient à la date où l'agent est radié des cadres, licencié, ou à la date d'échéance de son contrat. ".
9. D'une part, sur les vingt-cinq jours de congés au titre de son compte épargne temps en litige, M. A... n'est pas fondé à demander l'indemnisation des quinze premiers jours dès lors que ces droits en application des dispositions de l'article 5 du décret du 29 avril 2002 et de l'article 1er de de l'arrêté du 28 août 2009 ne peuvent être utilisés que sous forme de congés. D'autre part, pour les 10 jours de congés restant, M. A..., qui avait informé l'administration par un courrier daté du 21 janvier 2019 de son intention de démissionner le 1er septembre 2019 pour créer son entreprise, n'a demandé à bénéficier des jours de congés inscrits sur son compte épargne temps que début juin 2019, avec effet rétroactif, du 28 mai au 10 juillet 2019, et ne conteste pas le bien-fondé du rejet qui lui a été opposé pour nécessités de service, eu égard aux fonctions de chef de service technique qu'il exerçait. Il lui appartenait par conséquent d'opter pour une éventuelle indemnisation sur le fondement du b du II de l'article 5 du décret du 29 avril 2002 avant la clôture de son compte épargne temps survenue en application de l'article 7 de l'arrêté 8 juillet 2010, à la suite de sa radiation des cadres, à sa demande, le 1er septembre 2019. Aucune disposition réglementaire ne permettant une telle indemnisation après cette date, sa demande en ce sens déposée le 30 octobre 2019, soit après sa radiation des cadres, était tardive. Dans ces conditions, l'administration était par suite fondée à refuser de faire droit à sa demande d'indemnisation.
10. En dernier lieu, aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international (...) ".
11. Si M. A... soutient que les refus opposés à sa demande d'indemnisation de ses jours de congés au titre du compte épargne temps porte une atteinte disproportionnée à son droit de propriété, d'une part, il résulte de ce qui a été dit au point 9. que ces congés ne constituent pas un régime indemnitaire pour les quinze premiers jours et ne sauraient donc constituer un bien au sens des stipulations précitées. D'autre part, pour les dix autres jours, alors qu'il avait sollicité dès le 21 janvier 2019 sa radiation des cadres à compter du 1er septembre 2019, et compte tenu du refus qui lui a été opposé dès le 3 juin 2019 de prendre ces congés au titre du compte-épargne temps, il était en mesure de solliciter de son administration le bénéfice de l'indemnisation de ces jours en application du b) du II de l'article 6 du décret du 29 avril 2002 avant la clôture de son compte-épargne temps résultant de sa radiation des cadres le 1er septembre 2019. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que les décisions attaquées auraient porté une atteinte disproportionnée à son droit de propriété garanti par les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
12. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... les sommes réclamées par l'université Paris-Cité et l'INSERM sur le même fondement.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de l'université Paris Cité et de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à la présidente de l'université Paris-Cité et au président directeur général de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale.
Délibéré après l'audience du 22 mai 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- Mme Topin, présidente assesseure,
- M. Magnard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juin 2024.
La rapporteure,
E. TOPIN
Le président,
I. BROTONSLe greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23PA00391002