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05/06/2024 | FRANCE | N°23PA00246

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 2ème chambre, 05 juin 2024, 23PA00246


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



L'association Si Ni Tong a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française de prononcer la décharge des rappels d'impôts sur les sociétés, de taxe sur la valeur ajoutée, d'impôt foncier, de taxe d'apprentissage et de contribution aux patentes auxquels elle a été assujettie au titre des exercices 2017 à 2019, pour un montant global de 45 803 380 F CFP.



Par un jugement n° 2200065 du 18 octobre 2022, le Tribunal administratif de la Polynésie

française a rejeté sa demande.





Procédure devant la Cour :



Par une requête enr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Si Ni Tong a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française de prononcer la décharge des rappels d'impôts sur les sociétés, de taxe sur la valeur ajoutée, d'impôt foncier, de taxe d'apprentissage et de contribution aux patentes auxquels elle a été assujettie au titre des exercices 2017 à 2019, pour un montant global de 45 803 380 F CFP.

Par un jugement n° 2200065 du 18 octobre 2022, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 18 janvier 2023, l'association Si Ni Tong, représentée par Me François Quinquis, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 18 octobre 2022 du Tribunal administratif de la Polynésie française ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée devant ce tribunal ;

3°) de mettre à la charge de la Polynésie française la somme de 500 000 francs CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa gestion est désintéressée ;

- la location de locaux commerciaux et de places de parking est par nature une activité civile et la circonstance que les biens soient donnés à bail à des commerçants ne permet pas de qualifier l'activité de l'association de commerciale ; l'administration n'établit pas que d'autres sociétés exercent une activité de location dans les mêmes conditions que l'association ;

- l'activité d'aménagement des concessions funéraires s'insère dans une mission de service public de gestion du cimetière chinois et constitue une activité d'intérêt général connexe à ce service public ; la marge bénéficiaire réalisée lors des aménagements n'est pas de nature à caractériser un caractère lucratif dès lors que les bénéfices sont réemployés dans les activités de l'association ; cette activité n'entre en concurrence avec celle d'entreprises commerciales ;

- en tout état de cause, ses bénéfices étaient réaffectés au financement des activités de l'association liées à son objet social et dès lors l'association avait un but non lucratif ;

- les preneurs à bail des locaux commerciaux sont presqu'exclusivement des membres de l'association et les loyers plus faibles que ceux du marché de sorte que l'association ne peut être regardée comme fonctionnant de la même manière qu'une entreprise commerciale ;

- la vente de concessions funéraires préalablement aménagées présente un caractère social et justifie l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée en application de l'article LP. 340-9 9° du code des impôts de la Polynésie française alors que l'association est par ailleurs dépourvue de but lucratif ;

- les cotisations d'impôt foncier doivent être déchargées en application des dispositions de l'article 222-1 6° du code des impôts de la Polynésie française, dès lors qu'elle n'a pas pour but de partager les bénéfices et que ses revenus sont affectés au financement des activités sociales.

Par un mémoire en défense enregistré le 2 juin 2023, la Polynésie française, représentée par Me Philippe Neuffer conclut au rejet de la requête et demande qu'il soit mis à la charge de l'association la somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 10 juillet 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 11 août 2023 à 12h00.

Un mémoire a été enregistré pour l'association Si Ni Tong le 11 août 2023 à 23h57.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;

- le code des impôts de la Polynésie française ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Topin,

- et les conclusions de M. Segretain, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. L'association Si Ni Tong, dont l'objet est d'œuvrer pour le bien social et de promouvoir les activités culturelles de la communauté chinoise de la Polynésie française au sein de la société polynésienne a fait l'objet d'une vérification de comptabilité sur la période du 1er avril 2016 au 30 mars 2019. L'administration, qui a notamment remis en cause le caractère non lucratif de l'activité de location de locaux commerciaux, de parkings et d'entrepôt, ainsi que de l'activité de vente de caveaux dans le cimetière chinois d'Arue, exercées par l'association, a mis à sa charge au titre des exercices 2017 à 2019 des rappels d'impôt sur les sociétés, de contribution des patentes, de taxe d'apprentissage, d'impôt foncier et de taxe sur la valeur ajoutée. L'association Si Ni Tong relève appel du jugement du 18 octobre 2022 par lequel le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions.

Sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

2. Aux termes de l'article LP. 340-1 du code des impôts de la Polynésie française : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de service effectuées à titre onéreux par un assujetti. ". Aux termes de l'article LP. 340-9 du même code : " Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : (...) 9°) les services à caractère social, éducatif, culturel ou sportif, rendus à leurs membres par les associations et organismes légalement constitués, agissant sans but lucratif et notamment par les associations philosophiques, religieuses, politiques, civiques ou syndicales, et dont la gestion est désintéressée, ainsi que les livraisons de biens qui se rattachent directement à ces prestations. (...) ". Il résulte de cette disposition que seuls les services à caractère social, éducatif, culturel ou sportif rendus aux membres de l'organisme peuvent être exonérés de taxe sur la valeur ajoutée.

3. L'administration a mis à la charge de l'association requérante les rappels en litige à raison de la vente de caveaux au sein du cimetière chinois d'Arue. Si l'association soutient qu'il ne s'agit pas de ventes de caveaux mais de ventes de concessions aménagées à titre perpétuel, cette qualification n'a pas d'incidence dès lors que cette prestation, réalisée avec une importante marge bénéficiaire de 29 781 994, 11 549 941, 5 967 413 et 3 643 271 francs CFP au cours des années litigieuses, ne présente pas de caractère social, la seule circonstance, invoquée par la requérante, selon laquelle les profits générés par cette activité seraient réinvestis dans des projets ayant un objet social n'étant pas de nature à conférer à l'activité elle-même un tel caractère. Par suite, l'association requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait dû bénéficier de l'exonération prévue au 9° de l'article LP. 340-9 du code des impôts de la Polynésie française.

Sur l'impôt sur les sociétés, la contribution aux patentes et la taxe d'apprentissage :

4. Aux termes du 1 de l'article LP. 112-1 du code des impôts de la Polynésie française : " Sont passibles de l'impôt sur les sociétés, quel que soit leur objet, les sociétés anonymes, les sociétés en commandite par actions et les sociétés à responsabilité limitée, ainsi que les établissements publics, les organismes de l'Etat jouissant de l'autonomie financière, les organismes de la Polynésie française et des communes et toutes autres personnes morales se livrant à une exploitation ou à des opérations à caractère lucratif ". Aux termes de l'article 211-1 du même code, sont assujettis à la contribution des patentes : " Toute personne physique ou morale de nationalité française qui exerce à titre permanent une activité professionnelle non salariée, non comprise dans les exemptions déterminées par le présent code ". Et l'article 311-1 de ce code dispose que : " Pour compter du 1er janvier 1970, toute personne physique ou morale, qu'elle soit française ou étrangère exerçant en Polynésie française une activité susceptible d'être patentée, est passible de la taxe d'apprentissage calculée et perçue en fonction du nombre d'employés ou de salariés dont elle utilise les services ".

5. Les personnes morales de Polynésie française ne sont exonérées d'impôt sur les sociétés que si, d'une part, leur gestion présente un caractère désintéressé et, d'autre part, les services qu'elles rendent ne sont pas offerts en concurrence dans la même zone géographique d'attraction avec ceux proposés au même public par des entreprises commerciales exerçant une activité identique. Toutefois, même dans le cas où la personne morale intervient dans un domaine d'activité et dans un secteur géographique où existent des entreprises commerciales, l'exonération d'impôt sur les sociétés lui est acquise, si elle exerce son activité dans des conditions différentes de celles des entreprises commerciales, soit en répondant à certains besoins insuffisamment satisfaits par le marché, soit en s'adressant à un public qui ne peut normalement accéder aux services offerts par les entreprises commerciales, notamment en pratiquant des prix inférieurs à ceux du secteur concurrentiel et à tout le moins des tarifs modulés en fonction de la situation des bénéficiaires, sous réserve de ne pas recourir à des méthodes commerciales excédant les besoins de l'information du public sur les services qu'elle offre.

6. S'il est constant que la gestion de l'association présente un caractère désintéressé, il résulte de l'instruction que cette dernière met en location des locaux commerciaux, des parkings et des entrepôts à Papeete, dans une zone où des activités commerciales similaires sont pratiquées. La Polynésie française soutient, sans que l'association ne le conteste sérieusement, que les prix pratiqués pour les baux des parkings sont similaires à ceux du secteur concurrentiel et que les prix des baux des autres immeubles sont légèrement inférieurs à ceux du marché en raison des impôts et taxes éludés par la requérante. Par ailleurs, l'association ne réserve pas ces locations à ses membres et ne soutient ni que les besoins du marché seraient insuffisamment satisfaits, ni avoir eu une politique de modulation des loyers en fonction de la situation des bénéficiaires. A cet égard, la qualification d'activité à caractère commercial ou à caractère civil est sans incidence sur les impositions en litige dès lors qu'elle est exercée en concurrence avec le secteur commercial et selon des modalités similaires. Par ailleurs, ainsi qu'il a été dit au point 3., l'association, qui dispose d'un monopole de gestion du cimetière chinois d'Arue, commune qui dispose également d'un cimetière communal, vend des concessions perpétuelles aménagées en réalisant des marges sans rapport avec le coût des travaux sous-traités pour réaliser ces aménagements, sans qu'elle n'établisse que cette tâche lui aurait été déléguée par la commune dans le cadre d'une délégation de service public. L'association ne soutient pas non plus, ni n'allègue que les prix de vente seraient modulés en fonction de la situation sociale des bénéficiaires. Par suite, l'association requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a mis à sa charge des cotisations à l'impôt sur les sociétés, de contribution des patentes, de la taxe d'apprentissage au titre des exercices 2017 à 2019.

Sur l'impôt foncier :

7. Aux termes de l'article 221-1 du code des impôts de la Polynésie française : " L'impôt foncier est établi annuellement sur les propriétés bâties sises en Polynésie française. Il frappe également : / (...) / 2°) Toutes installations commerciales ou industrielles assimilables à des constructions (...). ". Aux termes de l'article 222-1 de ce même code : " Sont exemptés de cet impôt : (...)6°) Les bâtiments appartenant aux associations ou organismes de bienfaisance, aux associations sportives ou aux associations culturelles dont le but est autre que le partage des bénéfices et dont les revenus sont affectés à de telles œuvres, suivant décision du conseil des ministres ;(...) ".

8. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6., l'association requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle doit être exemptée de taxe foncière sur le fondement du 6° de l'article 222-1 du code des impôts de la Polynésie française.

9. Il résulte de tout ce qui précède que l'association Si Ni Tong n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 doivent être rejetées par voie de conséquence et il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association requérante une somme à verser à la Polynésie française au même titre.

DECIDE :

Article 1er : La requête de l'association Si Ni Tong est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la Polynésie française au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Si Ni Tong et à la Polynésie française.

Délibéré après l'audience du 22 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Topin, présidente assesseure,

- M. Magnard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juin 2024.

La rapporteure,

E. TOPINLe président,

I. BROTONS

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA0024602


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA00246
Date de la décision : 05/06/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Emmanuelle TOPIN
Rapporteur public ?: M. SEGRETAIN
Avocat(s) : SELARL PIRIOU QUINQUIS BAMBRIDGE-BABIN

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-05;23pa00246 ?
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