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24/05/2024 | FRANCE | N°23PA04761

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 4ème chambre, 24 mai 2024, 23PA04761


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... E... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 7 août 2023 par laquelle le ministre de l'intérieur et des outre-mer a prononcé à son encontre une mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance.



Par un jugement n° 2319577 du 20 septembre 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.





Procédure devant la Cour :



Par une requête, enregis

trée le 17 novembre 2023, Mme E..., représentée par Me H..., demande à la Cour :



1°) d'annuler ce jugement ;



...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... E... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 7 août 2023 par laquelle le ministre de l'intérieur et des outre-mer a prononcé à son encontre une mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance.

Par un jugement n° 2319577 du 20 septembre 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 17 novembre 2023, Mme E..., représentée par Me H..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cette décision ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'elle méconnaît les dispositions de l'article L. 288-1 du code de la sécurité intérieure ;

- l'atteinte à sa liberté d'aller et venir et à sa vie privée et familiale est disproportionnée.

Par un mémoire enregistré le 12 février 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Un mémoire, enregistré le 25 février 2024, a été produit pour Mme E... et n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité intérieure ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A..., présidente,

- les conclusions de Mme D..., rapporteure publique,

- et les observations de Me H... représentant Mme E....

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 7 août 2023, modifié le 9 août 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer a pris, sur le fondement des articles L. 228-1 et suivants du code de la sécurité intérieure, une mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance à l'encontre de Mme E..., pour une durée de trois mois d'une part, lui interdisant de se déplacer en dehors du territoire de la ville de Paris sans avoir obtenu préalablement une autorisation écrite, l'obligeant à se présenter une fois par jour au commissariat de la Goutte d'Or à Paris, à 19 heures, et à confirmer son lieu d'habitation, et pour une durée de six mois d'autre part, lui interdisant d'entrer en relation avec trois personnes nommément désignées. Mme E... relève appel du jugement du 20 septembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 228-1 du code de la sécurité intérieure : " Aux seules fins de prévenir la commission d'actes de terrorisme, toute personne à l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics et qui soit entre en relation de manière habituelle avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme, soit soutient, diffuse, lorsque cette diffusion s'accompagne d'une manifestation d'adhésion à l'idéologie exprimée, ou adhère à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme ou faisant l'apologie de tels actes peut se voir prescrire par le ministre de l'intérieur les obligations prévues au présent chapitre ". L'article L. 228-2 du même code énonce que : " Le ministre de l'intérieur peut, après en avoir informé le procureur de la République antiterroriste et le procureur de la République territorialement compétent, faire obligation à la personne mentionnée à l'article L. 228-1 de : / 1° Ne pas se déplacer à l'extérieur d'un périmètre géographique déterminé, qui ne peut être inférieur au territoire de la commune. La délimitation de ce périmètre permet à l'intéressé de poursuivre une vie familiale et professionnelle et s'étend, le cas échéant, aux territoires d'autres communes ou d'autres départements que ceux de son lieu habituel de résidence ; / 2° Se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie, dans la limite d'une fois par jour, en précisant si cette obligation s'applique les dimanches et jours fériés ou chômés ; / 3° Déclarer son lieu d'habitation et tout changement de lieu d'habitation (...) ".

3. Il résulte des dispositions de l'article L. 228-1 du code de la sécurité intérieure que les mesures qu'il prévoit doivent être prises aux seules fins de prévenir la commission d'actes de terrorisme et sont subordonnées à deux conditions cumulatives, la première tenant à la menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics résultant du comportement de l'intéressé, la seconde aux relations qu'il entretient avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme ou, de façon alternative, au soutien, à la diffusion ou à l'adhésion à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme ou faisant l'apologie de tels actes.

4. D'une part, s'agissant de la première condition, il est constant que Mme E... a été condamnée pour des faits de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte de terrorisme, qu'elle a été interpellée alors qu'elle projetait de se rendre dans la zone irako-syrienne avec son mari et ses enfants, et qu'elle a contribué au financement du groupe du djihadiste Omar Diaby. Il ressort des pièces du dossier, et particulièrement des notes de renseignement produites par le ministre de l'intérieur en première instance, que le matériel informatique de l'intéressée, contrairement à ce qu'elle soutient, contenait une importante propagande djihadiste. En outre, il ressort de ces mêmes notes de renseignement que, si l'intéressée n'a pas été sanctionnée au cours de sa détention, elle a eu plusieurs altercations verbales avec des codétenues, et a tenu des propos radicalisés. Dans ces conditions, au regard de l'ensemble de ces éléments, et même si son comportement général en détention a été favorablement évalué par les autorités pénitentiaires, Mme E... doit être regardée, à la date de la décision attaquée, comme remplissant encore la première condition tenant à la menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics que son comportement constitue.

5. D'autre part, s'agissant de la seconde condition, si Mme E... est divorcée de son mari ayant été condamné pour les mêmes faits de terrorisme à huit années d'emprisonnement, il ressort des pièces du dossier qu'elle demeure en contact avec lui en raison de leurs devoirs parentaux et qu'elle présente encore une personnalité dépendante, comme en atteste le rapport d'expertise psychiatrique du 15 février 2023. En outre, il ressort de la note des services de renseignement que l'intéressée a, au cours de sa détention, été en contact avec une détenue, nommément désignée, elle-même connue pour sa radicalisation et son lien avec une autre détenue radicalisée. Dans ces conditions, au regard de l'ensemble de ces éléments, Mme E... doit être regardée comme n'ayant pas encore, à la date de la décision attaquée, et même si d'autres pièces du dossier permettent de présager une volonté de l'intéressée de se réinsérer dans la société française, pris suffisamment d'indépendance par rapport aux relations qu'elle entretenait avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme.

6. Il résulte de ce qui a été dit aux points 4 et 5 du présent arrêt que le moyen tiré de ce que la décision contestée méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 228-1 du code de la sécurité intérieure doit être écarté.

7. En second lieu, si Mme E... soutient que la décision contestée porte une atteinte disproportionnée à sa liberté d'aller et venir et à son droit de mener une vie privée et familiale, il lui est loisible de se faire délivrer des autorisations de sortie à condition d'en avoir fait préalablement la demande. Il ressort ainsi des pièces du dossier que par un arrêté du 11 août 2023, elle a été autorisée à se rendre, le 17 août 2023, à une journée de formation située à Saint-Pierre-des-Corps (37) et du 19 au 27 août 2023, à Labastide-Rouairoux (81) afin de rendre visite à ses deux filles. Par suite, le moyen tiré de l'atteinte disproportionnée à la liberté d'aller et venir et au droit de l'intéressée à mener une vie privée et familiale doit être écarté.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, sa requête doit être rejetée dans l'ensemble de ses conclusions, y compris celles relatives aux frais d'instance.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... E... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 26 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme A..., présidente,

- Mme F..., présidente-assesseure,

- M. B..., premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 mai 2024.

La présidente,

G...

L'assesseure le plus ancien,

J...

La greffière,

I...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA04761 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA04761
Date de la décision : 24/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Mireille HEERS
Rapporteur public ?: Mme LIPSOS
Avocat(s) : GOLDMAN

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-24;23pa04761 ?
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