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24/05/2024 | FRANCE | N°23PA03745

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 5ème chambre, 24 mai 2024, 23PA03745


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 20 février 2023 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de sa reconduite à la frontière.



Par un jugement n° 2305308du 19 juillet 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête.



Procédure devant

la Cour :



Par une requête enregistrée le 17 août 2023, Madame B..., représentée par Me Ben Younes, demand...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 20 février 2023 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de sa reconduite à la frontière.

Par un jugement n° 2305308du 19 juillet 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 17 août 2023, Madame B..., représentée par Me Ben Younes, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2305308 du 19 juillet 2023 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police de Paris en date du 20 février 2023 ;

3°) d'enjoindre au préfet de police, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour et, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les décisions portant refus de renouvellement de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français sont insuffisamment motivées ;

- les décisions sont entachées d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elles méconnaissent les dispositions des articles L. 423-23 et L. 423-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que le préfet devait faire usage de son pouvoir de régularisation ;

- elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation.

Par un mémoire, enregistré le 3 novembre 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés dans la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Dubois a été entendu au cours de l'audience publique :

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B..., ressortissante de nationalité tunisienne née le 13 février 1994 à Kebili (Tunisie), entrée selon ses déclarations sur le territoire français en 2014, s'est vu délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " valable du 13 avril 2019 au 12 avril 2020 puis une carte de séjour pluriannuelle valable en dernier lieu jusqu'au 1er septembre 2022 et dont elle a sollicité le renouvellement le 6 juillet 2022. Par un arrêté du 20 février 2023, le préfet de police a rejeté sa demande de renouvellement de titre, lui a fait l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Mme B... relève appel du jugement du 19 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions portant respectivement refus de renouvellement de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police [...] ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / [...] 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour [...] ". Aux termes de l'article L. 613-1 du même code : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. / Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour [...] ".

3. En l'espèce, l'arrêté attaqué fait mention des dispositions des articles L. 611-1 3°, L. 423-23 et L. 423-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lesquelles il se fonde ainsi que des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En outre, l'arrêté attaqué, qui n'avait pas à faire état de l'ensemble des éléments caractérisant la situation de l'intéressée, indique qu'à la suite de la dissolution en date du 12 mai 2022 de son pacte civil de solidarité conclu avec un ressortissant français, Mme B..., célibataire et sans charge de famille en France, ne justifie pas être démunie d'attaches familiales à l'étranger où elle a vécu jusqu'à l'âge de vingt ans, n'établit pas être exposée à des peines ou traitements contraires à la convention européenne en cas de retour dans son pays de résidence habituelle et qu'elle ne pouvait pas se prévaloir des dispositions de l'article L. 423-5 précité. L'arrêté comportait donc les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée manque ainsi en fait.

4. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de Mme B....

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 423-5 du même code : " La rupture de la vie commune n'est pas opposable lorsqu'elle est imputable à des violences familiales ou conjugales. / En cas de rupture de la vie commune imputable à des violences familiales ou conjugales subies après l'arrivée en France du conjoint étranger, mais avant la première délivrance de la carte de séjour temporaire, le conjoint étranger se voit délivrer la carte de séjour prévue à l'article L. 423-1 sous réserve que les autres conditions de cet article soient remplies ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles

L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine./ L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

6. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a conclu le 14 juin 2018 un pacte civil de solidarité avec un ressortissant français dont la dissolution a été prononcée le 12 mai 2022. Si la requérante fait valoir que la dissolution de ce pacte civil de solidarité est intervenue en raison des violences que son partenaire lui aurait fait subir, elle ne peut utilement se prévaloir des dispositions précitées de l'article L. 423-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle n'était pas mariée avec celui qu'elle accuse de violences. Mme B... fait néanmoins valoir que le préfet de police aurait dû faire usage de son pouvoir de régularisation en tenant compte de sa situation particulière résultant des violences conjugales qu'elle affirme avoir subies. A cet égard, elle produit un dépôt de plainte faisant état de disputes et une attestation de prise en charge dans le cadre d'un accompagnement psychologique de personnes déclarant avoir subi un préjudice, datée du 1er juillet 2022, délivrée par une psychologue clinicienne en exercice au commissariat du 20e arrondissement. Toutefois, la preuve des violences ainsi évoquées n'est en tout état de cause pas rapportée de manière suffisamment probante, alors que son dépôt de plainte fait état, pour l'essentiel, d'une mauvaise entente au sein du couple lié notamment à un différend sur l'implication de Mme B... dans les tâches ménagères, la requérante ayant en revanche déclaré n'avoir jamais subi de violences physiques de la part de celui-ci. Ce dépôt de plainte n'a ainsi fait l'objet d'aucune suite judiciaire et n'a notamment pas donné lieu à l'adoption d'une ordonnance de protection. Dans ces conditions, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions précitées et de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet de police dans le cadre de son pouvoir de régularisation doivent être écartés.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la ddéfense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. Si Mme B... fait valoir qu'elle entretient en France des liens sociaux et professionnels, il ressort des pièces du dossier qu'elle est célibataire, sans charge de famille en France, et qu'elle n'établit pas être dépourvue d'attaches privées et familiales dans son pays d'origine où elle a vécu au moins jusqu'à l'âge de vingt ans. S'il est vrai qu'elle exerce à temps complet une activité professionnelle en tant qu'ingénieur " Test Analyst " dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à temps complet, cette activité présente toutefois un caractère récent dès lors qu'elle n'est employée que depuis le 25 juillet 2022. Dans ces conditions, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté attaqué porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard du but d'intérêt général poursuivi. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 25 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de chambre,

- M. Marjanovic, président assesseur,

- M. Dubois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 mai 2024.

Le rapporteur,

J. DUBOISLa présidente,

H. VINOT

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA03745 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA03745
Date de la décision : 24/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: M. Jacques DUBOIS
Rapporteur public ?: M. PERROY
Avocat(s) : BEN YOUNES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-24;23pa03745 ?
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