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23/05/2024 | FRANCE | N°24PA00369

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 7ème chambre, 23 mai 2024, 24PA00369


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a, d'une part, demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 16 août 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi pour son éloignement et, d'autre part, demandé au juge des référés de ce tribunal de suspendre l'exécution de cet arrêté en tant que le préfet de la Seine-Saint-Denis

a refusé de lui délivrer un titre de séjour.



Par une ordonnance n° 2214213 du 17 octo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a, d'une part, demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 16 août 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi pour son éloignement et, d'autre part, demandé au juge des référés de ce tribunal de suspendre l'exécution de cet arrêté en tant que le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par une ordonnance n° 2214213 du 17 octobre 2022, le juge des référés du Tribunal administratif de Montreuil a suspendu l'exécution de cet arrêté en tant que le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour jusqu'à ce qu'il ait été statué au fond sur la sa demande tendant à l'annulation dudit arrêté, a enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour assortie d'une autorisation de travail, a mis à la charge de l'Etat une somme de 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Par un jugement n° 2214214 du 4 janvier 2024, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 24 janvier 2024, M. A..., représenté par Me Gonidec, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2214214 du 4 janvier 2024 du Tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 16 août 2022 ;

3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer durant ce réexamen une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision de refus de titre de séjour a été signée par une autorité incompétente ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation au regard des dispositions du second alinéa de l'article L. 422-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions du second alinéa de l'article L. 422-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle et professionnelle ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est, par voie d'exception, illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- les décisions fixant le délai de départ volontaire et le pays de destination sont, par voie d'exception, illégales du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 février 2024, le préfet de la Seine-Saint-Denis conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par une ordonnance n° 24PA00427 du 16 février 2024, le juge des référés de la Cour a suspendu l'exécution de l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 16 août 2022 jusqu'à ce qu'il ait été statué au fond sur la requête n° 24PA00369, a enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer à M. A... une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler valable jusqu'à ce qu'il ait été statué au fond sur la requête n° 24PA00369 et a mis à la charge de l'Etat une somme de 900 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Un mémoire présenté pour M. A... a été enregistré le 11 mars 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Desvigne-Repusseau,

- les observations de Me Begue, substituant Me Gonidec, avocate de M. A...,

- et les observations de M. A....

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 16 août 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de délivrer un titre de séjour à M. A..., ressortissant américain né en 1994, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné. M. A... fait appel du jugement du 4 janvier 2024 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui exerce une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " d'une durée maximale d'un an / La délivrance de cette carte de séjour est subordonnée à la détention préalable d'une autorisation de travail, dans les conditions prévues par les articles L. 5221-2 et suivants du code du travail / (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 422-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque la carte de séjour temporaire portant la mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise " est délivrée en application du 1° de l'article L. 422-10, son titulaire est autorisé, pendant la durée de validité de cette carte, à chercher et à exercer un emploi en relation avec sa formation (...), assorti d'une rémunération supérieure à un seuil fixé par décret et modulé, le cas échéant, selon le niveau de diplôme concerné / A l'issue de cette période d'un an, l'intéressé pourvu d'un emploi ou d'une promesse d'embauche satisfaisant aux conditions énoncées au 1° de l'article L. 422-10 se voit délivrer la carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " prévue aux articles L. 421-1 ou L. 421-3 (...), sans que lui soit opposable la situation de l'emploi ". L'article L. 422-9 de ce code dispose que " Par dérogation aux dispositions de l'article L. 433-1 la carte de séjour temporaire portant la mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise " n'est pas renouvelable (...) ". Aux termes de l'article L. 422-10 du même code : " L'étranger (...) qui justifie (...) avoir été titulaire d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention " étudiant " (...) et avoir obtenu dans un établissement d'enseignement supérieur habilité au plan national un diplôme au moins équivalent au grade de master (...), se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise " d'une durée d'un an dans les cas suivants : / 1° Il entend compléter sa formation par une première expérience professionnelle, sans limitation à un seul emploi ou à un seul employeur / (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions qu'un étranger, titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise ", qui sollicite, à l'issue de la durée de validité de cette carte de séjour, non renouvelable, la délivrance d'une carte de séjour portant la mention " salarié " se voit délivrer de plein droit cette carte de séjour en application des dispositions du second alinéa de l'article L. 422-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile s'il justifie être pourvu à la date d'expiration de son titre de séjour portant la mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise " d'un emploi ou d'une promesse d'embauche en relation avec sa formation régulièrement suivie en France en qualité d'étudiant. Dans ces conditions, l'autorité administrative saisie d'une demande de délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié " par un étranger à l'issue de la durée de validité de son titre de séjour portant la mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise " ne peut se borner à examiner cette demande sur le fondement des dispositions de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mais est également tenue d'examiner s'il peut prétendre à la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié " sur le fondement des dispositions du second alinéa de l'article L. 422-11 du même code.

5. Il ressort des pièces du dossier, notamment des courriers de confirmation de rendez-vous, en date des 5 novembre 2021 et 8 juin 2022, adressés à l'intéressé par les services de la préfecture de la Seine-Saint-Denis, que M. A... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié ", alors qu'il était titulaire d'un titre de séjour portant la mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise " valable du 24 novembre 2020 au 23 novembre 2021, délivré à l'issue de ses études en France. Or, il ressort des termes mêmes de l'arrêté attaqué que le préfet de la Seine-Saint-Denis, pour rejeter la demande de M. A... tendant à la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié ", s'est borné à examiner si l'intéressé remplissait les conditions prévues par les dispositions de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sans rechercher s'il pouvait prétendre à la délivrance de ce titre sur le fondement des dispositions du second alinéa de l'article L. 422-11 du même code, qui n'est d'ailleurs pas visé dans l'arrêté attaqué. Dans ces conditions le requérant est fondé à soutenir que le préfet de la Seine-Saint-Denis a entaché l'arrêté attaqué d'un défaut d'examen de sa situation au regard des dispositions précitées du second alinéa de l'article L. 422-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. Il résulte de ce qui précède, et alors qu'aucun autre moyen de la requête n'est susceptible d'entraîner une annulation de l'arrêté attaqué, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

7. D'une part, aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé / (...) ". Aux termes de l'article L. 911-3 de ce code : " La juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet ".

8. D'autre part, aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée, (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ".

9. Eu égard au motif d'annulation retenu, le présent arrêt implique seulement que, d'une part, l'administration procède au réexamen de la situation de M. A... et prenne une nouvelle décision dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, et que, d'autre part, elle lui délivre sans délai une autorisation provisoire de séjour. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de prononcer contre l'Etat, à défaut pour le préfet de la Seine-Saint-Denis ou tout autre préfet territorialement compétent de justifier de l'exécution du présent arrêt dans un délai de trois mois à compter de sa notification, une astreinte de 50 euros par jour jusqu'à la date à laquelle cet arrêt aura reçu exécution.

Sur les frais liés au litige :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.

D E C I D E:

Article 1er : Le jugement n° 2214214 du Tribunal administratif de Montreuil du 4 janvier 2024 et l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 16 août 2022 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis ou tout autre préfet territorialement compétent de réexaminer la situation de M. A... et de prendre une nouvelle décision dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, et de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : Une astreinte de 50 euros par jour est prononcée à l'encontre de l'Etat s'il n'est pas justifié de l'exécution du présent arrêt dans le délai mentionné à l'article 2 ci-dessus. Le préfet de la Seine-Saint-Denis ou tout autre préfet territorialement compétent communiquera à la Cour copie des actes justifiant des mesures prises pour exécuter le présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au préfet de la Seine-Saint-Denis et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 23 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Hamon, présidente,

- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,

- Mme Zeudmi Sahraoui, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mai 2024.

Le rapporteur,

M. DESVIGNE-REPUSSEAULa présidente,

P. HAMON

La greffière,

L. CHANA

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24PA00369


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA00369
Date de la décision : 23/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HAMON
Rapporteur ?: M. Marc DESVIGNE-REPUSSEAU
Rapporteur public ?: Mme JURIN
Avocat(s) : GONIDEC

Origine de la décision
Date de l'import : 26/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-23;24pa00369 ?
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