Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2023 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination pour son éloignement.
Par un jugement n° 2319329/8 du 22 novembre 2023, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 6 décembre 2023 et 6 mars 2024, Mme A..., représentée par Me Almeida, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2319329/8 du Tribunal administratif de Paris du 22 novembre 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 6 juillet 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " étudiant " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'une erreur de fait au regard des dispositions du 1° de l'article R. 431-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 février 2024, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- sa décision était fondée dès lors que la demande de renouvellement a été enregistrée initialement le 29 juillet 2021, soit plus de six mois après l'expiration de la durée de validité du précédent titre de séjour ;
- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Desvigne-Repusseau,
- et les observations de Me Almeida, avocate de Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 6 juillet 2023, le préfet de police a refusé de renouveler le titre de séjour délivré en qualité d'étudiante à Mme A..., ressortissante chinoise née en 2000, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination pour son éloignement. Mme A... fait appel du jugement du 22 novembre 2023 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. D'une part, aux termes de l'article L. 412-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues aux articles L. 412-2 et L. 412-3, la première délivrance d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle est subordonnée à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 411-1 ". Aux termes de l'article L. 422-1 de ce code : " L'étranger qui établit qu'il suit un enseignement en France ou qu'il y fait des études et qui justifie disposer de moyens d'existence suffisants se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " d'une durée inférieure ou égale à un an / (...) ". Aux termes de l'article R. 431-5 du même code : " Si l'étranger séjourne déjà en France, sa demande est présentée dans les délais suivants : / 1° L'étranger qui dispose d'un [visa de long séjour conférant à son titulaire, en application du second alinéa de l'article L. 312-2, les droits attachés à une carte de séjour temporaire] présente sa demande de titre de séjour entre le cent-vingtième jour et le soixantième jour qui précède l'expiration de ce [visa] lorsque sa demande porte sur un titre de séjour figurant dans la liste mentionnée à l'article R. 431-2. Lorsque sa demande porte sur un titre de séjour ne figurant pas dans cette liste, il présente sa demande dans le courant des deux mois précédant l'expiration du document dont il est titulaire / (...) ". Enfin l'article R. 431-8 du même code dispose que : " L'étranger titulaire d'un document de séjour doit, en l'absence de présentation de demande de délivrance d'un nouveau document de séjour six mois après sa date d'expiration, justifier à nouveau, pour l'obtention d'un document de séjour, des conditions requises pour l'entrée sur le territoire national lorsque la possession d'un visa est requise pour la première délivrance d'un document de séjour / (...) ". Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'un étranger présente une demande de renouvellement de son titre de séjour plus de six mois après l'expiration de celui-ci, sa demande doit être regardée comme une première demande, à laquelle la condition de la détention d'un visa de long séjour peut le cas échéant être opposée.
3. D'autre part, aux termes du I de l'article 15 de la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne : " La durée de validité des documents de séjour suivants, qu'ils aient été délivrés sur le fondement du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou d'un accord bilatéral, arrivés à expiration entre le 16 mai 2020 et le 15 juin 2020, est prolongée de cent quatre-vingts jours : / 1° Visas de long séjour / (...) ".
4. Pour refuser de renouveler le titre de séjour de Mme A..., le préfet de police doit être regardé, compte tenu des termes de l'arrêté attaqué, comme s'étant fondé sur la circonstance que l'intéressée ne justifiait pas être en possession d'un visa de long séjour en cours de validité alors que sa demande de renouvellement, présentée le 29 juillet 2022, a été déposée plus de six mois après l'expiration de son titre de séjour.
5. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision, dont l'annulation est demandée, est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué. Dans son mémoire en défense, communiqué à la requérante, le préfet de police soutient aussi que la demande de renouvellement de titre de séjour a été initialement présentée par Mme A... le 29 juillet 2021, à une date où la validité de son titre de séjour avait expiré depuis plus de six mois, et que, par suite, il était fondé à lui opposer l'absence de visa de long séjour, exigible en application des dispositions précitées de l'article R. 431-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. En premier lieu il est constant que Mme A... est entrée en France le 9 septembre 2019 sous couvert d'un visa de long séjour valant titre de séjour en qualité d'étudiante, valable du 29 août 2019 au 29 août 2020. Si la requérante soutient que la validité de son visa a été prorogée jusqu'au 21 février 2021, cette prorogation n'est pas établie, contrairement à ce qu'elle soutient, par la circonstance que le juge des référés du Tribunal administratif de Paris, saisi par elle sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, a mentionné, dans son ordonnance n° 2220023 du 20 octobre 2022, que son titre de séjour est " valable jusqu'au 28 février 2021 " et qu'elle " en a demandé le renouvellement dans les délais impartis pour ce faire ", dès lors que cette ordonnance est dépourvue de l'autorité de chose jugée et que ces faits ne sont pas établis par les autres pièces versées aux débats tant en appel qu'en première instance. Par ailleurs, le visa de long séjour dont Mme A... était titulaire n'a pu bénéficier de la prorogation automatique de six mois prévue par les dispositions précitées du I de l'article 15 de la loi du 17 juin 2020, dès lors que ce visa est arrivé à expiration après la période du 16 mars au 15 mai 2020 régie par ces dispositions.
7. En deuxième lieu il ressort des pièces du dossier, et notamment d'un extrait de son dossier enregistré sur le site de l'Administration Numérique des Étrangers en France (ANEF), que la demande de renouvellement de titre de séjour en qualité d'étudiant de Mme A... a été formée le 29 juillet 2021, soit plus de six mois après l'expiration de son titre de séjour qui est intervenue le 29 août 2020, et que, par suite, la délivrance à Mme A... d'un titre de séjour en qualité d'étudiante était soumise à l'obligation de détention d'un visa de long séjour. Or, il résulte de ce qui précède que Mme A... ne disposait pas, à la date de la décision attaquée, d'un visa de long séjour en cours de validité. Ce motif de fait est de nature à fonder légalement, à lui seul, la décision de refus de titre de séjour opposé à la requérante et il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur celui-ci. Il y a donc lieu de procéder à la substitution demandée, dès lors que Mme A... ne se trouve privée d'aucune garantie procédurale liée au motif substitué.
8. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre demande de substitution de motif maintenue en appel par le préfet de police, que Mme A... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
D E C I D E:
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 23 avril 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Hamon, présidente,
- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,
- Mme Zeudmi Sahraoui, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mai 2024.
Le rapporteur,
M. DESVIGNE-REPUSSEAULa présidente,
P. HAMON
La greffière,
L. CHANA
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 23PA05021