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23/05/2024 | FRANCE | N°23PA04881

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 8ème chambre, 23 mai 2024, 23PA04881


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 18 octobre 2022 par lequel la préfète du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.



Par un jugement n° 2210724 du 18 juillet 2023, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.



Procédure devant

la cour :



Par une requête et des pièces complémentaires enregistrées les 28 novembre et 12 décembre 2023,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 18 octobre 2022 par lequel la préfète du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2210724 du 18 juillet 2023, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces complémentaires enregistrées les 28 novembre et 12 décembre 2023, M. A..., représenté par Me Gafsia, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2210724 du 18 juillet 2023 du tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler l'arrêté du 18 octobre 2022 par lequel la préfète du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Val-de-Marne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " ou à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

S'agissant de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

- elle est insuffisamment motivée ; les premiers juges ont dénaturé le moyen en le requalifiant en " défaut de motivation "

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; en particulier, l'usage d'une fausse carte d'identité portugaise ne peut constituer un motif de refus de délivrance d'un titre de séjour dès lors qu'il est inséré sur le plan socio-professionnel ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entaché d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 décembre 2023, la préfète du Val-de-Marne conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 16 octobre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vrignon-Villalba ;

- et les observations de Me Gafsia, avocate de M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant brésilien né le 3 septembre 1988 et entré en France le 15 décembre 2015 selon ses déclarations, a sollicité son admission au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 18 octobre 2022, la préfète du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Par un jugement n° 2210724 du 18 juillet 2023, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fins d'annulation :

2. Aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ". En présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de cet article, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Si l'autorité administrative peut, le cas échéant, tenir compte de manœuvres frauduleuses avérées qui, en raison notamment de leur nature, de leur durée et des circonstances dans lesquelles la fraude a été commise, sont susceptibles d'influer sur son appréciation lorsqu'elle est amenée à statuer sur une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié, elle ne saurait se dispenser de prendre en compte les circonstances propres à la situation professionnelle de l'intéressé postérieures à ces manœuvres pour statuer sur la demande dont elle est saisie.

3. Il ressort de la décision contestée que pour refuser à M. A... la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'intéressé faisant valoir, notamment, la détention depuis le 14 septembre 2020 d'un contrat à durée indéterminée en qualité d'opérateur en désamiantage, la préfète du Val-de-Marne a considéré que " (...) l'usage d'une fausse carte d'identité portugaise fait que sa demande ne peut en aucun cas relever d'un motif exceptionnel susceptible de lui permettre de bénéficier d'un titre de séjour même à titre humanitaire " et a porté l'appréciation selon laquelle " la fraude est une circonstance permettant à l'administration de faire échec à la théorie des actes créateurs de droits ". En s'abstenant d'examiner, au seul motif que l'intéressé aurait fait usage d'une fausse carte d'identité, si la situation professionnelle de M. A... pouvait être constitutive d'un motif exceptionnel de nature à permettre la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", a commis une erreur de droit. Par ailleurs, à supposer même que la préfète ait entendu demander, dans ses écritures, une substitution de motifs, d'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle aurait pris la même décision si elle avait pris en compte, notamment, les liens familiaux de M. A... en France et, d'autre part, elle ne procède toujours pas à l'examen de l'insertion professionnelle de M. A..., Par suite, M. A... est fondé à demander l'annulation de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ainsi que, par voie de conséquence, celle des décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement, lesquelles sont dépourvues de base légale.

4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté de la préfète du Val-de-Marne du 18 octobre 2022.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Le présent arrêt, par lequel la cour fait droit aux conclusions à fin d'annulation présentées par M. A..., n'implique pas, eu égard au motif d'annulation ci-dessus énoncé, que l'administration prenne une nouvelle décision dans un sens déterminé. Par suite, les conclusions du requérant tendant à ce que lui soit délivré un titre de séjour portant la mention " salarié " doivent être rejetées. Il y a seulement lieu d'enjoindre à la préfète du Val-de-Marne ou au préfet territorialement compétent de statuer à nouveau sur la situation de l'intéressé dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente de sa décision, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.

Sur les frais liés à l'instance :

6. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision visée ci-dessus et n'allègue pas avoir engagé d'autres frais que ceux pris en charge à ce titre. Dans ces conditions, les conclusions de M. A... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2210724 du 18 juillet 2023 du tribunal administratif de Melun et l'arrêté du 18 octobre 2022 de la préfète du Val-de-Marne sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la préfète du Val-de-Marne, ou au préfet territorialement compétent de procéder au réexamen de la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt et de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie sera adressée au préfet du Val-de-Marne et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Créteil.

Délibéré après l'audience du 29 avril 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Vrignon-Villalba, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Collet, première conseillère,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mai 2024.

L'assesseure la plus ancienne,

C. Collet La présidente rapporteure,

C. Vrignon-Villalba

Le greffier

P. Tisserand

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N°23PA04881


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA04881
Date de la décision : 23/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VRIGNON-VILLALBA
Rapporteur ?: Mme Cécile VRIGNON-VILLALBA
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : GAFSIA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-23;23pa04881 ?
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