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23/05/2024 | FRANCE | N°23PA04595

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 8ème chambre, 23 mai 2024, 23PA04595


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société KF Probat a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler les titres de perception émis les 4 novembre et 11 décembre 2019 suite à la décision du 28 juin 2019 du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration mettant à sa charge le paiement des sommes de 17 850 euros et 2 124 euros correspondant, respectivement, à la contribution spéciale mentionnée à l'article L. 8253-1 du code du travail et à la contribution forfaitaires

prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société KF Probat a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler les titres de perception émis les 4 novembre et 11 décembre 2019 suite à la décision du 28 juin 2019 du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration mettant à sa charge le paiement des sommes de 17 850 euros et 2 124 euros correspondant, respectivement, à la contribution spéciale mentionnée à l'article L. 8253-1 du code du travail et à la contribution forfaitaires prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par jugement nos 2100869 et 2109528 du 3 octobre 2023, le tribunal administratif de Melun a annulé les titres de perceptions émis les 4 novembre et 11 décembre 2019.

Procédure devant la cour :

Par requête enregistrée le 6 novembre 2023, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par Me de Froment, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 2100869 et 2109528 du 3 octobre 2023 du tribunal administratif de Melun ;

2°) de rejeter la demande de la société KF Probat présentée devant le tribunal ;

3°) de mettre à la charge de la société KF Probat la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que c'est à tort que les premiers juges ont retenu le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des titres de perception contestés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 décembre 2023, la société KF Probat, représentée par Me Caunes, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que le moyen soulevé par l'Office français de l'immigration et de l'intégration n'est pas fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;

- le décret n° 2020-163 du 26 février 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Collet,

- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Le 14 septembre 2018, les services de gendarmerie ont contrôlé un véhicule appartenant à la société KF Probat conduit par une ressortissant tunisien dépourvu de titre l'autorisant à travailler et à séjourner sur le territoire national et non déclaré. Un procès-verbal d'infraction a été dressé et transmis à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) en application de l'article L. 8271-17 du code du travail. Par une décision du 28 juin 2019, le directeur général de l'OFII a mis à la charge de la société KF Probat pour l'emploi irrégulier de ce ressortissant étranger la contribution spéciale mentionnée à l'article L. 8253-1 du code du travail pour un montant de 17 850 euros et la contribution forfaitaire prévue par l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour un montant de 2 124 euros. Le recours gracieux formé le 6 septembre 2019 par la société KF Probat a été rejeté par l'OFII le 23 septembre 2019. Par jugement nos 2100869 et 2109528 du 3 octobre 2023, dont l'OFII relève appel, le tribunal administratif de Melun a annulé les titres de perceptions émis les 4 novembre et 11 décembre 2019 pour le recouvrement des contributions précitées.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 8253-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'article 245 de la loi du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 : " (...) l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale (...). / L'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de constater et de liquider cette contribution. / L'Etat est ordonnateur de la contribution spéciale. A ce titre, il liquide et émet le titre de perception. / Le comptable public compétent assure le recouvrement de cette contribution comme en matière de créances étrangères à l'impôt et aux domaines. ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de l'article 245 de la loi du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 : " (...) l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine. (...) / L'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de constater et de fixer le montant de cette contribution. A cet effet, il peut avoir accès aux traitements automatisés des titres de séjour des étrangers dans les conditions définies par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. / L'Etat est ordonnateur de la contribution forfaitaire. A ce titre, il liquide et émet le titre de perception. / Sont applicables à la contribution forfaitaire prévue au premier alinéa les dispositions prévues aux articles L. 8253-1 à L. 8253-5 du code du travail en matière de recouvrement et de privilège applicables à la contribution spéciale. / Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'Etat.". Conformément aux dispositions du II de l'article 245 de la loi de finances pour 2019, ces dispositions législatives sont entrées en vigueur le 1er janvier 2018.

3. D'autre part, aux termes de l'article R. 5223-24 du code du travail en vigueur à la date d'émission des titres contestés, dans sa rédaction applicable à la date d'émission des titres contestés, avant son abrogation par le décret du 26 février 2020 pris pour l'application de l'article 245 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 : " Le directeur général est ordonnateur secondaire à vocation nationale pour l'émission des titres de perception relatifs à la contribution spéciale mentionnée à l'article L. 8253-1 et de ceux relatifs à la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine mentionnée à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ". L'article R. 8253-4 de ce même code, dans sa rédaction applicable à la date d'émission des titres contestés, avant sa modification par le décret du 26 février 2020, dispose que : " A l'expiration du délai fixé, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration décide, au vu des observations éventuelles de l'employeur, de l'application de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1, la liquide et émet le titre de perception correspondant. / La créance est recouvrée par le comptable public compétent comme en matière de créances étrangères à l'impôt et au domaine ". Par ailleurs, selon l'article R 626-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date d'émission des titres contestés, avant sa modification par le décret du 26 février 2020 : " I. - Au vu des procès-verbaux qui lui sont transmis en application de l'article L. 8271-17 du code du travail, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration indique à l'employeur, par lettre recommandée avec avis de réception ou par tout autre moyen permettant de faire la preuve de sa date de réception par le destinataire, que les dispositions de l'article L. 626-1 sont susceptibles de lui être appliquées et qu'il peut présenter ses observations dans un délai de quinze jours. / II. - A l'expiration du délai fixé, le directeur général décide, au vu des observations éventuelles de l'employeur, de l'application de la contribution forfaitaire prévue à l'article L. 626-1, la liquide et émet le titre de perception correspondant. / (...) ".

4. Enfin, en vertu de l'article 10 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " Les ordonnateurs prescrivent l'exécution des recettes et des dépenses. La qualité d'ordonnateur est conférée, pour les personnes morales mentionnées aux 1°, 4°, 5° et 6° de l'article 1er, dans les conditions prévues aux titres II et III. Pour les personnes morales mentionnées aux 2° et 3° de l'article 1er, elle est régie par la loi. Les ordonnateurs sont principaux ou secondaires. Les ordonnateurs peuvent déléguer leur signature et se faire suppléer en cas d'absence ou d'empêchement. Les ordonnateurs, leurs suppléants ainsi que les personnes auxquelles ils ont délégué leur signature sont accrédités auprès des comptables publics assignataires relevant de leur compétence, selon les modalités fixées par arrêté du ministre chargé du budget. ". Aux termes de l'article 11 du même décret : " Les ordonnateurs constatent les droits et les obligations, liquident les recettes et émettent les ordres de recouvrer. / Ils transmettent au comptable public compétent les ordres de recouvrer (...) ".

5. Il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'à la date des titres de perception litigieux, les 4 novembre et 11 décembre 2019, alors même que les dispositions des articles L. 8253-1 du code du travail et L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, selon lesquelles l'Etat est ordonnateur de la contribution spéciale et qu'à ce titre, il liquide et émet le titre de perception, étaient entrées en vigueur, il appartenait encore au directeur général de l'Office, en vertu des dispositions toujours en vigueur à cette date des articles R. 5223-24 et R. 8253-4 du code du travail et de l'article R 626-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de procéder à cette liquidation et à cette émission, en sa qualité d'ordonnateur secondaire. Par suite, l'OFII ne peut pas utilement se prévaloir, pour justifier de la compétence de M. A..., directeur de l'évaluation, de la performance et des affaires financières et immobilières du ministère de l'intérieur, pour signer les titres litigieux, ni de la convention de délégation de gestion conclue le 9 mai 2019 entre la direction générale des étrangers et France et la direction de l'évaluation, de la performance et des affaires financières et immobilières du ministère de l'intérieur, ni de la convention du 29 mai 2019 conclue entre l'OFII et l'Etat relative aux modalités de constatation et de fixation du montant de la contribution spéciale.

6. Il résulte de tout ce qui précède que l'OFII n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a annulé les titres de perceptions émis les 4 novembre et 11 décembre 2019, au motif de l'incompétence de leur auteur.

Sur les frais liés à l'instance :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société KF Probat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à verser à l'OFII la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de condamner l'OFII, par application des mêmes dispositions, à verser à la société KF Probat la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'Office français de l'immigration et de l'intégration est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société KF Probat, présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office français de l'immigration et de l'intégration et à la société KF Probat.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 29 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Vrignon-Villalba, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Collet, première conseillère,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mai 2024.

La rapporteure,

A. Collet La présidente,

C. Vrignon-Villalba

Le greffier,

P. Tisserand

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA04595


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA04595
Date de la décision : 23/05/2024

Composition du Tribunal
Président : Mme VRIGNON-VILLALBA
Rapporteur ?: Mme Aude COLLET
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : DE FROMENT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-23;23pa04595 ?
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