Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société anonyme Generali Vie et la société Generali Iard ont demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 14 janvier 2021 par laquelle la ministre du travail a rejeté le recours hiérarchique formé par la société Generali contre la décision de l'inspecteur du travail du 17 mars 2020 lui ayant refusé l'autorisation de licencier Mme B....
Par jugement n° 2103928 du 14 juin 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de la société Generali Vie et a mis à sa charge le versement de la somme de 1 500 euros à Mme B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 16 août 2023 et 6 février et 12 mars 2024, la société Generali Iard, représentée par Me Lorber Lance, demande à la cour dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler les articles 2 et 3 du jugement n° 2103928 du 14 juin 2023 du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler la décision du 14 janvier 2021 par laquelle la ministre du travail a rejeté son recours hiérarchique formé contre la décision de l'inspecteur du travail du 17 mars 2020 lui ayant refusé l'autorisation de licencier Mme B... ;
3°) de rejeter la demande de première instance et d'appel de Mme B... et de la Fédération des employés et cadres Force Ouvrière ;
4°) de mettre à la charge de Mme B... et de la Fédération des employés et cadres Force Ouvrière la somme de 2 500 euros chacune sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il est insuffisamment motivé s'agissant de l'irrecevabilité relative au défaut d'intérêt ou de qualité à agir de la société Generali Vie qui aurait dû être écartée du fait de la régularisation avant la clôture de l'instruction de la procédure par la société Generali Iard ;
- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la procédure de licenciement prévue par les dispositions de l'article 90 de la convention collective nationale constitue une formalité substantielle alors que le non-respect de la procédure conventionnelle ou statutaire de consultation préalable au licenciement n'est sanctionné que par l'octroi d'une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire en application de l'article L. 1235-2 du code du travail et que la société a respecté les instructions de l'inspection du travail sur l'articulation du délai de huit jours prévu par le code du travail et par la procédure conventionnelle de licenciement ;
- la circonstance que Mme B... a choisi d'être absente à l'entretien préalable auquel elle a été régulièrement convoquée est sans incidence sur la poursuite de la procédure de licenciement et sur la possibilité pour la société de solliciter son autorisation de licenciement après l'entretien préalable ;
- la mise à pied à titre conservatoire de Mme B... est motivée ;
- la demande d'autorisation de travail a été présentée par M. C... qui dispose d'une délégation de pouvoir pour représenter la société Generali Iard ;
- les faits qui sont reprochés à Mme B... sont établis et d'une gravité suffisante pour justifier la demande d'autorisation de licenciement sollicitée ;
- la demande d'autorisation de licenciement n'a aucun lien avec le mandat détenu par Mme B... ;
- la Fédération des employés et cadres Force Ouvrière n'a pas intérêt à agir et n'a subi aucun préjudice.
Par un mémoire en défense enregistré le 19 janvier 2024, la ministre du travail, du plein-emploi et de l'insertion demande à la cour de rejeter la requête de la société Generali Iard.
Elle soutient qu'elle n'a pas d'autre observation à formuler que celles déjà développées dans son mémoire en défense enregistré devant le tribunal administratif de Montreuil qu'elle produit.
Par un mémoire en défense enregistré le 10 mars 2024, Mme B..., représentée par Me Humbert, conclut à titre principal à l'irrecevabilité de l'appel de la société Generali Iard et, à titre subsidiaire, à son rejet et à ce qu'il soit mis à la charge de cette dernière la somme de 3 560 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
Elle soutient que :
- la requête d'appel de la société Generali Iard est irrecevable dès lors que cette dernière n'a pas formé de recours devant le tribunal administratif dans le délai de deux mois prévu par l'article R. 2422-1 alinéa 2 du code du travail mais a seulement présenté un mémoire, enregistré le 5 mai 2023, soit postérieurement à la clôture de l'instruction, et qui n'a pas été communiqué de sorte qu'elle n'a pas été partie présente dans l'instance pendante devant le tribunal administratif ;
- la société Generali Vie n'est pas son employeur et n'avait ainsi aucun intérêt lui donnant qualité pour agir devant le tribunal administratif et cette situation n'était pas régularisable par le dépôt d'un mémoire par la société Generali Iard ;
- la procédure conventionnelle n'a pas été respectée de sorte que la procédure interne suivie par l'employeur est entachée d'un vice substantiel ;
- l'entretien préalable n'a pas eu lieu du fait de l'employeur qui a refusé qu'il se déroule en distanciel ;
- sa mise à pied n'est pas motivée et n'a pas été notifiée à l'inspection du travail.
Par un mémoire en intervention enregistré le 10 mars 2024, la Fédération des Employés et Cadres Force Ouvrière, représentée par Me Humbert, conclut à titre principal à l'irrecevabilité de l'appel de la société Generali Iard et, à titre subsidiaire, à son rejet et à ce qu'il soit mis à la charge de cette dernière la somme de 3 560 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir, à titre principal, que la requête est irrecevable, à titre subsidiaire, qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- la convention collective nationale des sociétés d'assurances du 27 mai 1992, étendue par arrêté du 12 juillet 1993 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Collet,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique.
- les observations de Me Dupir, avocat de la société Generali Iard,
- et les observations de Me Humbert, avocat de Mme B... et de la Fédération des Employés et Cadres Force Ouvrière.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B... a été recrutée par la société Generali Iard le 15 juin 2011 où elle occupe, en dernier lieu, le poste de chargée de relations clientèle et exerce le mandat de déléguée syndicale. Par courrier du 17 mars 2020 reçu le 20 mars suivant, la société Generali a saisi l'inspection du travail d'une demande d'autorisation de licenciement de Mme B... pour motif disciplinaire. Par une décision du 23 mars 2020, l'inspectrice du travail lui a refusé cette autorisation. Par courrier du 16 juillet 2020 reçu le 20 juillet suivant, la société Generali a formé un recours hiérarchique contre cette décision. Par décision du 14 janvier 2021, la ministre du travail a retiré la décision implicite de rejet née le 21 novembre 2020, a annulé la décision de l'inspectrice du travail du 23 mars 2020 et a refusé d'autoriser le licenciement de Mme B.... La société Generali Vie a demandé au tribunal administratif de Montreuil l'annulation de cette décision. Par jugement n° 2103928 du 14 juin 2023, dont la société Generali Iard relève partiellement appel, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande et a mis à sa charge le versement de la somme de 1 500 euros à Mme B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur l'intervention de la Fédération des employés et cadres Force Ouvrière :
2. Dès lors que les statuts de la Fédération des employés et cadres Force Ouvrière prévoient qu'elle a pour objet la défense des droits et intérêts matériels et moraux tant individuels que collectifs des salariés à tous niveaux géographiques, elle est recevable à intervenir au soutien des écritures en défense de Mme B....
Sur la légalité de la décision du 14 janvier 2021 de la ministre du travail :
3. L'intérêt qui donne à l'employeur d'un salarié protégé qualité pour demander l'annulation du refus opposé par l'inspecteur du travail ou, le cas échéant, par le ministre, à sa demande d'autorisation de licenciement de ce salarié tient à la qualité d'employeur de ce salarié à la date d'introduction de sa demande d'annulation devant le juge de la légalité.
4. A la date à laquelle elle a introduit, le 22 mars 2021, une requête devant le tribunal administratif de Montreuil à l'encontre de la décision du 14 janvier 2021 de la ministre du travail, la société anonyme Generali Vie n'avait pas la qualité d'employeur de Mme B.... Le dépôt par la société Generali Iard, qui avait cette qualité, d'un mémoire, enregistré le 27 mars 2023, dans la procédure initiée par la société anonyme Generali Vie, ne saurait avoir eu pour effet de régulariser la demande de la société anonyme Generali Vie qui était, à la date d'introduction de cette demande devant le tribunal administratif de Montreuil, dépourvue d'intérêt à agir contre la décision du 14 janvier 2021 de la ministre du travail. La fin de non-recevoir opposée par Mme B... à la société Generali Iard pour ce motif doit, par suite, être accueillie.
5. Il résulte de tout ce qui précède que, en tout état de cause, la société Generali Iard n'est pas fondée à se plaindre que c'est à tort que par le jugement n° 2103928 du 14 juin 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande et a mis à sa charge le versement de la somme de 1 500 euros à Mme B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur les frais d'instance :
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme B... et de la Fédération des employés et cadres Force Ouvrière, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme demandée par la société Generali Iard au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la société Generali Iard une somme de 2 000 euros, à verser à Mme B... sur le fondement de ces dispositions. Par contre, les conclusions de la Fédération des Employés et cadres Force Ouvrière, présentées sur le même fondement, doivent être rejetées dès lors que l'auteur d'une intervention n'a pas la qualité de partie à l'instance et ne peut donc utilement présenter de telles conclusions.
DÉCIDE :
Article 1er : L'intervention de la Fédération des employés et cadres Force Ouvrière est admise.
Article 2 : La requête de la société Generali Iard est rejetée.
Article 3 : La société Generali Iard versera à Mme B... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la Fédération des Employés et cadres Force Ouvrière présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Generali Iard, à Mme A... B... et à la ministre du travail, de la santé et des solidarités.
Copie en sera adressée à la société anonyme Generali Vie.
Délibéré après l'audience du 29 avril 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Vrignon-Villalba, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222- 26 du code de justice administrative,
- Mme Collet, première conseillère,
- Mme Larsonnier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mai 2024.
La rapporteure,
A. Collet La présidente,
C. Vrignon-Villalba
Le greffier,
P. TisserandLa République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA03720