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23/05/2024 | FRANCE | N°23PA02730

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 8ème chambre, 23 mai 2024, 23PA02730


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 28 janvier 2022 par laquelle la ministre du travail a retiré la décision implicite de rejet du recours hiérarchique formé par la société Voyages Gallia née le 1er décembre 2021, a annulé la décision du 2 juin 2021 par laquelle l'inspectrice du travail avait refusé d'autoriser le licenciement de Mme A..., et a autorisé son licenciement.



Par un jugement n° 2207882/

3-3 du 11 avril 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.



Procédure de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 28 janvier 2022 par laquelle la ministre du travail a retiré la décision implicite de rejet du recours hiérarchique formé par la société Voyages Gallia née le 1er décembre 2021, a annulé la décision du 2 juin 2021 par laquelle l'inspectrice du travail avait refusé d'autoriser le licenciement de Mme A..., et a autorisé son licenciement.

Par un jugement n° 2207882/3-3 du 11 avril 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 juin 2023, Mme A..., représentée par Me Tigrine, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 11 avril 2023 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du 28 janvier 2022 de la ministre du travail ;

3°) de confirmer la décision de l'inspectrice du travail du 2 juin 2021 ;

4°) de mettre à la charge solidaire de l'Etat et de la société Voyages Gallia la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision de la ministre du travail du 28 janvier 2022 est insuffisamment motivée dès lors qu'elle n'a pas censuré le motif tiré de l'irrégularité de la procédure interne à l'entreprise retenu par l'inspectrice du travail, associé à trois autres motifs, pour refuser d'accorder l'autorisation de la licencier ;

- ses fonctions sont celles de comptable et le poste de comptable n'a pas été supprimé par la décision de réorganisation de la société ;

- la procédure interne à la société est irrégulière dès lors qu'aucun comité social et économique d'établissement et aucun comité social et économique central d'entreprise n'ont pu être réunis et consultés sur le projet de licenciement ;

- la société n'a pas respecté les critères déterminant l'ordre des licenciements ;

- la mesure de licenciement est en rapport avec son mandat.

Par un mémoire en défense enregistré le 28 août 2023, la société Voyages Gallia, représentée par Me Khatchikian, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à la ministre du travail, de la santé et des solidarités qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Larsonnier,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,

- et les observations de Me Khatchikian, avocat de la société Voyages Gallia.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... a été recrutée le 20 décembre 2010 par la Holding Gallia en qualité de comptable, par un contrat de travail à durée indéterminée qui a été transféré, le 1er janvier 2016, à la société Voyages Gallia, qui exerce l'activité de voyagiste. Mme A... a exercé en dernier lieu les fonctions de " technicienne groupes et associations " au sein de l'établissement de la société situé à Paris. Par ailleurs, elle exerce le mandat de membre titulaire élue à la délégation du personnel du comité social et économique. Par un courrier du 6 avril 2021 reçu le 7 avril suivant, la société Voyages Gallia a sollicité de l'inspectrice du travail l'autorisation de la licencier pour motif économique. Par une décision du 2 juin 2021, l'inspectrice du travail a refusé d'accorder l'autorisation sollicitée. Par une décision du 28 janvier 2022, la ministre du travail a retiré la décision implicite de rejet du recours hiérarchique formé par la société Voyages Gallia née le 1er décembre 2021, a annulé la décision du 2 juin 2021 par laquelle l'inspectrice du travail avait refusé d'autoriser le licenciement de Mme A..., et a autorisé son licenciement. Par un jugement du 11 avril 2023, dont Mme A... relève appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la légalité externe de la décision du 28 janvier 2022 :

2. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) : 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ". (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

3. Lorsqu'il est saisi d'un recours hiérarchique contre une décision d'un inspecteur du travail statuant sur une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé, le ministre chargé du travail doit, soit confirmer cette décision, soit, si celle-ci est illégale, l'annuler puis se prononcer de nouveau sur la demande d'autorisation de licenciement compte tenu des circonstances de droit et de fait à la date à laquelle il prend sa propre décision. Dans le cas où le ministre, ainsi saisi d'un recours hiérarchique, annule la décision par laquelle un inspecteur du travail a rejeté la demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé, il est tenu de motiver l'annulation de cette décision ainsi que le prévoit l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration et en particulier lorsqu'il estime que le ou les motifs fondant une décision de refus d'autorisation de licenciement sont illégaux, d'indiquer les considérations pour lesquelles il estime que ce motif ou, en cas de pluralité de motifs, chacun des motifs fondant la décision de l'inspecteur du travail, est illégal.

4. Il ressort des termes de la décision contestée que la ministre du travail a annulé la décision de l'inspectrice du travail du 2 juin 2021 au motif que cette dernière n'avait pas respecté le caractère contradictoire de l'enquête menée préalablement à sa décision dès lors que l'employeur n'avait pas été destinataire d'un courriel du 23 septembre 2020 par lequel la salariée portait une réclamation pour absence d'invitation à une réunion du service technique et qu'il n'a donc pas été mis en mesure de présenter ses observations, alors même que cet élément, combiné à d'autres, avait un caractère déterminant pour la caractérisation de l'existence d'un lien entre le mandat de la salariée et la demande introduite à son encontre. Ayant ainsi retenu un motif tiré de l'irrégularité de la procédure suivie par l'inspectrice du travail pour annuler sa décision, la ministre du travail n'était pas tenue de se prononcer sur la légalité des motifs de fond sur lesquels s'était fondée l'inspectrice du travail pour refuser d'accorder l'autorisation de licencier la salariée. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision de la ministre du travail, faute pour celle-ci de s'être prononcée sur le motif retenu par l'inspectrice du travail et tiré de l'irrégularité de la procédure interne à l'entreprise du fait notamment de l'absence de négociation quant à la mise en place d'un comité social et économique (CSE) dans l'établissement de Toulouse et de l'absence de consultation de ce CSE sur le projet de licenciement collectif pour motif économique, ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne de la décision du 28 janvier 2022 :

5. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement présentée par l'employeur est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié.

S'agissant des fonctions exercées par Mme A... :

6. Il ressort des pièces du dossier, notamment de la présentation du projet de plan de licenciement collectif pour motif économique devant le CSE le 4 février 2021, que la restructuration de la société Voyages Gallia, décidée du fait de ses difficultés économiques liées à l'épidémie de la Covid-19, impliquait la suppression de neuf postes comprenant deux postes de technicien au sein du service " groupes et associations ". Mme A... soutient que son contrat de travail, conclu le 20 décembre 2010, stipule que le poste pour lequel elle a été recrutée est celui de comptable, qu'elle n'a pas accepté de modification de son contrat de travail portant sur les fonctions et les attributions exercées et qu'elle doit donc être regardée comme occupant le poste de comptable, lequel ne fait pas partie des postes dont la suppression est prévue par le projet de restructuration de la société. Elle produit notamment, au soutien de ces affirmations, ses bulletins de paie pour la période comprise entre 2012 et 2021 mentionnant comme poste occupé celui de comptable. Toutefois, Mme A... ne conteste pas avoir été affectée à partir de 2016 en qualité de technicienne au sein du service technique " groupes et collectivités ", ce qui est au demeurant établi par ses déclarations devant le CSE lors de la réunion du 18 mars 2021. En outre, il ressort d'un courriel du 20 décembre 2019 que la salariée se présentait, dans ses correspondances, comme appartenant au service technique " groupes et collectivités ". Il ressort ainsi de ces éléments que Mme A... exerçait les fonctions de technicienne au sein du service technique " groupes et collectivités " à la date du projet de plan de licenciement collectif pour motif économique. Dans ces conditions, même si le contrat de travail de la salariée mentionnait un poste de comptable et n'a pas été modifié, Mme A... ayant refusé de signer un avenant à son contrat de travail en 2017, le poste à prendre en considération dans le cadre de la restructuration de la société était celui qui correspondait aux fonctions effectivement exercées par l'intéressée, c'est-à-dire un poste de technicienne.

S'agissant de la procédure interne à l'entreprise :

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 1233-8 du code du travail : " L'employeur qui envisage de procéder à un licenciement collectif pour motif économique de moins de dix salariés dans une même période de trente jours réunit et consulte le comité social et économique dans les entreprises d'au moins onze salariés, dans les conditions prévues par la présente sous-section. (...) ". Aux termes de l'article L. 1233-9 du même code : " Dans les entreprises dotées d'un comité social et économique central d'entreprise, l'employeur réunit le comité social et économique central et le ou les comités sociaux et économiques d'établissements intéressés dès lors que les mesures envisagées excèdent le pouvoir du ou des chefs d'établissement concernés ou portent sur plusieurs établissements simultanément ".

8. Aux termes de l'article L. 2313-1 du code du travail : " Un comité social et économique est mis en place au niveau de l'entreprise. / Des comités sociaux et économiques d'établissement et un comité social et économique central d'entreprise sont constitués dans les entreprises d'au moins cinquante salariés comportant au moins deux établissements distincts ". Aux termes de l'article L. 2313-2 du même code : " Un accord d'entreprise, conclu dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article L. 2232-12, détermine le nombre et le périmètre des établissements distincts ". Aux termes de l'article L. 2313-4 du même code : " En l'absence d'accord conclu dans les conditions mentionnées aux articles L. 2313-2 et L. 2313-3, l'employeur fixe le nombre et le périmètre des établissements distincts, compte tenu de l'autonomie de gestion du responsable de l'établissement, notamment en matière de gestion du personnel ". Aux termes de l'article L. 2313-5 du même code : " En cas de litige portant sur la décision de l'employeur prévue à l'article L. 2313-4, le nombre et le périmètre des établissements distincts sont fixés par l'autorité administrative du siège de l'entreprise dans des conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. Lorsqu'elle intervient dans le cadre d'un processus électoral global, la saisine de l'autorité administrative suspend ce processus jusqu'à la décision administrative et entraine la prorogation des mandats des élus en cours jusqu'à la proclamation des résultats du scrutin. / La décision de l'autorité administrative peut faire l'objet d'un recours devant le juge judiciaire, à l'exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux ".

9. Il ressort des pièces du dossier qu'avant la restructuration envisagée, la société Voyages Gallia comptait plus de cinquante salariés répartis entre les établissements de Paris et Toulouse, à hauteur respectivement de trente-et-un et quatorze salariés, et le site de Corbeil. A l'issue des négociations entre les organisations syndicales représentatives à la négociation collective et l'employeur, un protocole d'accord préélectoral a été conclu et un CSE unique a été mis en place à l'issue des élections du 17 octobre 2019. Ce CSE a été consulté sur le projet de licenciement de Mme A... lors de sa réunion du 18 mars 2021. Mme A... fait valoir que les organisations syndicales représentatives à la négociation collective n'ont pas été invitées par l'employeur à une négociation en vue de déterminer le nombre et le périmètre des établissements distincts au sein de la société et, par suite, de la possibilité de mettre en place un CSE au sein de l'établissement de Toulouse. Dans ces conditions, tant le CSE de l'établissement de Paris dont elle relève que le CSE central aurait dû être consultés. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que les organisations syndicales aient contesté ou même émis des réserves sur le périmètre retenu pour l'organisation des élections du CSE ou pour le périmètre des éventuels établissements distincts, dont l'absence, qui n'est en tout état de cause qu'éventuelle, ne peut dès lors pas être considérée comme étant imputable au seul fait de l'employeur. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure interne à la société Voyages Gallia, faute de consultation d'un CSE d'établissement et d'un CSE central sur le projet de licenciement de la salariée, doit être écarté.

S'agissant du lien entre la mesure de licenciement et le mandat exercé par Mme A... :

10. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit au point 6, que Mme A... a refusé de signer en 2017 l'avenant à son contrat de travail portant sur la modification de ses fonctions et attributions. Dans ces conditions, la circonstance que, d'une part, les fonctions de technicienne exercées effectivement par Mme A... depuis 2016, soit au demeurant avant son élection au CSE, ne correspondent pas à celles de comptable mentionnées sur son contrat de travail, et alors notamment qu'il n'est pas soutenu que cette situation aurait conduit à une dévalorisation de ses fonctions et attributions ou à une diminution de sa rémunération, et, d'autre part, la suppression du poste de technicienne occupé par la salariée décidée dans le cadre du projet de restructuration de la société, ne saurait être regardée, contrairement à ce que soutient la requérante, comme établissant une discrimination à son égard du fait de l'exercice de son mandat de membre du CSE.

11. En deuxième lieu, il ressort du procès-verbal de la réunion du CSE du 18 mars 2021 qu'à l'issue de la première application des critères de licenciement, Mme A... et M. C... ont disposé d'un nombre égal de points et que pour les départager, le directeur général de la société Voyages Gallia a attribué un point supplémentaire à M. C... au titre du critère professionnel. Il ressort des pièces du dossier que M. C... exerçait ses fonctions au sein de la société la Cordée avant son rachat par la société Voyages Gallia en 2019 et qu'il a conservé son ancienneté acquise dans la société la Cordée, soit une ancienneté de dix ans et cinq mois. Il n'est pas contesté qu'il est titulaire d'un diplôme en section Tourisme et Economie de la faculté de Munich, validant un cursus de quatre ans après le baccalauréat, qu'il maitrise cinq langues et qu'il a travaillé pendant treize ans chez un tour opérateur allemand avant d'intégrer la société la Cordée. Il dispose ainsi d'une expérience en production, dans le traitement des demandes de séminaires, groupes et associations et dans l'élaboration de voyages " à la carte ". Mme A... bénéficie d'une ancienneté quasi similaire (dix ans et un mois) à celle de M. C... mais dispose d'une expérience professionnelle moins étendue que celle de son collègue dès lors qu'elle n'exerce les fonctions de technicienne au sein du service " groupes et associations " que depuis 2016, après avoir occupé le poste de comptable. Dans ces conditions, même si la société Voyages Gallia ne verse pas aux débats le compte-rendu d'entretien d'évaluation professionnelle de M. C... au titre de 2020, qui est au demeurant une année particulière du fait de l'épidémie de la Covid-19, et que la requérante a été complimentée pour son travail à plusieurs reprises et a bénéficié de primes, la décision prise par l'employeur d'ajouter un point à M. C... au titre du critère professionnel ne saurait être regardée comme révélant une attitude discriminatoire à l'égard de Mme A... du fait notamment de son mandat de membre du CSE. Par ailleurs, si la requérante entend soutenir que les critères déterminant l'ordre des licenciements applicables dans l'entreprise n'ont pas été respectés, ce moyen ne saurait être utilement invoqué à l'encontre de la décision par laquelle l'autorité administrative autorise un licenciement.

12. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme B..., qui a été recrutée en 2019 comme technicienne, a dû remplacer la responsable de l'équipe 2 pendant l'épidémie de la Covid-19 et qu'elle a été promue adjointe à la responsable de l'équipe 2 en février 2021 à fin notamment de remplacer cette dernière lors de son départ à la retraite prévu en 2021. Il n'est pas contesté que Mme B... est titulaire d'un BTS et d'un Bachelor en tourisme, qu'elle dispose d'une expérience professionnelle acquise au sein de deux grandes sociétés exerçant l'activité de voyagiste et qu'elle est dotée de compétences en matière de négociations avec les clients et les fournisseurs ainsi que d'une capacité à encadrer des équipes. Dans ces conditions, alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A... dispose des compétences et de l'expérience professionnelle pour occuper le poste d'adjointe à la responsable de l'équipe 2, la nomination de Mme B..., quand bien même cette dernière dispose d'une faible ancienneté au sein de la société Voyages Gallia, ne peut être regardée comme constitutive d'une pratique discriminatoire de l'employeur à l'égard de Mme A....

13. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier qu'avant son élection au CSE, Mme A... a adressé au directeur général de la société, le 5 novembre 2019, un courriel dénonçant sur un ton virulent les conditions de travail et la charge de travail des salariés du service technique. En outre, après avoir été élue membre du CSE, elle a informé l'inspecteur du travail le 10 septembre 2020 que son employeur avait des pratiques différentes selon les services pour organiser le travail des salariés lors de la mise en œuvre du dispositif d'activité partielle et a sollicité des informations quant à la mise en œuvre de ce dispositif. La requérante ne produit pas de pièces au soutien de ses affirmations selon lesquelles le directeur financier aurait refusé d'inscrire cette réponse sur le procès-verbal de réunion du CSE et l'aurait qualifiée devant les autres élus du CSE de " salariée malveillante qui lui faisait perdre du temps et qui avait saisi l'inspection du travail ". Si la requérante se prévaut également de ce que les membres du CSE n'ont pas bénéficié de la formation " santé, sécurité et conditions de travail " nécessaire à l'exercice de leurs missions malgré leurs demandes présentées lors des réunions du CSE des 20 février et 5 novembre 2020, il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal de la réunion du CSE du 5 novembre 2020, que l'employeur ne s'est pas opposé à ces demandes mais que les formations ont été reportées du fait des confinements successifs liés à l'épidémie de la Covid-19. Si l'ensemble de ces éléments atteste d'une relation tendue entre Mme A... et la direction de la société Voyages Gallia, ils sont cependant insuffisants pour établir que l'employeur aurait eu un comportement discriminatoire envers la salariée du fait notamment de l'exercice de son mandat.

14. Enfin, en janvier et février 2021, Mme A... s'est plainte auprès de son employeur d'erreurs survenues sur son bulletin de salaire de janvier 2021. Il ressort des pièces du dossier qu'un changement de prestataire est à l'origine de ces erreurs et que la modification de la fiche de paie de la salarié et le versement de la somme restant due au titre de sa rémunération sont intervenus dans un délai de quarante-huit heures. Dans ces conditions, ces erreurs ne peuvent être regardées comme établissant la réalité d'une attitude hostile de l'employeur envers Mme A....

15. Il ressort des points 10 à 14 que la réalité d'un lien entre la mesure de licenciement de Mme A... et l'exercice de son mandat n'est pas établie.

16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge solidaire de l'Etat et de la société Voyages Gallia, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme que demande Mme A... au titre des frais liés à l'instance. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... le versement d'une somme à la société Voyages Gallia sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société Voyages Gallia sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A..., à la société Voyages Gallia et à la ministre du travail, de la santé et des solidarités.

Délibéré après l'audience du 29 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Vrignon-Villalba, présidente de la formation de jugement, en application de l'article R. 222-6 du code de justice administrative,

- Mme Collet, première conseillère,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mai 2024.

La rapporteure,

V. Larsonnier La présidente,

C. Vrignon-Villalba

Le greffier

P. Tisserand

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA02730 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA02730
Date de la décision : 23/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VRIGNON-VILLALBA
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : TIGRINE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-23;23pa02730 ?
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